La couleur blanche du célèbre « Abernous » kabyle n’est pas une recommandation religieuse.

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Une tendance se hasarde à coller l’origine de la couleur blanche du burnous kabyle à une recommandation religieuse. Or, il n’en est rien. La couleur blanche est la première couleur massivement utilisée et représentative du même symbole partout depuis que le monde est monde. Les fresques murales découvertes dans les grottes préhistoriques en témoignent. Ainsi, la couleur blanche dominait très tôt l’esprit humain. Elle symbolisait la pureté morale, la propreté de l’esprit, la clarté dans la parole, etc. Au fil du temps avec l’évolution, l’homme a constaté que la couleur blanche empêche par réflexion les rayons du soleil de pénétrer le corps en été. Cette constatation était double car, l’homme réalise également que le blanc empêche que la chaleur du corps ne s’échappe par les rets des habits en hivers. Ainsi, l’usage de la couleur blanche pour le tissage du burnous en Kabylie obéit plutôt à ces deux constatations, d’autant que la laine prélevée sur les moutons était naturellement blanche. Curieusement, les kabyles sont très peu consommateurs de viande de mouton. Ils lui préfèrent plutôt la viande bovine mais, chaque famille disposait d’un troupeau de moutons allant de dix à quinze têtes. Quelques fois plus. Le mouton ne servait donc que pour les besoins en laine. Certains sacrifient un mouton l’an, à l’occasion du rite légué par Abraham. Il n y a pas si longtemps, le burnous était porté en Kabylie, hivers comme étés, en raison des vertus de la couleur blanche. L’usage du blanc répond de la sorte à des nécessités réfléchies. Ce n’est donc nullement une recommandation religieuse qui en a disposé comme annoncé hasardement lors d’une émission de télévision sur la TV4. Si tel avait été le cas, les premiers hommes à tisser le burnous en blanc auraient été les habitants des déserts en Orient qui, eux, tissent un burnous plutôt de couleur marron/rouille en raison simple et naturelle de l’abondance de troupeaux de chameaux. D’une façon générale, le choix des couleurs en Kabylie tient à plusieurs autres considérations toutes aussi réfléchies. Ainsi, pour avoir plus de clarté et de lumière, les murs intérieurs de la maison kabyle sont badigeonnés, chaque année à Yennayer, de la chaux naturelle blanche très répandue dans la région et à la portée de tous, appelée Tumlilit. D’autre part, l’épaisse tacacit (chéchia), que le kabyle porte sur la tête en hivers, est de couleur rouge pour une raison de sécurité (celle qu’il porte en été est de couleur blanche). En effet, comme la neige encapuchonne toutes les montagnes et collines de Kabylie, parsemée de nombreux et dangereux cols, la couleur rouge est ainsi choisie pour servir de signal qui permettait de repérer et de porter secours rapidement et facilement aux personnes bloquées dans l’étau des grandes et fréquentes tempêtes de neige. Ce n’est, d’ailleurs, pas un hasard mais plutôt une question de logique que dans les zones de fortes neiges partout dans le monde, les bornes kilométriques placées aux endroits des virages sont peintes en rouge à leur partie supérieure, pour justement permettre un repérage et une meilleure visibilité des tracés routiers. L’ensemble des arguments développés ici, tient tout simplement du bon sens de la vie. Tout le reste n’est que littérature, dixit Mouloud Mammeri.

Abdennour Abdesselam

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