H’Nifa et Zohra telles que je les ai connues…

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Cheveux grisonnants à l’allure de Delon, Nacer tient une belle affaire à Nogeon. Plein de vie, il parait comme quelqu’un qui

ne plie pas à la cinquantaine pourtant bien accomplie sur papier. Avec un kabyle un peu châtié un français courant, Nacer semble dépasser tous ses complexes. Il ne considère, d’ailleurs, pas qu’il en a, lui qui n’en a fait qu’à sa tête lorsqu’il a décidé de se lier officiellement à la défunte chanteuse Zohra.

Oui, Nacer est l’ex mari de Zohra. Le dernier, car il y en a eu un premier avant lui. Il parle de tout cela sans aucune gêne, naturellement même. Mais une chose, en premier, lui tient à cœur avant d’évoquer le reste. Il aimerait faire une mise au point à certains, dont Kamel Hammadi, l’autre monument de la chanson kabyle, au sujet des origines de H’Nifa : « On dit qu’elle est d’Azeffoun, de la région de Tizi-Ouzou, moi je dis que c’est faux, elle est de la petite Kabylie et son village c’est Beni Djellil. On appelle aussi cette région Aghbala. Si je dis cela, c’est parce qu’il s’agit d’une personne que j’ai connue en étant jeune, à l’âge de quinze ans, j’en ai cinquante actuellement. H’Nifa, j’en parle car je l’ai bien côtoyée, c’était durant, si je ne dis pas de bêtises, les années 75, 76, ici à Paris du côté de Montreuil. C’était avec une troupe d’Idhebalen d’un village qui s’appelle Ath Aâllen. De tous ces gens avec lesquelles elle travaillait à ce moment là même si la majorité n’est plus de ce monde, il en reste une personne qui pourrait d’ailleurs témoigner de ce que je dis. Cette personne s’appelle Mohand Ouboubou, c’est son vrai nom et il habite toujours à Montreuil. Il est de la même région que moi, du côté de M’sisna. Le village de H’nifa n’est pas loin du notre, à peine deux à trois kilomètres. Tiens, je vous rajoute un détail, elle est issue d’une famille de marabouts de Thakhlijth, c’est une contrée de la région de Seddouk. Voilà si je dis ça c’est parce que j’ai entendu pas mal de monde dire, dans les journaux ou encore à la télé dont Kamel Hamadi récemment sur BRTV, que H’nifa est d’Azeffoun, alors que ce n’est pas du tout le cas. C’était il y’a de cela une petite année, mais ça me tenait à cœur de corriger cela». Nacer avoue que lui-même s’étonne qu’un « gars comme Kamel Hamadi se soit hasardé à de telles incertitudes », comme il avoue aussi que beaucoup de gens croiront plus facilement le grand Kamel Hamadi qu’un certain inconnu qui répond au nom de Nacer, même s’il a été un jour le mari de l’immortelle Zohra. « Elle avait quitté la région avec sa fille», rajoute-t-il avant de commencer à parler de lui et de Zohra. Il s’y prend de la sorte : « Zohra, je l’ai connue en 1989. Ici à Paris, avec des amis artistes comme Arezki Moussaoui. C’était du temps de la radio Tiwizi, dans le 20e arrondissement. » La première fois ? « C’était dans un restaurant, le Ighoraf Imazighen dans le 20e arrondissement chez feu Ramdane Amazigh, là où tout le monde rodait à l’époque. C’est là bas que j’ai connu également Matoub. L’histoire a commencé comme ça, naturellement. Après coup, je pense que c’était le coup de foudre, comme on dit, et puis, il y a eu peut-être ce côté affectif, car Zohra, à ce moment là était un peu en détresse et je voulais vraiment l’aider. Et tout s’est enchaîné par la suite. Elle sortait d’une union ratée et ruminait l’histoire de son père, un ancien maquisard torturé par l’armée française… un tas de détails qui lui sont remontés à la surface et qu’elle digérait mal, surtout qu’elle a débarqué en France toute seule, sans sa fille qu’elle avait laissée à sa grand-mère paternelle en Algérie. J’ai vraiment voulu être là et partager ce mal avec elle, car sans doute elle n’était pas n’importe qui pour moi, sinon, c’est sûr qu’on n’allait pas se retrouver, quelques temps après, mari et femme et avoir une fille ensemble. » Cette dernière, Lisa, a aujourd’hui 22 ans, « et tout se passe bien », commente-t-il. N’empêche que le mal de la perte de Zohra se ravive pour lui à chaque fois qu’il en parle. « Zohra, on l’a perdu le 8 janvier 1995, lors d’un accident de voiture comme tout le monde le sait. On était à ce moment là séparés et elle allait sur Marseille pour faire un gala. Elle n’a pu faire le retour ! Voilà c’était le destin. Mais j’ai la conscience tranquille, car mon devoir je l’ai fais, je l’ai rapatriée en Algérie où elle a été enterrée parmi sa famille à Aguemoun, dans la région de Larbaâ N’Ath Irathen. Ce fut une grande perte, et pour nous en tant que famille et pour l’Algérie, car c’était une grande chanteuse même si elle n’en était qu’à ses débuts». Côté privé Nacer raconte que son mariage a duré cinq ans, « elle a eu l’accident à peine quatre mois après notre séparation. C’était une personne incroyable et je la vois toujours à travers notre fille qu’elle m’a laissé à l’âge de cinq ans ».

N. Manil.

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