Salah Sadaoui, le pourfendeur des maux sociaux et de l'exil

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Il était connu par son timbre particulier de voix et surtout par ses très belles chansons inoubliables qui touchaient, un petit peu, à tous les domaines de la vie. Lui, c’est le regretté Salah Sadaoui. Connu pour sa gentillesse légendaire, le fils de Tamellaht, né en 1936, très jeune déjà manifestait une propension au chant et à la musique. C’est ce qui se révélera par la suite, puisque très jeune, il intégra la chorale de « l’espérance sportive », à la Casbah, où il fit connaissance avec l’un des chefs d’orchestre émérites, Amraoui Missoum en l’occurrence. Sa passion pour le chant et la musique allait crescendo, avec la découverte de la musique orientale, égyptienne notamment. Petit à petit, le jeune Sadaoui commençait à animer des galas dans des Qaâdate à la Casbah, où il s’évertuait à se faire d’ores et déjà un nom. Mais, les vicissitudes de la vie et les conditions sociales peu reluisantes de l’époque ont contraint notre artiste à émigrer en France en 1954. A Paris où il s’était installé il y travaillait en touchant à plusieurs métiers, à l’instar de ses congénères. Néanmoins, malgré les dures conditions, Sadaoui n’a pas pour autant oublier sa passion pour le chant et la musique qu’il a ramenés avec lui dans sa « valise » d’émigré en France, en animant régulièrement des galas dans les cafés fréquentés par les Magrébins. Et par un heureux raccroc, notre jeune artiste retrouva une nouvelle fois son maître Amraoui Missoum, venu lui aussi en France, qui l’intégra sans hésiter dans son orchestre comme batteur et choriste. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Aâmi Salah, pour les intimes, a pu intégrer Radio Paris, où il rencontra par la suite d’autres monstres sacrés de la chanson Kabyle, comme Cherif Kheddam, Kamel Hamadi et Akli Yahiaten. Il milita à sa manière pour l’indépendance du pays en participant à des tournées avec la troupe musicale du FLN, qui a sillonné plusieurs pays de l’Est afin de faire connaître la cause algérienne. À l’indépendance du pays en 1962, Sadaoui choisit de rester en France. Et c’est à cette période-là qu’il entama sa carrière en solo. Il a sorti plusieurs albums qui traitent de la condition des immigrés, de la douleur de l’exil et de l’amour. Néanmoins, il n’omettait pas de mettre un peu d’ambiance dans ses opus en composant des chansons pleines d’humour.

Un duo d’enfer avec Kaci Tizi-Ouzou

La société avec ses tares et ses perfidies, la politique et la morale sont aussi passés en revue dans ses albums méticuleusement travaillés. Voulant, sans doute, toucher un public plus large, Aâmi Salah chantait aussi bien en Kabyle qu’en Arabe dialectal. Nous pouvons citer, ici, quelques-unes de ses chansons produites durant sa longue carrière artistique comme :Yecreq yiṭij, A ɛemmi Sliman, Ya bent bladi, A yelli-s n tmuṛt-iw, Ulad lɣuṛba, Uṛ nelli bxiṛ, Ya xuya Muḥ, et bien d’autres. L’audience de l’artiste s’élargit avec la survenue d’un succès « foudroyant ». Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Salah Sadaoui entreprit plusieurs duos, mais le plus célèbre demeure, sans doute, celui « contracté » avec l’autre géant du théâtre et des sketchs, feu Kaci Tizi-Ouzou. Ce duo d’enfer a produit des sketchs, où il a fait, à chaque fois qu’il jouait, tordre de rire le public. Militant des causes justes, Sadaoui a aussi lutté pour la revendication Amazighe, en activant comme l’un des membres de l’académie Berbère. Se donnant corps et âme à sa passion initiale, le chant, Salah Sadaoui monta sa maison d’édition discographique « Sadaoui Phone ». Il composa pour de nombreux chanteurs de renom, à l’instar de Samy El Djazaïri et Meriem Abed. Avec l’ouverture démocratique qu’a connue le pays, le fils de Tamellaht « jeta » du lest en produisant, en 1990, avec son compagnon de toujours, Kaci Tizi-Ouzou, un long sketch audio qui traitait de la situation politique dans le pays avec un humour subtil. Dans la foulée, notre artiste aux multiples facettes produisait des galas par-ci et des albums par-là pour se retirer par la suite définitivement de la scène. Il meurt le 9 Mai 2005, dans son exil à Paris des suites d’une longue maladie. Il fut enterré à Alger.

Y. Samir

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