Accueil Contribution De l’érosion du legs scientifique à l’illusion discursive (2ème partie et fin)

Université Mouloud Mammeri Quatre décennies d'existence : De l’érosion du legs scientifique à l’illusion discursive (2ème partie et fin)

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Dès lors, les apparats, les faux semblants et les rushs folkloriques vers lesquels on veut sciemment agréger l’université Mouloud Mammeri ne peuvent décaper son capital substantiel encore vivace. Forte de cela et puisant de son énergie fossile, tels ceux et celles qui continuent à cultiver l’optimisme et le savoir, elle demeure plus que jamais un être susceptible de régénération par une accrétion des capacités positives de son élite, capable de retrouver à tout moment son lustre d’antan malgré les entreprises de renvoi à l’asile où elle a germé. Elle recèle en elle les ingrédients nécessaires et une somme de projets indéniables pour rebondir sous de meilleurs hospices pour peu que ses ressources intellectuelles se focalisent sur l’essentiel et abandonnent les débats sibyllins qui usent l’intellect et masquent les missions majeures des uns et des autres. C’est cela la contribution dont sont redevables les jeunes générations dont une bonne partie jouit d’un legs scientifique et éthique évident soumis au quotidien aux coups de boutoir d’une action érosive prégnante de la fonction intellectuelle et environnementale. En effet, l’université Mouloud Mammeri couve encore des projets susceptibles de doper sa force de frappe et d’affirmer son identité pour peu qu’ils soient menés à bien : le site de Tamda offre des structures conséquentes dans ce qui est déjà exploité et ce qui est en cours. Il peut incarner un futur possible dédié à son développement si une nouvelle stratégie aux objectifs strictement scientifiques soient clairement tracés loin de spéculations dilatoires, de visions personnelles ou de groupes étriquées, ou encore de conceptions réductrices de la transdisciplinarité. Des capacités pédagogiques de l’ordre de 13 000 places et des structures d’accompagnement de 20 500 lits en voie d’achèvement, un projet de faculté de médecine de 4 000 places pédagogiques et un important équipement de simulation à son profit, voilà des atouts en place susceptibles de réorienter les lendemains de cette université. Des réponses concrètes aux démarches dévalorisantes et réductrices des épigones du débat et artisans du néant, promoteurs du caractère perturbateur dont on affuble l’université Mouloud Mammeri. Mais pour concrétiser ces programmes et reconstituer sa force scientifique, il est vital de marquer une pause et d’abandonner le sophisme de la gestion sapeurs-pompiers, érigée en mode de gouvernance, qui du reste est commun aux universités du pays, pour consacrer l’intérêt général et la sérénité en mettant en point focal la qualité des actes pédagogiques et de recherche dans leurs aspects les plus nobles afin de contrecarrer la tendance à la dés-intellectualisation de l’espace universitaire, par notamment la valorisation de son élite, la moralisation de la fonction d’enseignant-chercheur et la régulation des rapports entre acteurs de la communauté universitaire dans le sens de l’élévation de la valeur travail et du mérite. Dès lors, l’université Mouloud Mammeri doit se consacrer à ses missions principales. Les tentatives de dénaturation et de déqualification de ses fonctions et potentialités, et partant, de son être scientifique et son rôle moteur dans le développement, doivent être remisées. Place à un espace protégé, dévoué à l’expression de l’intelligence et des potentialités positives pour muer progressivement vers la qualité et consacrer un arrimage sur les autoroutes du savoir et de la connaissance. De pourvoyeuse de compétences des universités, écoles et instituts limitrophes, l’université Mouloud Mammeri doit songer à étoffer son armature et son offre de formation et de recherche par des formations qualifiantes, des écoles et instituts spécialisés et, elle le mérite amplement et en a les moyens, pour épouser une étoffe de transmission et de production du savoir avec sa propre identité orientée vers la