Clôture en demi-teinte

Partager

Après dix jours d’ouverture au public, le troisième salon du livre de Béjaïa, organisé à la Maison de la culture Taos Amrouche, a fermé ses portes. L’événement a été important, et les responsables de la Maison de la culture furent bien inspirés de l’organiser en cette période. En effet, l’institution publique a ouvert ses portes aux différents acteurs du livre, pour y présenter leurs produits au public. Les espaces du hall central ont ainsi été investis par plusieurs éditeurs, libraires, distributeurs, ainsi que quelques auteurs qui sont venus y présenter leurs œuvres littéraires. Si la Maison de la culture ne semble pas disposer de vrais moyens pour organiser un tel événement, il faudra reconnaître quand même, la liberté qui a été laissée aux exposants pour y présenter leur fonds livresque comme ils le souhaitaient. Malheureusement, les choses ne se sont pas toujours passées comme il aurait été souhaitable. Ainsi, de l’avis même d’un certain nombre de participants, le salon de cette année a été moins bien organisé et moins bien fréquenté que ceux des années précédentes. Plusieurs visiteurs nous ont ainsi confirmés qu’ils avaient découvert le salon tout à fait par hasard. La publicité autour de l’événement a été largement insuffisante, pour ne pas dire presque inexistante. Dans les rues de la ville, il n’y avait quasiment pas d’affiches signalant l’événement, et la radio locale, Radio Soummam, ne semble pas l’avoir suffisamment couvert. Sans parler des villes environnantes de Sidi Aich, Akbou, Amizour, El Kseur, Aokas, Kherrata,… qui n’en ont même pas entendu parler. En fonction des jours, le nombre de visiteurs semblait varier, allant de cinq cents à un millier par jour. Ce qui totaliserait environs dix mille visiteurs en dix jours, pour une ville qui compte trois cents mille habitants. A l’intérieur même de la Maison de la culture, un certain nombre de disfonctionnements ont été enregistrés. Dès l’entrée du Salon, le visiteur est accueilli par un comptoir caisse, annonçant ainsi la couleur. Le hall d’entrée, contrairement à ce que préconisent les techniques de marketing, présentait des livres aux prix inabordables, repoussant les visiteurs. Le hall central a été occupé par un stand de livres religieux, faisant suite à un autre placé juste en face du comptoir caisse. Les livres d’économie n’étaient pas légion, et ceux de médecine jugés trop chers. Les livres scolaires, par contre, ont suscité l’intérêt des parents et des élèves, puisque ils étaient proposés à des prix intéressants, et en période d’examens. Malgré cela, il y a eu quand même des visiteurs qui ont pu profiter de la présentation de certains livres, tels ceux d’Amin Maalouf, de Yasmina Khadra ou de Marc Lévi. Certains exposants que nous avons approchés se sont plaints de certaines conditions de travail, dont l’insuffisance des tables et des rayonnages qui leur auraient permis d’offrir de meilleurs services aux visiteurs. L’organisateur dudit Salon semble avoir oublié ce qui fait d’un tel événement un vrai Salon : les rencontres, les conférences, les tables rondes, les groupes de réflexion et de travail,… En effet, plusieurs acteurs du livre ont été tout simplement absents : la Direction de la culture, l’ONDA, les Bibliothèques de la Casbah et de la Commune, l’Union des écrivains, etc. On aurait aimé avoir une conférence sur le droit d’auteur, un atelier d’écriture pour les auteurs en herbe, une réflexion sur le marché du livre à Béjaïa, une table ronde sur la lecture publique, sur le livre scolaire, le livre numérique,… mais rien de tout cela ne fut organisé. Ce qui se voulait comme Salon du livre n’a pas pu atteindre ses objectifs. Même l’atelier de dessin, réservé aux Mangas et annoncé avant la tenue de l’événement, n’a pu se tenir. Nous ne savons pas si le Salon a été officiellement institutionnalisé ou pas. Nous n’avons noté la présence d’aucune autorité officielle. Ni le wali, ni les présidents de l’APW et de l’APC n’étaient présents. En fait, malgré la liberté donnée par la Maison de la culture aux exposants, l’organisation n’a pas réussi à hisser l’événement au rang de Salon, ni d’ailleurs de celui de Foire du livre, puisque dans celle-ci, les visiteurs font des affaires, profitent des soldes, des rabais et autres formules de marketing. C’était tout juste une exposition-vente de livres. Certains exposants, rompus à ce genre d’événements, nous ont confiés leur déception, surtout en comparaison aux conditions de déroulement des Salons de Tizi-Ouzou, Médéa ou Laghouat, par exemple. Espérons que le prochain « Salon », le quatrième, puisse être pris en charge par de vrais professionnels du livre, afin de le hisser au niveau de la réputation de cette ville, censée être celle de la culture. Malgré la volonté de la direction de la Maison de la culture, cet événement est à mettre aux oubliettes. Il reste encore d’autres saisons qui pourraient être plus favorables au livre, telles les vacances scolaires du printemps. Cela permettrait de rattraper le coup, à condition d’y associer un maximum d’acteurs.

N. SI YANI

Partager