Une œuvre, des profondeurs des traditions kabyles

Partager

“J’étais avec les filles de la troupe Djurdjura, j’ai été dans une même chorale que la chanteuse Malika Domrane, mais la vie ne m’a pas donné l’occasion d’émerger. Les conditions d’alors ne me l’ont pas permis”.

“J’écrivais depuis ma tendre adolescence. J’ai chanté des berceuses et différents genres musicaux traitant du social, de la misère, de la société du malheur et de l’amour. Hélas, je n’ai pas pu mettre mes œuvres sur le marché pour différentes raisons, pourtant l’envie de le faire me tordait les méninges et les tripes. Disons que c’est la condition de la femme rurale Kabyle», c’est en ces termes que nous a accueillis l’auteure de Ayeli, Ami (ma fille, mon fils). Une artiste qui souhaite garder l’anonymat du moins jusqu’au prochain produit. Une dame frisant la soixantaine, qui se fait appeler Thala (source). Elle était enseignante de langue Française et est à présent une femme retraité. «Maintenant que j’ai beaucoup plus de temps, les enfants ont grandi et je suis en retraite, je promets de belles choses au grand public», dira-t-elle. Concernant ses objectifs, l’artiste indiquera : «Nous avons un trésor qui s’appelle l’art traditionnel et le patrimoine Kabyle. Nous avons des chants ancestraux que nous ne trouvons nulle part au monde, comme c’est le cas des Icheouiqen et de Tibougharine. J’entends faire de mon mieux pour les préserver et surtout les promouvoir. Cela fait parti de notre identité millénaire. Autrefois, le chant des femmes (Urar n El Khalath) et les troupes traditionnelles (Idhebalen) suffisaient à créer l’ambiance des grands jours et à animer les fêtes de mariage et de circoncision. À présent, on fait appel aux chanteurs et chanteuses, au DJ et au tintamarre moderne mais aussi bruyant et sans messages et sans éducation. Ça ce n’est pas de chez nous. Ce n’est pas que je suis contre la modernité mais cela ne doit pas se faire au détriment de nos us, de nos coutumes et de nos traditions. C’est pourquoi d’ailleurs j’ai décidé de mettre mon premier produit sur le marché». Au sujet de ses projets, Thala dira avec beaucoup d’engagement : «Il est sûr que je vais faire de mon mieux pour produire et je mettrai toute mon énergie et mes moyens pour trouver des voix féminines en vue de constituer une troupe musicale traditionnelle et à partir de là nous prendrons le bâton du pèlerin pour sillonner les quatre coins de la Kabylie et de l’Algérie, afin de faire revivre notre patrimoine musical, culturel et artistique.

Dix remèdes à travers dix chansons

Rien qu’à écouter l’œuvre de Thala, on replonge dans ce que fut l’art traditionnel kabyle. Des thèmes bien choisis traitant de la société et du quotidien kabyle, c’est à croire que Thala fait de la réalité et non du chant. Sa voix angélique o combien berceuse transporte l’auditeur très loin dans le rêve et la nostalgie des temps anciens perdus. Écouter tout le CD est simplement une évasion aux tracas de la vie actuelle. Car avec sa voix qui semble sortir du fond d’une âme meurtrie, constitue, faut-il le reconnaître, un remède aux esprits, aux cœurs et aux âmes malmenées par les affres de la vie moderne. La berceuse, berce-le ! Ma fille, mon fils, ma destinée, l’homme devant le henné rompre avec le deuil, qui es tu ? El henni et la mariée sont des chansons qui non seulement vous font renouer avec la vraie culture et les traditions ancestrales kabyle, mais ils vous procurent un repos et un apaisement spirituel que nul potion ne peut procurer. Les vers rythmés et pesés au détail près, chantés par une voix féerique, douce et suave, le tout accompagné par une musique avec de simples instruments comme le violoncelle et la flute, cela suffit à ressortir le talon caché de l’artiste. Un talon à redonner un brin de calme et d’aisance spirituelle. Thala, comme son pseudo l’indique, est source d’art Kabyle authentique. Quant elle chante la chanson Azehriw (mon destin), l’auditeur ne pourra jamais faire la différence entre elle et les divas kabyles comme Hnifa, Nouara, Cherifa et toutes les autres. Questionnée à propos de son identité l’humble artiste reconnaîtra : «Ma timidité et mon humilité font que je préfère garder l’anonymat du moins jusqu’au prochain produit. J’en ferai l’exclusivité à votre quotidien. J’espère que nous avons été à la hauteur et j’espère que le public trouvera ce qu’il recherche dans mon album».

Hocine T.

Partager