philosophie de la distinction positive. Cette approche longtemps souhaitée l’extraira du statut de réceptacle dédié pratiquement à la transmission passive des connaissances. Ceci, en développant des formations dignes d’intérêt et en offrant davantage de chances à ses potentialités scientifiques et humaines. N’oublions pas qu’elle fut un phare scientifique jalousé par les universités les plus anciennes du pays qui a fourni d’excellents enseignants-chercheurs à l’espace national et international comme l’illustrent bien les noms qui ont fait récemment l’actualité pour avoir été proches de distinctions majeures que seuls les parrainés par de puissants courants scientifiques courtisent habituellement sans oublier ceux qui alimentent la recherche et l’industrie par leurs idées innovantes. Plateforme de décollage et matrice-mère des 3B-universités (Béjaia, Boumerdés et Bouira), après avoir vécu sa phase d’adolescence, elle doit se tourner résolument vers les valeurs qui furent les siennes et se dessaisir des banalités routinières et transactionnelles dans lesquelles on tente de la confiner davantage à chaque fois que des opportunités d’évolution se présentent, qu’il s’agisse de réformes profondes, de mise en œuvre de programmes spécifiques ou d’initiative de restructuration. Atteinte du syndrome de l’inversion des normes, l’université Mouloud Mammeri mérite mieux que les faux semblants, la ghettoïsation et une démarche effrénée vers la dénaturation irréversible de sa personnalité scientifique, morale et symbolique. Forte d’un héritage scientifique et managérial d’essence constructive, malgré les velléités diverses de marginalisation qui tendent à atrophier et ratatiner ses potentialités, elle doit quitter la trappe des joutes folkloriques, l’art de cultiver la bureaucratie et l’illusion discursive enchanteresse pour se re-hisser au rang qui fut le sien et retrouver ses lettres de noblesse à titre d’institution scientifique et d’espace de liberté, incubateur d’idées positives pleinement assumées. Dans sa texture fondamentale et historique, l’université Mouloud Mammeri n’incarne point l’image restrictive et disqualifiante de la contestation permanente qui n’est qu’une caricature intempérante brandie pour la reléguer aux marges de l’exclusion et la traiter de manière indigente et inéquitable lorsqu’il s’agit notamment de la doter en moyens et en projets à la hauteur de son envergure et ses performances. Elle fut une construction intellectuelle progressive, complexe et positive qui favorisait effectivement les échanges, les débats et la réflexion à l’origine de la production d’idées nobles. Malheureusement, depuis des années, elle a amorcé un sérieux décrochage caractérisé par une phase de ralentissement inquiétante dans l’évolution de sa dynamique scientifique, essoufflée par une politique de nivellement par le bas et d’uniformisation des pratiques de gouvernance et un déclin significatif dans la qualité et l’exécution des actes pédagogiques. Cette situation intenable est aggravée par le fait qu’elle oscille entre une inflation des effectifs, une image terne d’un espace frondeur entretenue, et une notoriété de plus en plus difficile à défendre découlant de ces deux aspects, vécue comme un facteur répulsif inquiétant. A l’instar des autres universités, elle est en proie à la propagation de l’onde du discours nihiliste et dévalorisant qui bouscule une majorité sereine et consciente de la dégradation des études par la montée de la fraude et de modes inciviques de progression dans les cursus et accès aux filières, plutôt étrangers aux mœurs et pratiques universitaires. La théorie du rien et de la contre-production fait école tandis que les tables et les bancs des salles et amphithéâtres sont passés de supports de travail passifs à des outils privilégiés de restitution indolente et illégale des connaissances lors des examens, au même titre que les murs, les acquis des technologies numériques facilitant le reste. En voilà une innovation négative et dégradante rarement entendue dans les commentaires des bonnes âmes ! Mais les tenants du discours nihiliste érigé en norme autorisée en fusion avec une nouvelle forme