Pour Kateb Yacine : «C’est l’Algérie tout court qui est vaste»

Partager

Lors d’une conférence autour de son œuvre universelle Nedjma et diffusée sur la chaîne de télévision BRTV, Kateb Yacine s’est longuement attardé sur le nécessaire éclairage de ce qu’est l’Algérie. Pour l’auteur de «Nedjma», l’Algérie ne peut être réduite à être déclarée arabe, musulmane, turque ou française. Telle qu’elle a été déclarée en fonction des périodes historiques successives, Kateb la considère comme une petite contrée. Pour lui, elle ne peut être dans ses véritables dimensions identitaire, linguistique, culturelle et historique qu’en étant elle-même, c’est-à-dire algérienne. C’est par la désignation d’Algérie tout cours que le pays est vu par Kateb comme étant un vaste espace. «Jai vu des hommes résister sous la torture, j’ai vu des hommes endurer tant de souffrances mais j’ai vu aussi des hommes succomber devant l’argent». Ces deux observations faites de vérité ont été annoncées par Kateb Yacine, vêtu de sa légendaire chemise rouge distinctive, lors d’une conférence animée et enregistrée à Alger à la salle de cinéma «l’Algéria» dans les années 80 et diffusée récemment par la B.R.T.V (Berbère Télévision). Ces observations faites de vérité demeurent encore hélas une triste réalité. On continu de travestir la réalité algérienne, on torture encore ne ce reste que psychologiquement, on continu de faire endurer des souffrances sous plusieurs aspects autant qu’on soudoie encore avec de l’argent. Ainsi, le mal et la faiblesse se côtoient et s’accompagnent sur les longs sentiers des parcours des uns et des autres. Cela reste une image affligeante de la vie mais malheureusement elle est réalité. Kateb poursuit ses observations en déclarant dans dialogue avec Jean Marie Sereou dans «Le poète comme un boxeur ? Seuil Paris 1994 que «Le vrai poète, même dans un courant progressiste doit manifester ses désaccords. S’il ne s’exprime pas pleinement, il étouffe. Telle est sa fonction. Il fait sa révolution à l’intérieur de la révolution politique ; il est, au sein de la perturbation, l’eternel perturbateur. Son drame, c’est d’être mis au service d’une lutte révolutionnaire, lui qui ne peut ni ne doit composer avec les apparences d’un jour. Le poète c’est la révolution à l’état nu, le mouvement même de la vie dans une incessante explosion». Pourtant Kateb Yacine a été lui-même un poète à ses heures mais peut-on seulement oser s’approprier le personnage de quelque côté que l’on soit où que l’on se déclare? Ce poète, dira la journaliste Marina Da Silva dans le Monde diplomatique de novembre 2009 à la rubrique «Des mots qui pratiques des Bréchets», est celui qui «reste l’eternel perturbateur» et comme Nedjma, l’étoile inaccessible en tout cas irréductible». Voila pourquoi Kateb est resté une étoile toujours filante entre les terribles serres des chapelles politiques qui tentent de l’emprisonner souvent par compensation de la faiblesse de leurs arguments… mais en vain.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

Partager