Accueil National Une loi complémentaire dans l’air

Une loi complémentaire dans l’air

1437
- PUBLICITÉ -

Lors de la conférence de presse tenue il y a trois semaines, le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia, a clairement émis la possibilité de l’élaboration d’une nouvelle loi de finances complémentaire pour l’année en cours. Son propos, inséré dans la foulée d’un jeu de questions-réponses, portait sur l’interdiction d’importation de boissons alcoolisées proposée et entérinée l’année passée par l’Assemblée populaire nationale. Une éventuelle loi de finances complémentaire viendrait donc réparer cette entorse au système de libre-échange. Le souci du gouvernement est d’autant plus justifié que cette même assemblée vient de ratifier l’Accord d’association avec l’Union européenne, lequel accord signifie une liberté commerciale plus accrue entre les deux rives de la Méditerranée et la levée de toute forme de protectionnisme désuet.Il faut, dans ce contexte, souligner que l’interdiction d’importation de boissons alcoolisées a porté un coup dur au secteur du tourisme dans sa rubrique « restauration et gastronomie ». Une enquête menée l’été dernier par La Dépêche de Kabylie dans certains restaurants et hôtels de la région de Bgayet a montré une légitime inquiétude des patrons de ces établissements et une frustration bien visible de leur clientèle. Rappelons que cette loi proposée par des députés islamistes a été majoritairement votée par les députés du FLN qui constitue la première force politique dans l’hémicycle parlementaire. Bien avant Ouyahia, le 8 mars dernier, le ministre des Finances, Abdellatif Benachenhou, a lui aussi émis l’hypothèse d’une loi de finances complémentaire pour l’année 2005. La préoccupation du premier argentier du pays est tout autre. Il s’agit pour lui de mettre fin à la défiscalisation dont jouit le secteur de l’agriculture en Algérie. La loi de finances 2005 comportait dans sa mouture initiale un article qui fait explicitement référence au recouvrement sans exclusive de l’impôt par les services de l’Etat. L’article a été catégoriquement rejeté par les députés. Le ministre des Fiances n’en démord pas, il compte revenir à la charge lors de la présentation de loi de finances complémentaire de l’année en cours ou au cours de l’élaboration de la loi de finances 2006. « Au vu du niveau de croissance actuel, il n’est pas normal que l’impôt stagne », déclare-t-il. Selon lui, seul l’IRG (impôt sur le revenu global) appliqué aux salariés va à peu près au rythme de la croissance. Cette catégorie d’impôt a représenté en 2003 quelque 50,12% de l’ensemble de la fiscalité, tandis que l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) n’en représente que 36,10%. L’exonération et les dégrèvements fiscaux de certaines activités économiques — entrant dans le cadre d’une politique de l’incitation à l’investissement et du développement de l’agriculture — porteraient selon le ministre, un coup dur aux recettes de l’Etat. « L’Etat est en train de se priver de ressources supplémentaires ». Les amendements apportés par les députés à la loi de finances 2005 sont à l’origine d’un manque à gagner de 30 milliards de dinars pour le budget de l’Etat, d’après le ministre. 15 milliards de dinars étaient initialement prévus d’être versés par la CNAC (Caisse nationale d’assurance chômage) au Trésor public vu que cette caisse dispose de recettes excédentaires (85 milliards de dinars) placées dans les banques avec un taux d’intérêt payé par le ministère des Finances. Cet article a été rejeté par les députés. « C’est une irrationalité financière ! », déplorera Benachenhou. Au vu des chamboulements ayant affecté la première mouture de la loi de finances, une diminution des allocations a été opérée dans certains secteurs d’activité et dans certains chapitres budgétaires.Après la présentation de la loi de finances, M. Benachenhou n’a pas caché l’incompréhension politique qui a entouré une telle loi. Le 22 novembre 2004, s’exprimant sur les ondes de la Radio Chaîne III, il s’emporte contre la coalition dominant l’hémicycle : « Chacun sait, c’est un secret de Polichinelle, que le FLN se cherche et que d’autres partis se cherchent un peu aussi. C’est donc une merveilleuse occasion pour les différentes tendances qui s’affrontent dans les différents partis de régler leurs problèmes à l’occasion de la loi de finances. La coalition a du mal à comprendre la portée et l’impact du programme du gouvernement ». Le ministre des Finances n’était pas du tout favorable à une loi de finances complémentaire. « Je ne suis pas dans une impasse budgétaire », assure-t-il. Cependant, au vu de certaines incohérences et aberrations ayant affecté la mouture finale de la loi de finances signée par le président de la République le 31 décembre 2005, une loi complémentaire à mi-parcours n’est pas à exclure. En tous cas, pour certains cercles de décision, elle serait déjà dans l’air.

Amar Naït Messaoud

- PUBLICITÉ -
- PUBLICITÉ -