Accueil Culture L’Étranger d’Albert Camus enfin identifié

Selon le site de l’éditeur français Gallimard : L’Étranger d’Albert Camus enfin identifié

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Depuis 1942, date de la rédaction du célèbre roman d’Albert Camus, personne n’a pu identifier la victime de Meursault, cet «arabe» assassiné de quatre balles lors d’une illégitime défense. Cela avait inspiré Kamel Daoud qui a tenté de lui donner une identité dans un autre roman commis par ses soins et intitulé «Meursault» contre-enquête. Mais voici qu’Alice Kaplan, une américaine spécialiste de la littérature française, arrive enfin à identifier le mystérieux héros de Camus. Selon le site de l’éditeur français Gallimard, qui consacre une page à Alice Kaplan qu’il édite, «La lecture de L’Étranger tient du rite d’initiation. Partout dans le monde, elle accompagne le passage à l’âge adulte et la découverte des grandes questions de la vie. L’histoire de Meursault, cet homme dont le nom même évoque un saut dans la mort, n’est simple qu’en apparence. Elle demeure aussi impénétrable aujourd’hui qu’elle l’était en 1942…» Cette œuvre gigantesque de celui qui obtiendra le Prix Nobel de Littérature intrigue, tant par son contenu que par la personnalité assez exceptionnelle de l’auteur. «Comment un jeune homme, qui n’a pas encore trente ans, a-t-il pu écrire dans un hôtel miteux de Montmartre un chef-d’œuvre qui, des décennies après, continue à captiver des millions de lecteurs ?», a ajouté le site. C’est ce mystère qui va conduire une américaine, spécialiste de la littérature française, à mener une enquête et à essayer de pénétrer le fonds de la pensée de Camus pour comprendre ses motivations et son inspiration. Elle publie aux éditions Gallimard une véritable biographie du roman de Camus qu’elle intitule «En quête de l’Étranger». De toute évidence, Camus l’intrigue. Dans son livre, elle se pose plein de questions pour essayer de comprendre. Elle consacre ainsi du temps à l’étude du personnage de Camus et de son environnement, ainsi que le contexte de l’époque pour décrypter et décoder son génie. Elle s’attaque donc à son œuvre la plus célèbre et l’une des plus connues dans le monde. Camus s’était aussi intéressé à la Kabylie et y a consacré une série de reportages, dénonçant la misère qui y régnait. En tant que journaliste et écrivain, nous lui devons la connaissance par le monde des pages parmi les plus noires de notre histoire. Le génie de cet auteur est qu’il a réussi à équilibrer entre son intelligence et ses émotions. Sa sensibilité ne lui a pas permis de se taire devant tant d’injustice et de mépris témoignés par le pouvoir colonial envers notre peuple. «Selon l’hypothèse d’Alice Kaplan», écrit Jeannine Hayat, une critique littéraire publiée dans le Huffington Post «le premier mariage de Camus avec Simone Hié en 1934, n’aurait pas été seulement un échec. L’union aurait eu des implications favorables, notamment sur l’art du romancier. Le déracinement de Camus dans la famille bourgeoise de sa première épouse aurait fourni son premier élan à L’étranger. En effet, grâce à sa belle-mère, le docteur Sogler, Camus a pu emménager à Alger, dans le quartier bourgeois d’Hydra. Il a ainsi placé à distance une jeunesse vécue dans la misère afin de mieux la sublimer». Après son divorce, Camus va s’installer en France et fera des va-et-vient avec l’Algérie. Puis, il s’engage comme journaliste dans le quotidien communiste «Alger républicain», où il consacre nombre de papiers aux affaires judiciaires, grâce auxquels il réussit même à faire acquitter des prévenus injustement accusés. Il consacrera aussi du temps à l’affaire du Cheikh El Okbi, comparée à l’affaire Dreyfus, rendue célèbre par Emile Zola et qui bouleversera à jamais la pensée française. Durant cette période, Camus est très productif. Il voyage et se déplace dans le cadre de son travail. Un jour, il tombe sur une histoire qui s’est déroulée à Oran. L’imagination du romancier n’a fait qu’un tour.

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L’Étranger de Bouisseville

À Oran, sur la plage de Bouisseville, deux frères juifs, Raoul et Edgar Bensoussan, se disputent avec un «arabe». Cet incident est relaté dans le journal Alger républicain du 31 juillet 1939. Cet «arabe» est originaire d’Aïn El Turk, et s’est retrouvé en altercation avec deux français sur cette plage. Il faut dire qu’à l’époque, Oran était majoritairement habitée par des colons venus de différents horizons : espagnols, maltais, portugais, français, italiens… Mais pas les deux juifs qui n’étaient que naturalisés en vertu du Décret Crémieux. Originaires d’Afrique du Nord comme semble l’indiquer leur nom, ces juifs sépharades n’allaient pas tarder à subir la pire des persécutions par le gouvernement de Vichy, et se voir retirer la nationalité française. Toujours est-il que l’altercation avec l’ «arabe» allait vite dégénérer aboutissant à un drame irréparable, et inspirant le jeune auteur qui s’enfermera dans un petit hôtel à Paris pour rédiger son histoire. Ce jeune «arabe» a été identifié par Alice Kaplan qui a exploité toutes les archives qu’elle a pu trouver, y compris l’article en question d’Alger républicain. Grâce à ses recherches, la biographe américaine a pu aller à la rencontre du frère de la victime et de sa sœur qui ont confirmé les faits. Il s’agit de Kaddour Touil. Ceux-ci ont depuis longtemps tourné la page et avec Alice Kaplan, on a même imaginé une réconciliation entre Meursault et Kaddour. Avec cet ouvrage, va-t-on enfin tourner la page de «l’Étranger», ou au contraire susciter d’autres interrogations et lancer de nouvelles polémiques qui inspireront de nouvelles recherches aboutissant à de nouvelles publications ? L’avenir nous le dira. En tout cas pour nous, ni Camus ni Kaddour ne seront jamais des étrangers. Selon l’encyclopédie en ligne Wikipédia, «Alice Kaplan a été professeur de littérature et d’histoire à l’université de Duke, puis professeur de langue française à l’université de Yale. Ses travaux portent sur l’autobiographie, les mémoires, la théorie et la pratique de la traduction, la littérature française du XXe siècle, la culture de la France de l’après-guerre. Elle est la fondatrice du Duke Center for French and francophone studies et appartient au comité éditorial du South Atlantic Quarterly. Elle a été finaliste du National Book Award de 2000 et nominée au National Book Critics Circle Award de 2000. Elle a obtenu le Times Book Award en 2000. Elle a publié de nombreux ouvrages dont «Reproductions of Banality: Fascism, Literature, and French Intellectual Life» en1986, «Relevé des sources et citations dans « Bagatelles pour un massacre », Éd. du Lérot, 1987, «Dreaming in French: The Paris Years of Jacqueline Bouvier Kennedy, Susan Sontag, and Angela Davis», University of Chicago Press, 2012 et «En quête de L’Étranger», Gallimard, 2016. Ce dernier ouvrage coûte 22 euros et n’est toujours pas disponible dans les librairies algériennes. Il faudra sans doute attendre le Salon international du livre d’Alger de l’automne prochain pour l’y trouver autour de trois mille dinars. Un éditeur algérien aura-t-il l’idée de le rééditer à un prix raisonnable ?

N. Si Yani

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