de tolérance et de charité scientifiques, semblent oublier que s’il n’y avait rien, ils ne seraient pas là à se livrer aux spéculations et autres discours rétrogrades sur le marché de la diffamation. Et, se sont-ils jamais interrogé un seul instant comment l’université Mouloud Mammeri a-t-elle atteint son envergure actuelle et réussit-elle à accueillir chaque an la dizaine de milliers de nouveaux étudiants, malgré ses insuffisances ? Et, pourtant, de rien nous étions partis. Et de rien nous avons pu faire et faisons des choses utiles à la société comme nous l’ont appris nos ancêtres qui, de l’oléastre accroché naturellement aux talus de schiste, ont réussi à greffer l’olivier et en produire de l’huile ; de lanières de terres incultes, à tirer subsistance des millénaires durant. Du schiste et autres grès et granites, ils ont su tailler des pierres pour édifier leurs maisons et en faire des meules, des plantes à en extraire des substances tinctoriales, etc. C’est cela le défi et l’innovation ! Le schiste et l’olivier sont là à traverser des générations et à servir de marqueurs indélébiles pour peu qu’on leur sache gré et leur accorde l’importance qu’ils méritent. Il en est de même de la connaissance et du savoir si toutefois ils ne sont pas évincés de leurs espaces naturels. Mais il semblerait que c’est le cas ! Cheikh Mohand a eu raison de dire « Ayen nesselmed, wa yettu-t, wa yettazu-t, Ce que nous avons enseigné, d’aucuns l’ont oublié, d’autres l’ont écorché ». A force d’écorcher la substance de l’enseignement et de l’université, il finira par ne rien subsister, hormis une trace-fossile silicifiée. Mais, en grattant la poussière qui enveloppe ce fossile et en inversant le signe de la focale de la lentille des myopes dont le pouvoir de résolution ne distingue que du rien dans la matrice de l’esprit, on verra plutôt qu’il y a un rien de bon à l’université Mouloud Mammeri et, cela, depuis longtemps. Depuis au moins quatre décennies… sans cela, le chaos l’aurait emportée. Le nihilisme et l’absolutisme conjugués à la médiocrité n’ont jamais constitué des facteurs constructifs et il est plus aisé de critiquer ceux qui sont au labeur que d’accomplir ce qu’ils font dignement. Ceux qui ont fait leur devoir national ont appris une devise utile qui dit « nettoyer c’est bien, ne pas salir c’est mieux », transposable aisément au cas qui nous préoccupe ici en « critiquer c’est bien, travailler c’est mieux ». De son côté, Albert Einstein a écrit à juste titre que les esprits médiocres ont toujours opposé une résistance farouche aux esprits éclairés. Mais subsiste-t-il tant d’esprits éclairés dans un espace où règne l’idiosyncrasie et la diatribe est érigée en rhétorique adulée, et où on apprécie peu ou prou les choses de l’esprit ? Et, de regretter aussi que dans des amphithéâtres et salles déserts, même le peu d’esprits éclairés qui subsistent sont peu diserts. Enfin, à travers cette incursion évocatrice de l’histoire de notre université, n’omettons pas de rendre un vibrant hommage à tous ceux et celles qui ont contribué à sa naissance et sa maturation par leur engagement en accomplissant dignement leur devoir au sens noble du terme, guère en termes de soumission ou d’intérêt. Hélas, certains nous ont quittés précocement et nous nous inclinons devant leurs âmes. Ceux-là mêmes qui, à la fraîcheur de leur jeunesse, ont fait le choix de servir la science et la capitalisation de la connaissance au profit des enfants d’une région dont la ressource principale fut, et de tout temps, l’éducation et son corollaire, l’accès aux choses de l’esprit. Un hommage appuyé est à rendre aussi aux recteurs successifs qui, chacun comme il l’a pu, ont su maintenir les équilibres souvent précaires pour réduire au mieux les sinuosités du processus constructif de notre université, parfois au péril de leur intégrité morale et physique. Que chacun trouve ici notre profond respect et toute notre déférence en ces temps d’ingratitude, de dépravation, de récession scientifique et de désaffection de l’intelligence.

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I. A. Z.

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