Projection de trois courts-métrages

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Le week-end dernier eut lieu, dans la cinémathèque de la ville de Bougie, la rentrée cinématographique de l’association Project’heurts. Cet organisme est connu pour l’organisation annuelle des Journées cinématographiques de Béjaïa. À l’occasion de cette rentrée, un événement fut organisé par l’invitation de cinq cinéastes québécois qui ont mené une expérience intéressante sur l’Algérie. Les projections furent suivies d’un débat riche avec les participants venus relativement nombreux pour assister à l’événement. L’équipe de cinq cinéastes a été menée par Elias Djemil, d’origine algérienne, qui a fait découvrir le pays à ses collègues québécois. Elias a vécu à Oran puis a quitté le pays, avec ses parents, durant la décennie noire. En revenant en Algérie, il est reparti dans sa ville et son quartier où il a filmé ses retrouvailles avec sa famille. Yanick Nolin présentera un deuxième court métrage intitulé 1, 2, 3 viva l’Algérie. L’idée consistait à placer des caméras dans un café d’Oran, le Tadj Mahal, et de filmer les personnes venues suivre la retransmission en direct du match aller des qualificatifs pour la phase finale de la coupe du monde, qui s’est déroulée l’été dernier au Brésil. Le match en question était celui opposant les Burkinabais aux Verts. Le troisième court métrage est intitulé « Une idée pour demain ». Il s’agit d’une fiction réalisée par Guillaume Fournier. Une histoire de football, de découragement, de solidarité et d’espoir. Elias Djamil reviendra avec un autre documentaire intitulé : « Au rythme du temps », relatif à la musique en Algérie, présentant des chanteurs, musiciens et producteur oranais qui ont donné une très belle image de ce qu’est la jeunesse algérienne d’aujourd’hui, ses combats, ses doutes et ses espoirs. Enfin, une histoire d’amour présentée par Samuel Matteau. Le court métrage intitulé : « Karim + Hadjer », conte en quelques minutes une histoire d’amour entre deux jeunes, mais qui finit mal, puisque Karim avait un projet de partir ailleurs. Il montrera alors son passeport à sa dulcinée qui est déchirée par la nouvelle de leur séparation. À la fin des projections, un riche débat s’est instauré entre le public et les réalisateurs. Ces derniers ont tenu à apporter quelques précisions : Ils sont venus avec des idées très incomplètes de ce qu’est l’Algérie, préférant la découvrir en vrai plutôt que de lire les clichés présentés par les médias occidentaux. Ils tenaient à vivre l’Algérie et non pas seulement la regarder de loin. La découverte a été fabuleuse pour eux. L’objectif de la démarche était de montrer une autre Algérie que celle qui est projetée chez eux, au Québec. Une Algérie sans cesse liée à la violence et à la tragédie. Les médias occidentaux ne s’intéressent pas à ce qui est positif, mais seulement à ce qui suscite l’émotion. L’Algérie, c’est aussi de la joie, de l’espoir et de la vraie vie. L’équipe de réalisateurs voulait absolument éviter le « choc des civilisations » et montrer combien l’Algérie est un pays dynamique, avec des espoirs plein la tête. Ce n’est qu’une première expérience. « Il y aura une suite », promet-elle. « Il y a beaucoup de correspondances entre le Québec et l’Algérie. Mais encore plus avec la Kabylie. L’accueil de la population et du public est formidable, et on se sent relax ici. Pour les médias occidentaux, l’Algérie, c’est aussi le Pakistan, la Turquie ou l’Afghanistan. Or, on découvre la diversité de ce pays, et la réalité tellement différente de l’image véhiculée chez nous », avaient-ils dit. Les courts métrages présentés avaient pris chacun deux jours de tournage. L’équipe n’a pas vraiment pris le temps de l’immersion dans la société algérienne. « C’est le produit de nos premières impressions. C’est ce qui nous a le plus frappé dès notre arrivée. Cette jeunesse qui est différente de celle véhiculée par les médias occidentaux. Nous avons dû écrire sur place ou réécrire nos scénarios, pour mieux exprimer notre ressenti. C’était en quelque sorte un premier flirt et un premier feeling », ont déclaré les réalisateurs. Et de poursuivre : « Notre souhait est de prendre au Québec des réalisateurs algériens pour faire le même travail ». L’assistance, en prenant la parole, a insisté sur le fait qu’elle n’était pas habituée à ce genre de documentaires. Certaines personnes ont reproché aux cinéastes de reprendre des clichés sur l’Algérie, comme la reprise répétée de l’appel à la prière. Ce à quoi les québécois ont répondu qu’ils avaient fait de leur mieux pour ne pas reprendre, justement les clichés, mais que l’appel du Muezin, ils l’entendaient cinq fois par jour. Pour eux, ça fait partie de la vie des algériens. Leur ressenti a été exprimé ainsi, parce qu’ils ne pouvaient pas ignorer que la vie de beaucoup de personnes dans ce pays est rythmée par cet appel à la prière. Par contre, ils ont pris soin de ne pas filmer les gens entrain de faire leur prière, respectant ainsi leur intimité. Alors que justement, c’est une image qui est constamment relayée par les médias en occident. Par contre, quand les documentaires ont été présentés au Québec, lors du Festival de cinéma de la ville éponyme, plusieurs personnes avaient apprécié justement que les clichés n’aient pas été repris. « Par notre présence, nous contribuons à corriger l’image qu’ont les québécois de l’Algérie et à diminuer les sentiments de racisme à l’égard des algériens du Québec, en faisant connaître leur pays tel qu’il est réellement. L’Algérie est un pays d’avant-garde, et nous avons tenu à être témoins des transformations vécues. Nous souhaitons construire un pont entre nos deux nations et nos deux cultures », espère-t-on. Notons, enfin, que l’association Project’heurts promet d’autres événements pour les prochaines semaines.

N. Si Yani

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