Ces génies des reprises

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Mais qu’est-ce qui manque, au fond, à ces jeunes chanteurs pour passer du stade d’amateurs à celui de professionnels ? Pourquoi se bornent-ils à interpréter éternellement les chansons des autres dans les soirées qu’ils animent, quand ils pourraient, avec un peu de volonté et d’imagination, peut être, composer et chanter leurs propres chansons? Ils ont, pourtant, les qualités nécessaires pour entamer une carrière d’artiste prometteuse. La preuve, ils font salle comble dans les lieux publics où ils apparaissent, et ils ont leurs propres fans qui les suivent partout. Alors ? La question reste posée, car aucun des interrogés n’a apporté vraiment de réponse satisfaisante. Peut être trouvent-ils plus de plaisir dans la répétition que dans l’invention, considérant sans doute que les meilleurs professionnels font parfois, quand ce n’est pas souvent, de la compilation pure et simple. Quoi qu’il en soit, les soirées de Ramadhan leur fournissent généreusement un espace privilégié où ils exercent leur talent d’amateurs repreneurs avec beaucoup d’assurance et de succès. C’est le cas de Rabbia Rachid, de Draria Amine, Ghettaf Khaled, de cheb Rochdi Seghir et de plein d’autres qui, par la puissance de leur art, tout en reprise, et leur voix enchantée, créent des moments magiques dans les soirées de ce mois sacré. 

 

Amine : ‘’On va jouer, on va gagner’’

 

L’équipe nationale venait de quitter le Mondial la tête haute. Son échec contre l’Allemagne n’est dû qu’à un petit détail : un petit hors jeu. Aussi, la chanson ‘’On va jouer, on va gagner’’ n’est pas obsolète du tout. Elle nous invite aimablement, courtoisement à surmonter notre échec et à nous projeter sur l’avenir où nous attendent d’autres confrontations, d’autres occasions de nous rassembler. Draria Amine l’a compris. Avec sa sensibilité d’artiste, il sait que le capital sympathie, dont jouissaient les Verts au lendemain de leur échec, reste intact. C’est pourquoi, ce chanteur natif de Sour El Ghozlane reprend toujours et encore ce tube.

 

Rachid : ‘’O bougie’’

 

Lui, son dada, depuis quinze ans, c’est le chaâbi. Ce soir, partageant l’affiche avec Amine, il a prouvé ses capacités avec trois chansons : ‘’O bougie’’, ‘’Soltane Zine’’ et ‘’Alik lamane ou dhmane’’. Il a soulevé l’enthousiasme du public qui reprenait les paroles, les rythmant avec les mains. Il nous a avoué tout devoir à son frère aîné qui est prof de musique. Grâce à lui il a acquis les rudiments de son art et conquis le cœur des foules.

 

Khaled : Ma mandole et moi

 

En attendant que Nesrine lui cède la scène, Khaled Ghettaf plaquait quelques accords, préludes à ce qu’il allait chanter. Les notes voltigeaient sur le mode mineur, mais restaient enfermées dans le salon d’honneur pour ne pas troubler la soirée qui se donnait de l’autre côté de la pièce. Son message, à lui l’artiste à la mandole, s’adressait à la jeunesse, et les chansons (du style malouf et marocain) sont autant de conseils pour éviter d’aller droit au mur : « Cette voie ne mène à rien ». La misère, le chômage, le désespoir, il les connait en tant qu’artiste et les partage avec ceux qui en souffrent. « Moi, pourquoi, je pleure ? Mon malheur est grand et multiple. A qui me plaindrai-je ? Personne ne m’écoute », chantait-il. Les applaudissements, fusant des quatre coins de la salle, démentaient, cependant, les paroles du chanteur, montrant qu’il est au diapason avec son public. Sa voix passait du grave à l’aigu et de l’aigu au soprano.

 

Rochdi : Les chansons des autres

 

Servi par un orchestre jeune mais des plus talentueux, avec sa voix envoûtante, Chab Rochdi Seghir, cet artiste qui a fait le tour du pays, animant des fêtes, enflammait, samedi dernier, la salle de mille places, pleine à craquer, qu’il chantât le Raï ou le staïfi. Il n’a pas de projet d’album, mais les chansons des autres, celles de chab Hassène, de Khaled, de Rochdi, de Japoni et d’autres encore, sont là à sa portée, et il y puise à pleines mains. Celles qu’il a interprétées ce soir-là ont transporté le public. Depuis le début du Ramadhan, une vingtaine de chanteurs, dont un grand nombre d’amateurs, ont rehaussé de leur talent les soirées organisées par la maison de la culture ou le comité des fêtes de la ville. Leur donner la place à tous, ici, est impossible. Il faudrait une rubrique à part.

Aziz Bey

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