«Aneggaru ad yer tabburt» (au dernier de fermer la porte) de Djamal Benaouf

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Le monde mystérieux a, depuis la plus lointaine antiquité fasciné l’œuvre de l’esprit. L’arcane des morts non pas ressuscités au sens fantasmatique du terme mais ils renaissent à travers leurs réalisations expérimentées et continuent d’être pratiquées comme une assistance aux multiples besoins exprimés aujourd’hui. C’est une interprétation secrète du monde et de la vie. C’est aussi la marche vers l’éternité où se mêlent les morts et les vivants. Dans sa pièce de théâtre, Djamal Benaouf a combiné la notion du dernier qui devrait fermer la porte déjà close sur l’espace «habité» par Ssi Mouhand Oumhend disparu voilà plus d’un siècle et qui renaît à chaque renaissance d’un jour. Ou même qu’après lui point de création ? Il y a là un doute installé et à quêter. Mais à y voir de plus prêt, c’est le rapprochement de deux grands hommes qui ont marqué de leur empreinte l’espace intellectuel kabyle: Mohand Ouyahya suit, pas à pas, le poète national comme le nommait Kateb Yacine. Nous les voyons dans la pièce de Djamal faire corps d’une même silhouette qui va vers un lieu insaisissable. Benaouf impose à l’écrit du texte une parole envoûtante mais surtout une parole de lien et sans heurt. Il nous fait confirmer que le monde de la mythologie, qui a fait la grandeur de la Grèce antique, n’est point l’exclusive d’une pensée. Elle est le propre de l’espèce humaine. Ainsi, il réclame pour nous notre part de mythologie. Mais, fait encore plus remarquable, c’est la franche liaison qu’il y a entre la notion du dernier, c’est à dire aneggaru avant le mort. Dans le cas présent, la porte qui se ferme rappelle étrangement les dalles qui se referment sur l’enterré. L’arcane des morts non pas ressuscités mais qui se ressuscitent eux-mêmes. La pièce qui peut se jouer en une heure sur un fond musical incarnant le passage vers le vide amplifie encore plus cette sensation que l’homme oubli très souvent qu’il a une fin sur le long ou le cours trajet de sa vie. Quand un homme de la trempe de Ssi Mouhend s’en va, une autre réussite prend la relève. Quand Djamal Nenaouf titre son œuvre par «Aneggaru ad yer tabburt», il ne signale nul part ni le temps ni à quel époque il y aura vraiment «ce dernier pour fermer la porte». Par Aneggaru, le dramaturge ne cite personne. Toute ces ouvertures sur la scène de la vie restent sinon entrouvertes, car le cours de la vie reste incalculable. Même la littérature religieuse ne fixe nulle part le temps «t» de la fin du monde. Elle n’est qu’annoncée sans certitude et la certitude n’a pas de place en ce sujet. C’est dans cette espace de l’esprit que Djamal, ce féru de Mohya, nous raconte la merveilleuse aventure humaine qui reste et restera incessible.

Abdennour Abdesselam

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