Na Thadahment, centenaire en juillet 2015

Partager

On ne peut parler du village Ait Said sans citer Na Thadahmant, une souriante et bonne vieille femme qui s’apprête à fêter cet été son centième anniversaire. Petits et grands lui vouent un respect considérable tant elle les a soignés de sa main miraculeuse. Dahmani Ferroudja, épouse de Kacher Mohand Arezki, est née le 30 juillet 1915 au village Ait Aicha. Mariée à l’âge de 12 ans, Na Thadahment Ath Mohand a quatre enfants et plus d’une vingtaine de petits enfants qui ont grandi avec elle et à qui elle a prodigué des conseils qu’on ne trouve ni dans les écoles ni à la télé qu’elle n’a d’ailleurs jamais regardée. Du temps de sa longue jeunesse, elle était la vétérinaire et la sage-femme du village. Elle passait des nuits blanches auprès de toutes les mamans du village. Elle restait chez elles jusqu’au septième jour pour s’assurer que tout se passe bien et pour la maman et pour le bébé. Pareil pour les animaux qu’elle prend en charge comme une vraie vétérinaire. Elle a quelque chose qui la différencie des autres : elle marche toujours pieds nus. Ce n’est pas par manque de moyens, elle fait partie des gens les plus nantis du village ; selon elle et c’est par la suite prouvé marcher pieds nus en été diminue le risque de maladies cardio-vasculaires. Elle rend visite à tous les malades auxquels elle donne conseils ou remède car elle connaît toutes les plantes médicinales qu’on trouve en Kabylie, elle qui dit : « Les plantes soignent tous les maux et faire confiance à la nature c’est faire confiance à la vie. » Na Thadahment  a un don de soigner les enfants et tous les habitants et habitantes avec de l’huile et du sel en déposant sa main sur la tête du malade. Les gens viennent de tous les villages voisins et même d’autres communes. Elle les traite avec des plantes médicinales aussi. « Si quelqu’un doit mourir, je préfère que ce soit moi, j’ai trop vécu ! » aime-t-elle dire à certains de ses patients qui lui répondent : « Que Dieu te prolonge la vie a Nah ! » Sans elle, les mamans auraient souffert au moment d’accoucher en ces temps-là où il n’existait ni dispensaire ni médecin dans toute la région. Fidèle à la vie de nos ancêtres, elle ne peut changer ses habitudes. Elle n’utilise jamais l’huile végétale qu’on appelle huile sans goût, elle se sert du bois pour le chauffage et surtout pour la cuisine. « Je ne mange que les plats purement traditionnels préparés à l’huile d’olive. » nous confie-t-elle. Sans doute, c’est ce qui explique sa bonne santé. Elle ne va chez le médecin que ces derniers temps et à contre cœur. Na Ferroudja qui n’a jamais prononcé un mot blessant est aussi une excellente conteuse. Elle connaît tous les contes kabyles et on ne se lasse jamais de les écouter tant sa narration subjugue. Sa générosité sa politesse et ses gestes de solidarité sont légendaires dans la région. Elle ne peut dîner en sachant qu’il y a un pauvre qui a peut-être passé la journée sans rien manger. Elle n’est heureuse que quand elle partage un repas avec un démuni. Elle est riche mais vit une vie très simple, avec une grande modestie et beaucoup d’amour envers autrui. Na Thadahment a participé pendant la guerre de révolution avec ses enfants moudjahidine pour la libération du pays. Elle transmet ses souvenirs en poèmes qui font pleurer tout en ajoutant une touche humoristique en relatant ce qu’elle a fait pour les Français. A chaque fois qu’elle parle de la guerre, elle finit par remercier Dieu de lui avoir permis de voir l’indépendance et l’envahisseur partir. Il y a lieu de signaler que les gens du village lui rendent hommage à chaque occasion tant ils la considèrent comme une vraie maman. Durant Yennayer passé elle a assisté aux festivités organisées par les jeunes à qui elle a souhaité santé réussite et longue vie en poèmes tout en les remerciant d’avoir pensé à elle. En juillet 2015, Na Thadahment aura 100 ans, les villageois, à coup sûr, fêteront l’évènement heureux de celle qui vu naître une grande majorité d’eux.

Fatima Ameziane.

Partager