Résidence artistique internationale à Béjaïa

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La semaine dernière, une équipe internationale d’artistes s’est déplacée à Béjaïa pour réaliser une résidence artistique dans le domaine du théâtre, à l’invitation du Festival international du théâtre de Béjaïa.

L’équipe était dirigée par l’Allemande Lydia Zimke, du théâtre de Berlin «Suite 42». Lydia a déjà fait plusieurs séjours en Algérie, puisqu’il y a deux années, elle est venue présenter une pièce de Dea Loher sur la problématique du terrorisme. La pièce avait été, entre autres, présentée à Amizour et Béjaïa en novembre 2015. Elle est revenue l’année suivante à l’occasion du 8ème FITB. Avec elle, il y avait également Lucie Zelger, originaire de Genève et qui avait joué dans ladite pièce. Owen Lash d’Irlande du Nord est, quant à lui, spécialisé dans le son et les effets sonores. Lui aussi a fait partie de la première équipe. Et cette année, l’Alsacienne Claire Sichck est venue renforcer l’équipe avec son talent de scénographe. Cette équipe avait avec elle la partie algérienne dirigée par Omar Fetmouche, commissaire du FITB. La comédienne Lydia Larini de Batna a été invitée à se joindre au projet, tout comme la chanteuse bougiote Rahima Khelfaoui, désormais connue sous son nom d’artiste de Dassine. Il y avait également d’autres personnes dans cette résidence. Le projet de résidence a été initié suite à la sélection d’une pièce de théâtre conçue par Omar Fetmouche, dans le cadre de l’action artistique et théâtrale internationale intitulée «Changement de scènes» initiée par l’Institut International du Théâtre de Berlin et la Fondation Bosch d’Allemagne. Le FITB a été inscrit dans une coproduction avec le théâtre Suite 42 de Berlin pour un partenariat financé par l’Institut International du Théâtre de Berlin et la fondation Bosch de Berlin en collaboration avec le FITB. L’idée des deux partenaires était de jeter un regard à la fois sur l’histoire de l’Algérie et celle de l’Allemagne, notamment la RDA. La lecture et le commentaire du texte écrit par Omar Fetmouche a permis d’évoquer l’histoire commune des deux pays. Ainsi, la présence des Vandales en Afrique du Nord a été évoquée. Puis, dans des temps plus récents, plusieurs croisements se sont faits entre les deux pays. Durant la discussion, il a été rappelé que les deux premières victimes de la première guerre mondiale furent algériennes, suite à une attaque de la marine allemande sur Skikda. Puis, la participation des Algériens enrôlés dans l’armée coloniale française durant la seconde guerre mondiale, pour libérer la France de l’invasion des armées d’Hitler. À la fin de cette guerre, l’Allemagne fut scindée en deux. Et l’Algérie a développé des relations dès son indépendance avec l’Allemagne Démocratique. Ayant tous les deux choisis le modèle socialiste de développement, les échanges entre les deux pays ont été très riches. Curieusement, une année après l’effondrement de l’option socialiste en Algérie suite aux événements d’octobre 88, le mur de Berlin a chuté et la RDA s’est effondrée. Il y a, donc, plusieurs parallèles dans les histoires respectives des deux pays. Aussi bien Fetmouche que Zimke ont essayé de construire, chacun en ce qui le concerne, une pièce de théâtre pour raconter cette histoire commune. Lydia Zimke a relevé une grande similitude entre la décennie noire avec toutes les souffrances qu’ont endurées les Algériens et la période socialiste de l’Allemagne de l’Est avec la persécution des intellectuels, artistes et opposants politiques. À partir de ce point, les participants à la Résidence ont, petit-à-petit, esquissé les contours de la pièce, dont Lydia à la charge de la mise en scène. Les discussions ont été très fructueuses et les échanges réellement riches. Le travail s’est fait dans une ambiance très agréable et très détendue, chacun ayant été invité à s’exprimer et donner son point de vue. Il était important que chaque participant puisse s’imprégner complètement du sujet pour pouvoir apporter sa contribution à ce travail qui sera présenté en octobre prochain, lors de la neuvième édition du Festival International du Théâtre de Béjaïa.

