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 » Loge … mon social !  »

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L’une des questions qui vient à l’esprit de tout un chacun est de savoir si les critères en la matière sont scrupuleusement respectés par la commission d’attribution qui – faudrait-il le rappeler – n’est plus une prérogative des Assemblées élues. Celle-ci étant transférée aux chefs de daïra.

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Le cas de la liste des 38 bénéficiaires de la commune d’Amizour sur plus 1 500 dossiers formulés, donne précisément matière à interrogations, d’autant que des irrégularités sont d’ores et déjà constatées. Quelles réponses les autorités réserveront-elles aux questions soulevées ? Théoriquement, ce genre de déviation ne devrait pas avoir lieu dans la mesure où la loi fixe les modalités d’attribution pour peu qu’elles soient observées par les commissions d’attribution.

Pour rappel, ces principales modalités et conditions d’accès au logement public locatif à caractère social, sont définies par le décret exécutif n° 98-42 du 1er février 1998 (Journal Officiel n° 5 du 04 février 1998. Dans son article 4, le décret en question, précise que ne peut accéder à un logement locatif à caractère social tout postulant qui  » est propriétaire d’un logement répondant aux conditions d’hygiène et de sécurité requises, propriétaire d’un terrain à bâtir, a bénéficié d’un logement locatif public à caractère social, a bénéficié d’une aide financière de l’Etat dans le cadre de l’achat ou de la construction d’un logement.  »

Ne figure-t-il pas, parmi les bénéficiaires, des postulants propriétaires de lots de terrains et autres biens immobiliers ? Tous les bénéficiaires sont-ils des  » cas sociaux dignes d’intérêt « , selon la formule usitée ? Loin de douter de la bonne foi des agents chargés de ces enquêtes et de leur intégrité, celles-ci sont effectuées de manière mécanique, se limitant uniquement au recueil d’éléments d’informations communiqués par les postulants ? Ou alors, sont-elles menées de manière rigoureuse et approfondie de telle manière à opérer un premier tri et éliminer des demandes de complaisance et qui, curieusement – faudrait-il l’admettre – finissent souvent par être retenues et satisfaites? De nombreux cas peuvent être cités.

D’abord, celui d’un postulant retenu sur la liste des bénéficiaires alors qu’il serait attributaire d’un logement (LSP) dans la commune d’Amizour et, paradoxalement, à titre d’illustration, ces deux autres cas de postulants que les dispositions de la loi définissent comme étant des cas dignes d’intérêt (Journal officiel n° 67 du 24 octobre 2004) et exclus de la liste des bénéficiaires. Il s’agit d’un postulant, père d’une famille de 4 enfants, dont 3 sont scolarisés et locataire chez un particulier (à raisons de 5 000 DA par mois) occupant une superficie d’environ 50 m2, ou encore cet autre postulant qui occupe les bureaux de l’ antenne de l’état-civil de la commune d’Amizour dans la localité de Merdj Ouamane, alors que la commission de daïra a pour mission « de se prononcer sur le caractère social avéré des demandes sur la base des résultats des investigations effectuées par les brigades d’enquête.  » L’on s’interroge, dès lors, comment des cas  » non sociaux  » arrivent à  » passer  » tout ce dispositif et à  » se faire passer « , par des artifices de tous genres, pour des postulants nécessiteux, sachant qu’au sein de la commission d’attribution, siègent des représentants de divers organismes censés être au fait de la situation des postulants en matière de logement : Caisse nationale du logement, (CNL), OPGI, Direction de l’habitat, la Direction des affaires sociales (DAS)…

S’agissant de la modalité ayant trait aux conditions d’hygiène et de sécurité, il y a lieu de préciser que des postulants dont les habitations sont dans un état de délabrement avancé et présentant justement des risques sur les familles ne sont pas pris en compte. Faut-il qu’un drame se produise pour que l’on se rende compte des réalités sociales d’un citoyen postulant ? En effet, le domicile d’un habitant de la commune d’Amizour, situé au pied d’un monticule clairsemé de rochers, n’est pas à l’abri d’un éventuel éboulement, particulièrement en période de pluies. Un précédent a déjà été enregistré, dans la même localité et fort heureusement sans faire de victimes.

