«J’espère pouvoir continuer à produire»

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S’il y a des artistes de qualité qui restent méconnus, Kaci Ifaraten est sans nul doute l’un d’entre eux. Un chanteur de talent qui, certes, ne met pas beaucoup de produits sur le marché, mais il reste intransigeant sur la qualité de ses œuvres, notamment de ses textes auxquels il donne une attention particulière. Ce chanteur originaire de Boghni, au Sud de la wilaya de Tizi-Ouzou, professeur de musique à la retraite, âgé de 59 ans et père de 4 enfants, a bien voulu répondre à nos questions.

La dépêche de Kabylie : Parlez nous de vos débuts dans la chanson et de votre carrière artistique en général

Kaci Ifaraten : mon histoire avec la chanson remonte à mes années de jeune collégien, au début des années 1970. Je participais aux fêtes organisées à l’école. Au sein de la jeunesse du FLN, notre groupe Ifaraten a d’emblée obtenu le premier prix du concours organisé à Draa El-Mizan. Je participais également à l’animation des fêtes dans les villages de la région. En 83, avec mon ami Salim Ben Bouabdellah, nous avons enregistré 6 chansons à la radio chaîne 2 qui sont toujours diffusées. Notre groupe n’a pas fait long feu, car mon ami était Algérois et moi de Boghni, l’éloignement était la principale cause de la disparition du groupe après avoir quand même réussi à mettre une cassette de 6 chansons, intitulée Tadukli. En 92, j’ai mis un autre album sur le marché. Une œuvre dans le style kabyle classique.

Depuis, c’est presque le silence radio ; pourquoi ?

Ce n’est pas totalement vrai, car je continuais à écrire et à composer ; mais à chaque fois que j’essaye d’enregistrer, je bute sur différents problèmes. À commencer par les éditeurs qui ne jouent pas franc jeu. Ils ne se soucient que de leur gain. Ils n’assurent ni une bonne distribution, ni encore moins une large publicité. Ils se contentent de confectionner l’album et à vous de faire le reste. Eux, ils ramassent les dividendes. C’est pour cette raison d’ailleurs que je n’ai pas mis toutes mes œuvres sur le marché. Je ne voulais pas être fagocité par ce genre d’éditeurs, qui ne font rien pour promouvoir et encourager les chanteurs et les artistes. Pour vous dire toute la vérité ce nouvel album était déjà disponible en 2004, mais je ne l’ai mis sur le marché que 10 ans après.

Parlons justement de cet album

Au fait, cet album, je ne l’ai enregistré que sur insistance de mon frère aîné. Il comprend huit chansons, à savoir Ezzayit Wusan, Amagraman, Uzlagh, Tinudhin, Eccitan, Si Meziane, Daewessu et ashisef. Des chansons dans le style kabyle traditionnel qui traitent des changements dans notre société des sacrifices, des problèmes de la femme Kabyle, d’espoir, de malédiction et de regrets. La première chanson intitulée Ezzayit Wussan aborde la mal vie que vit notre jeunesse, la pauvreté et les maux sociaux qui gangrènent notre société et qui malheureusement font fuir des milliers de jeunes. L’idée d’écrire cette chanson m’est venue lorsque j’ai vu un couple ayant 6 enfants tous instruits et qui ont tous traversé la grande bleue pour laisser leurs parents seuls. Rien qu’à voir ce couple esseulé après avoir élevé 6 hommes instruits m’a donné l’inspiration d’aborder ce thème. Les causes qui nous ont menés à cette situation, où les jeunes perdent l’amour de la patrie, me révoltent et sont malheureusement toujours d’actualité.

Revenons au niveau de la chanson kabyle actuelle…

Il y a certes de la qualité mais elle ne paraît pas devant la profusion de la médiocrité. Beaucoup de chanteurs font du mal à la chanson kabyle, je veux parler surtout de ceux qui osent reprendre d’anciennes chansons pourtant bien faites à l’origine pour les massacrer tout bonnement. Quand on reprend une chanson, on doit au moins faire pareil, à défaut de faire meilleur. Hélas, beaucoup de chansons reprises deviennent méconnaissables. Les anciens chanteurs, à l’image de Slimane Azem, Zerouk Allaoua, El Hasnaoui, Chikh Arab, Nouara, Anissa et Henifa pour ne citer que ceux et celles là ont fait des merveilles artistiques. Les jeunes chanteurs sont appelés à travailler davantage leurs textes, donner plus d’importance à l’acoustique et éviter l’excès du son électronique. Il faut aussi faire attention aux contradictions entre la musique et le texte. 

Nous vous laissons le soin de conclure

Déjà j’espère pouvoir continuer à produire et à enregistrer pour faire plaisir à mes fans et surtout pouvoir organiser des galas à travers toute la Kabylie et pourquoi pas à travers tout le territoire national. J’espère également que les clips que je viens de peaufiner plairont au grand public. Un grand merci à votre quotidien qui nous donne la chance de nous adresser à ses lecteurs.

Entretien réalisé par Hocine T.

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