Répétitions sur les planches

Sur scène, il y aura essentiellement trois personnes. Lucie Zelger a une longue expérience dans les domaines artistiques, notamment dans le cinéma et le théâtre. Elle a joué dans plusieurs pièces et participé à plusieurs événements où elle a reçu des distinctions en 2007, 2009 et 2010. Le public bougiote a déjà eu l’occasion de la voir se produire à Amizour et Béjaïa en 2015. Dans cette nouvelle pièce, elle joue le rôle d’une Allemande, Lydia, qui rencontre une autre Lydia venue d’Algérie, dans un aéroport en France. La Lydia algérienne est campée par Lydia Larini, actrice et comédienne connue du public algérien. Depuis 2012, elle aussi a reçu plusieurs distinctions. La troisième personne qui campe le rôle d’une chanteuse aveugle n’est autre que Rahima Khelfaoui qui accompagnera la pièce de sa guitare et de sa magnifique voix. Rahima, rappelons-le, a été lauréate d’Alhane oua chabab en 2008 et a également obtenu plusieurs distinctions ces dernières années. Son nouvel album est annoncé pour les prochains jours. Le but de la pièce est de faire rencontrer les histoires de ces deux pays, en mettant en exergue les parallèles qui existent entre eux. Sans doute que le public, qu’il soit algérien ou allemand, en apprendra plus sur l’histoire commune. Il y a certainement beaucoup d’incompréhensions et de clichés à écarter grâce à cette pièce. Il est apparu durant les discussions que le public allemand ne connaît pas grand-chose sur l’Algérie. Owen Lasch, le musicien irlandais, est tombé des nues il y a deux années, d’apprendre que les habitants de l’Afrique du Nord sont des Berbères. «I didn’t hear about this. (Je n’ai pas entendu parler de ça)», nous avait-il affirmé. Il ne savait rien sur notre peuple et encore moins sur notre Histoire. C’est aussi le cas pour beaucoup d’Allemands qui pourraient voir en nous un peuple de terroristes. Ce que Lydia l’algérienne va clarifier dans la pièce. Les trois actrices ont été mises en scène par Lydia Zimke, en usant de plusieurs techniques visant à faire émerger le potentiel de chacune d’elles. On sentait clairement l’implication des concernées dans la pièce, puisque durant les cinq jours qu’a duré la résidence, elles ont donné le meilleur d’elles mêmes. Pour l’Allemande, il fallait aider les actrices à se libérer pour pouvoir exprimer leur potentiel artistique. D’où les échauffements et les exercices physiques. Car il va y avoir de l’activité dans cette pièce. Le travail commençait aux environs de dix heures pour se terminer, parfois, très tard dans la nuit. Heureusement que la prise en charge a été à la hauteur et que la délégation étrangère n’a pas eu à se plaindre des conditions de son séjour. En effet, aussi bien le commissariat du FITB et le TRB ont fait le nécessaire pour offrir à l’équipe de bonnes conditions de séjour et de travail. À la fin de la pièce, il y aura une belle rencontre entre deux soldats algérien et allemand. D’ennemis qu’ils étaient, ils sont devenus de grands amis. Cette amitié perdurera même après leur mort, puisque leurs petits enfants vivront, malgré eux, une suite à cette rencontre. Il ne faut pas en dire plus pour ne pas risquer de gâcher la surprise. Car l’Algérien qui avait pour mission de tuer l’Allemand, avait la promesse des Français qu’après la guerre, l’Algérie aurait son indépendance. Mais au lieu du tuer son ennemi, finalement il lui sauve la vie. Une histoire très touchante et très profonde. Omar Fetmouche, l’Algérien, revisite ainsi notre histoire et confie à l’Allemande Lydia Zimke le soin de la raconter. Une belle expérience d’une collaboration entre les deux théâtres, qui pourrait augurer de promesses intéressantes pour l’avenir. Durant cette résidence qui s’est déroulée à la bibliothèque principale de Béjaïa, de grandes richesses ont été partagées entre les participants, notamment grâce à leurs diverses origines. On y parlait allemand, anglais, français, arabe, kabyle, chaoui… La pièce, elle-même, sera jouée en trois langues, témoignant de la diversité des cultures des composants de cette histoire.

N. Si Yani

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