Le père incontesté de la sociologie moderne

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Ibn Khaldoun était-il d’origine amazighe ou arabe ? Peu importe, sommes nous tentés de dire, dès lors qu’il a opté en son âme et conscience pour le Maghreb.

De S. Ait Hamouda

Il lui a consacré l’essentiel de son œuvre. Dans « Si Ibn Khaldoun revenait parmi nous », Mouloud Mammeri (in Culture savante, culture vécue ed Tala Alger 1991 pp 35-42) disait de lui : « Déjà moderne dans sa pensée et avec quelle maîtrise, Ibn Khaldoun par certains credos reste profondément du moyen âge. Pourtant, dans un éclair génial, il a clairement vu qu’il vivait à la veille d’une ère historique nouvelle. Aujourd’hui, la situation du Maghreb a subi une révolution profonde, nous vivons à une époque de décadence, où tout pays change d’aspect. L’univers est soumis à un bouleversement complet. Il va changer de nature afin de subir une nouvelle création. (…) M’introduisant par la porte des causes générales dans l’étude des faits particuliers, j’embrasse dans un récit compréhensif l’histoire du genre humain. Ce livre peut être regardé comme le véritable dompteur de tout ce qu’il y a de plus rebelle parmi les principes philosophiques qui se dérobent à l’intelligence. J’assigne aux événements politiques leurs causes et leurs origines ». Et à Mammeri de conclure : « La méthode khaldounienne ainsi portait en germe tout le monde moderne. Si Ibn Khaldoun revenait parmi nous, il serait à l’aise dans un monde fraternel que son génie a pressenti ». Dans la Revue Internationale de Sociologie de mai 1915, René Maunier publiera un article sur Ibn Khaldoun (pp. 142-154), « Les idées sociologiques d’un philosophe arabe », dans lequel il écrit notamment que La Muqaddima contient les fragments dispersés d’un traité complet de sociologie… La méthode en est surtout remarquable et témoigne d’un véritable esprit scientifique […] se fondant sur l’observation analytique des faits », dira-t-il. Il concluait en disant qu’ « une place doit lui être faite dans l’histoire de la sociologie positive ». Ceci dit, l’histoire de la sociologie a continué à ignorer ce « fondateur » de la discipline dont le plus grand tort a été de ne pas avoir eu de successeur dans le monde arabe comme en Europe. Ce ne sera que beaucoup plus tard qu’il sera mentionné dans les manuels d’histoire de la sociologie, comme précurseur de la discipline, ce qu’il n’a pu être dans la mesure où les premiers sociologues européens ont ignoré ses textes et n’ont pu se référer à lui pour faire progresser la discipline ». De retour de Grenade, il se rend à Béjaïa, Ibn Khaldoun accepte l’invitation du souverain hafside Abu Abdallah qui lui propose de devenir son grand vizir. Pendant cette période, il lui incombe également la charge de lever des impôts auprès de tribus berbères locales alors qu’il assure les fonctions de prédicateur à la grande mosquée d’El Qacaba, puis Tlemcen, où il fut ambassadeur ou premier ministre, disgracié et jeté en prison. Renonçant enfin à cette vie agitée et pleine de déboires (1374), Ibn Khaldoun se retira dans une de ses terres près de Tiaret, plus précisément aux environs de Frenda, et là il composa ses Prolégomènes. L’auteur nous apprend lui-même qu’il les composa en l’année 779 (1377). Quoi qu’il en soit, Ibn Khaldoun, de retour au Caire, y fut de nouveau investi des fonctions de grand cadi des Malékites en la même année 803, et après avoir encore été plusieurs fois destitué puis rétabli dans cette charge, il mourut, en possession de cette magistrature, dans les derniers jours de Ramadan de l’an 808 (1406), à l’âge de soixante-seize ans et vingt-cinq jours. Né à Tunis, en l’année 732 de l’hégire (27 mai 1332) et mort au Caire le 17 mars 1406.

S. A. H.

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