L’autre aspect de cette problématique reste celui des recours, traités par des commissions, désormais sous tutelle de l’administration puisque présidées par les walis. Là, également quelques interrogations méritent d’être posées. Sur quelle base ladite commission aura-t-elle à étudier les recours qui lui seront transmis ? Est-ce sur la base des résultats des premières enquêtes ou alors a-t-elle la latitude de procéder à des contre-enquêtes pour complément d’information ? Théoriquement, la réponse est oui, si l’on se réfère à l’article 16 du décret exécutif n° 89-42 du 1er février 1989 (modifié) qui stipule que la commission de recours  » peut engager toutes les vérifications qu’elle juge utiles pour la prise de décision définitives devant confirmer ou modifier celles de la commission de daïra d’attribution.  » Cependant, la réalité reste toute autre puisque rares sont les listes de bénéficiaires qui sont revues par les commissions de recours pour réparer quand bien même des irrégularités et des injustices finissent par apparaître au grand jour, notamment dans les localités où  » tout le monde connaît tout le monde. »

Par ailleurs et en matière de responsabilité pénale de la commission d’attribution dans le cas où des transgressions viendraient à être établies, ce qui constituerait une violation des dispositions de la loi, l’article 21 du même décret énonce tout simplement que  » toute décision d’attribution prise en dehors des dispositions du présent décret est considérée comme nulle et de nul effet.  » Autrement dit, si un postulant socialement non nécessiteux est  » d’une manière ou d’une autre  » retenu sur la liste des attributaires, la commission d’attribution ne serait pas comptable de ces agissements illicites et ne serait donc, pas pénalement poursuivie, puisque la loi ne prévoit que  » l’annulation d’une décision illégale.  » Or, toute décision illégale est préjudiciable. Aussi doit-elle tomber sous le coup de la justice. Car en définitive, le seul recours d’un citoyen, s’estimant spolié de son droit au logement, ne pourrait être que l’institution judiciaire qui est à même de diligenter des enquêtes aux fins de situer les responsabilités de tous les intervenants dans le processus ayant abouti aux listes des bénéficiaires sujets à controverses. D’autant plus que les membres des commissions d’attribution  » sont soumis, par-devant le président du tribunal territorialement compétents à la prestation de serment.  »

A défaut de garde-fous et de dispositions qui auront pour objectif de considérer les membres des commissions d’attribution pénalement responsables dans toute attribution avérée illégale, des citoyens lésés se sentiront impuissants et ne comprendront pas à quoi servirait alors une loi si les personnes chargées de son application et en contravention, sont exemptes de toute poursuite. Prévoir de telles dispositions dans la législation en matière d’attribution de logements sociaux changerait bien des choses. C’est aussi cela l’Etat de droit. Le droit du citoyen d’avoir le droit de recourir à la justice pour demander réparation, en invoquant la partialité et les errements de la commission d’attribution.

L’autre aberration dans les dispositions du décret est sans conteste, celle d’avoir écarté des commissions d’attribution les représentants des associations de comités de quartiers ou de villages. Quant à la décision de transférer l’attribution des logements à caractère social aux chefs de daïra, c’est une autre paire de manche. Le contrôle citoyen doit être réhabilité. En l’état actuel des choses, ce sont les services de l’administration qui président aux destinées de tout le processus d’attribution et de recours. Et les assemblées élues ? Elles sont réduites à un rôle de « figuration » ! Drôle de démocratie ! Justement, nous avons vu (rapporté par le quotidien la Dépêche de Kabylie du 25 juin dernier) qu’au lendemain de la publication de la liste des bénéficiaires, c’est devant le siège de l’APC que des citoyens se sont rassemblés pour exprimer leur mécontentement.

Rahim Zenati

APC Amizour

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