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Amar Ou Saïd Ou Ammar Boulifa 1825 - 1931 : Un précurseur de l’écriture amazighe

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Ammar Ou Saïd Ou Ammar Boulifa est un homme de lettres kabyle et élève de Belkacem Ben Sedira, un autre berbérisant et un des tous premiers spécialistes algériens d’arabe (dialectal et classique) et de berbère.

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Boulifa fait partie des premières élites algériennes formées à l’école française, et est considéré comme le «précurseur berbériste», vraisemblablement, né entre 1863 et 1865, selon nos sources, lesquelles divergent à ce propos, au village d’Adeni dans l’actuelle commune d’Irdjen, non loin de Tizi-Ouzou, et il est mort en 1931 à Alger. Sa date de naissance précise est inconnue, on présume qu’il avait 28 ans en 1891, enregistré à l’état civil de la mairie d’Irjen, sous le N°142. Orphelin très jeune, son oncle le fait scolariser à Tamazirt, la toute première école ouverte en Kabylie (1875).

Instituteur formé à l’école normale de Bouzareah dans les années 1890, il devient par la suite linguiste, sociologue et historien (notamment à la Faculté des Lettres d’Alger). Il s’insurge contre les conclusions intentionnées, du général anthropologue Adolphe Hanoteau, faites sur la société kabyle à travers son ouvrage d’analyse poétique intitulé: Les chants populaires du Djurdjura. Pour rappel, le général faisait partie de la vaste conquête de la région engagée par les forces d’occupation françaises, à partir de 1857. Il prit sa retraite en 1929 et mourut le 8 juin 1931 à Alger ou il fut inhumé.

Parcours d’un précurseur

Ce concours de circonstances sera déterminant pour le restant de sa vie, puisqu’il s’engage rapidement dans la carrière d’instituteur, la seule voie de promotion qui pouvait alors s’offrir à un jeune Kabyle d’origine modeste. Il est d’abord moniteur adjoint à Tamazirt, puis après un stage à l’école normale de Bouzaréah (1896), instituteur adjoint. «D’après les documents -très incomplets – qui nous ont été remis par sa famille», écrit Salem Chaker, (in «Boulifa», Encyclopédie berbère, Aix-en-Provence, Edisud, décembre 1991, p. 1592-1594), il ne serait nommé instituteur primaire public, qu’en 1922.

A partir de 1890, il devient répétiteur de berbère à l’école normale, puis en 1901, à la faculté des lettres d’Alger. Il participe à la mission Ségonzac au Maroc (fin 1904-1905) d’où il ramène ses Textes berbères de l’Atlas. Dans son testament, daté du 20 octobre 1914, Boulifa se présente comme «professeur de berbère», à l’école normale et à la faculté des lettres d’Alger, ce qui laisse supposer qu’il a pu accéder au rang de chargé de cours de l’université. C’est du reste avec ce titre, qu’il signe un article de 1923. Il prend sa retraite en 1929 et meurt le 8 juin 193, à Alger à l’hôpital Mustapha. Il est enterré au cimetière d’El Kattar à Bab-el-Oued.

Pendant la guerre d’indépendance, l’ensemble de sa bibliothèque (qui, d’après les souvenirs des membres de sa famille, était considérable) et de ses documents, entreposés dans une petite maison à l’écart du village d’Adeni ont été détruits dans un incendie. Sa famille a, pieusement, rassemblé les quelques rares papiers qui avaient échappé au feu, parmi lesquels figurent son testament, quelques documents administratifs relatifs à sa carrière et un cahier de notes du voyage au Maroc. Boulifa a été un berbérisant prolixe, il s’est intéressé -c’était d’abord un enseignant de berbère – principalement à la langue. Et il a pris très au sérieux sa fonction de pédagogue, puisqu’il a élaboré la première véritable méthode d’enseignement (complète) de kabyle, fondée, avec plusieurs décennies d’avance, sur les principes de la pédagogie dite «directe» des langues. Antérieurement à Boulifa, on ne disposait que de grammaires descriptives très classiques, à la vocation pédagogique limitée.

Mais il s’est également, activement, penché sur la littérature et l’histoire de sa région natale. Son apport scientifique dans toutes les matières auxquelles il s’est intéressé a été et reste important, même si ses formulations et son style datent de longtemps, et ses options personnelles détonnent parfois -par rapport à son époque et encore par rapport à la nôtre- et peuvent agacer certains. Son œuvre est à la fois un témoignage interne varié d’une grande précision sur sa société et un acte de foi et d’amour pour la langue et la culture berbères. «L’œuvre de Boulifa est incontestablement, celle d’un auteur prolixe, il a abordé la linguistique, l’histoire, la sociologie… Cependant comme le note à juste titre dans son blog de mohand. ameziane. Haddag.».

Hormis, un cercle restreint d’universitaires bien au fait des publications historiques, anthropologiques, linguistiques et ethnographiques relatives au domaine berbère, la vie militante ainsi que le parcours scientifique d’Amar Ou Saïd Boulifa, avec ce qu’ils ont charrié de travaux et d’efforts de production intellectuelle, restent grandement méconnus, même dans les milieux culturalistes berbères. Ou bien, tout au moins, ils demeurent prisonniers d’une connaissance approximative et nébuleuse qui ne sied guère à la stature de ce grand passionné de cet homme de culture, bien en avance sur son époque et qui, incontestablement ,fut un précurseur dans ce qu’il convient d’appeler la veine culturaliste du Mouvement berbérisant, qui a fourni le terrain de recherche, d’étude et de sauvegarde du patrimoine de la société kabyle et berbère en général, en contribution denses et variées.

Cet instituteur à la carrure universitaire emprunta, dès le départ, à l’instar d’Abbès et de Cid Kaoui autres berbérisants autochtone comme lui, la voie de la production scientifique (langue, littérature, sociologie, histoire berbères…etc, et leur investissement de ce terrain d’étude jusqu’alors apanage des seuls chercheurs coloniaux militaires: Lieutenant Le Hérissé Général Hanoteau, Capitaine Aymard…etc, missionnaires:Van wing, Trilless Roscoe …etc., fonctionnaires: Tauxier, De Lafosse, Rémond, Labouret…etc. et autres universitaires tels que André Basset, René Basset, Huyghes, leur valut des réticences et des réserves furent émises quant à la reconnaissance des mérites universitaires de leurs œuvres, ce qui s’inscrivait en fait, dans une attitude de méfiance cultivée à l’égard de «l’indigène».Cette méfiance, André Basset la reconnaitra, des années, après la mort de Boulifa en ces termes, «Seule une défiance exagérée vis-à-vis d’Abbès et de Boulifa nous a empêchés d’en rechercher les notations ou d’en tenir compte. Il nous a fallu deux enquêtes personnelles pour apprécier la valeur…».

Boulifa a, en outre, recueilli les «Isefra» de plusieurs poètes kabyles dans un ouvrage intitulé «Recueil de poésies kabyles (texte zouaoua), précédé d’une étude sur la femme kabyle et d’une notice sur le chant kabyle (airs de musique), Alger, Jourdan, 1904, XCII p. + 555 p. Cet ouvrage a été réédité par T. Yacine, Alger, Awal, 1990, 236 p. Il a rencontré Si Mohand ou m’Hand de son vivant, qu’il décrit, dans son recueil, comme un homme d’une tenue soignée, ce qui tranche, avec les portraits qu’on nous présente à tout va et sans authentification aucune du poète.

S. Ait Hamouda

Sources : Encyclopédie berbère blog de mohand. ameziane.haddag

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