«Je m’inspire du vécu de la société pour composer mes œuvres»

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Avec une carrière d’une trentaine années, Aldjia garde la verve d’une artiste qui n’a pas encore tout dit. Dans son dernier album «Isegh n Teqbaylit», la chanteuse à la voix mélodieuse excelle dans son amour pour l’art.

Elle affirme son attachement à sa langue et culture kabyles. Elle se renforce dans son combat pour la défense des droits des femmes. Son travail la propulse davantage au-devant de la scène pour le bonheur des mélomanes qui trouveront grand plaisir à écouter ses belles œuvres. Dans cet entretien, elle nous emmène dans son univers artistique.

La dépêche de kabylie :Avec ce nouvel album, tu enrichis encore ta longue carrière artistique. Qu’est-ce tu nous as concocté au menu de cette production ?

Aldjia: Isegh n Teqbaylit est le titre de cet album d’une dizaine de chansons. Son intitulé résume pour moi toutes les vertus et les valeurs que véhicule notre culture. Taqbaylit, c’est tout à la fois : ma langue, mon histoire, ma région, mon éducation et tout ce qui construit notre personnalité. Moi, je m’inspire de mon vécu, de celui de ma société que j’observe en permanence pour créer mes œuvres. J’ai composé des textes sur différentes thématiques avec une variété de styles. On retrouvera entre autres A Mmi en duo avec Djaâfar Ali Mamar, Si Muh Waâli avec Abdel Sahel, ainsi que les titres Yir Tayri, lhenni, Sarhemt I Teghratin avec des voix de Massiva et Naïma. Et enfin en prime une reprise d’Hassan Abbassi « I wumi Leghrur ». Avec cela, je pense qu’il y en a pour tous les goûts.

Au rythme d’un album tous les deux à trois années, il y a là un travail fastidieux. On peut revenir sur les coulisses de cet album : comment s’est fait le travail de création, d’enregistrement et de diffusion ?

C’est un travail laborieux de trois années. Et quand on veut faire un produit de qualité il convient de prendre son temps. Moi, je me donne cette exigence de rigueur pour les différentes étapes nécessaires à l’élaboration d’un album. J’ai composé plusieurs textes sur différentes thématiques. Le travail de composition a été mené par Muh At Burenna. J’ai également collaboré avec le groupe Izenzaren Iqbayliyen. Les arrangements sont l’œuvre de Yuba Oulhmed et l’album a été enregistré au studio Samy de Tizi Ouzou et la diffusion est assurée par les éditions Akhalef. J’ai mené un travail en partenariat avec plusieurs professionnels, ce qui a abouti à un résultat très satisfaisant. Je suis très reconnaissante envers les personnes qui m’ont apporté leur contribution. Je pense que je vais renouveler cette expérience de travail en groupe parce que, pour moi, c’est une façon de conjuguer des compétences.

On retrouve dans l’album une reprise de Hassen Abassi, un hommage à un grand artiste. Quel sens donnes-tu à ta démarche ?

J’ai repris une très belle chanson sentimentale de Hassen Abassi sans modifier la version originale. J’ai toujours eu du respect pour ce grand artiste, pour son travail et son répertoire que j’apprécie beaucoup. Il a tant donné à la chanson kabyle et je pense personnellement qu’on ne lui a pas assez rendu hommage. Je le remercie vivement de m’avoir donné son accord et j’espère qu’il sera satisfait du résultat.

Aujourd’hui la chanson kabyle est diversifiée, diffusée sur tous les réseaux et supports : quelle évaluation en fais-tu ?

C’est une bonne chose et puis il faut s’adapter aux outils de communication d’aujourd’hui. Les nouvelles technologies et les réseaux sociaux sont un moyen remarquable pour une diffusion rapide et la plus large possible. Ce n’est pas moi qui vais dire le contraire. En revanche, ce libre accès aux œuvres n’est pas forcément enrichissant pour l’artiste. En un clic, toute votre œuvre est téléchargée, gravée en mp3 et revendue en parallèle, parfois même, avant sa diffusion. En plus de la piètre qualité des copies, il y a un manque à gagner pour l’éditeur et le chanteur.

A tes débuts, c’était pour toi et pour d’autres chanteuses difficile de s’affirmer. Votre ténacité vous a donné raison et on voit sur le terrain une pléiade de jeunes chanteuses. Comment expliques-tu cette évolution ?

On appartient à une société où il était très difficile d’exercer librement un métier artistique. A mes débuts, en 1979 comme beaucoup de femmes, j’ai eu à affronter les réticences de mon entourage. J’ai subi des affronts, des insultes, des regards, des mots… et mes parents ont souffert pendant longtemps de cela. J’ai dû persévérer dans ma passion pour dépasser les préjugés et imposer ma vocation. Aujourd’hui je suis là et je peux dire sans aucune prétention que ma famille, mes enfants et mon mari sont fiers de moi. Notre société a évolué remarquablement dans le regard qu’elle porte sur les artistes. Il faut rendre hommage aux pionnières : Bahia Fareh, Hnifa, Cherifa, Lggida, Djamila et toutes les autres, qui grâce à leur détermination, ont ouvert le chemin de la reconnaissance.

Comme tu n’es pas prête à raccrocher, peux-tu nous dévoiler tes projets pour l’avenir ?

Je ne vais pas raccrocher de sitôt. J’ai beaucoup de projets et j’espère garder l’inspiration le plus longtemps possible. Je vais m’atteler rapidement à la réalisation d’un clip pour la promotion de ce dernier album et enchaîner avec une série de galas en France et en Algérie, notamment avec les fêtes de fin d’année et la célébration de Yennayer. Dans la foulée, je reprendrai ma collaboration avec Muh At Burenna sur un nouvel album. Je n’en dirai pas plus. Il n’y a pas de retraite dans un travail artistique et c’est tant mieux car ça vous maintient dans une dynamique de création. Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer de nouveau dans les colonnes de votre journal. Je profite pour saluer vos lecteurs et leur présenter, avant l’heure, tous mes vœux de bonheur pour la nouvelle année.

Propos recueillis

par Tahar Yami

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