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Entretien avec Nadia Tiliwa, membre de la chorale Tiliwa : «Nous sommes des passeurs d’émotions»

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Les actuels membres de la chorale, des femmes kabyles vivant en région parisienne, se disent viscéralement attachées à leur culture et à leur identité. L’une d’elles, Nadia Tiliwa, se confie dans cet entretien.

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La Dépêche de Kabylie : à quand remonte la création de votre groupe ?

Nadia Tiliwa : Le groupe Tiliwa est né en janvier 2010 et certains membres fondateurs du groupe faisaient partie, dans les années 2000, de Chœur berbère d’Ile-de-France, animé durant 8 ans par M’hena Mahfoufi, musicologue et chercheur au CNRS sur les musiques issues du Maghreb.

La composante a changé depuis ?

A la dissolution de Chœur berbère d’Ile-de-France, une partie des choristes est restée en contact pour poursuivre ce qu’elles considéraient comme une cause importante, le recueil et la sauvegarde des chants traditionnels de transmission orale. Depuis, par une réunion hebdomadaire, chez les unes et les autres, le groupe poursuit son travail d’enrichissement du répertoire par la collecte, les rencontres, la transcription. Il s’est donné comme nom Tiliwa qui est le pluriel de Tala, la source, l’eau, la vie et la femme qui la donne. Trois membres du groupe sont partis et trois autres nous ont rejoints.

Pourquoi avoir opté pour Urar l’khalath et des chansons d’anciens chanteurs kabyles ?

Nous considérons que ces chants touchent au champ émotionnel transmis par des générations de femmes. Nous voulons continuer à faire vivre ces ressentis, ces sentiments, ces joies, ces fêtes, ces ambiances qui ont marqué l’histoire de la famille kabyle. Nous avons repris les chansons du terroir pour les transmettre aux générations futures. Nous pouvons citer Taos Amrouche et Idir. Ce style de chant véhicule, oralement, tout un pan du patrimoine et de la culture kabyle : les mœurs, les traditions, la pensée… Urar peut paraître réservé aux initiés et revêtir une forme d’ésotérisme et nous avons choisi de l’ouvrir à l’universalité.

Des albums sur le marché ?

Nous avons produit notre premier album fin 2016, mais il n’est sorti qu’en mars dernier. Nous le distribuons par le biais de notre association Tiliwa-Femmes Kabyles de Paris et lors des concerts et animations auxquels nous participons.

Pourquoi tout ce temps pour enfin éditer un album ?

Nous n’avions pas les moyens de financer la création de l’album et sa promotion. Mais grâce à la rencontre d’artistes sensibles à notre travail, Malik Bellili en particulier, nous avons pu concrétiser notre projet.

Pourquoi n’est-il sorti qu’en France ?

Nous avons sorti l’album en France pour des raisons pratiques, mais nous n’excluons pas complètement l’idée de le sortir en Algérie.

A-t-il obtenu le succès escompté ?

Sans prétention, nous pouvons dire que notre album a reçu un écho très favorable. Il est sur le marché depuis peu de temps et il n’est pas vendu dans les lieux de distribution habituels. Comme je vous l’ai expliqué, il n’est vendu que lors des concerts ou manifestations culturelles. Il nous faudra sans doute trouver d’autres réseaux de distribution.

Quand sortira-t-il en Algérie ?

Nous ne sommes pas encore certaines de pouvoir le sortir en Algérie

Vous avez déjà animé des galas en France et en Algérie ?

Nous participons régulièrement à des manifestations en France : Yennayer, commémoration du 20 avril, journée de la femme… Nous travaillons également avec des associations culturelles berbères : Numydia (basée à St-Etienne), le Centre culturel franco-berbère, ainsi que des collectivités territoriales. Nous avons collaboré avec de nombreux artistes à des projets ponctuels : Azal Belkadi, Lakhdar Sennane, Kamal Hamadi, Ludovic Souliman (conteur)… En Algérie, nous avons participé au Festival de la chanson kabyle de Béjaïa aux côtés d’Azal Belkadi. Parmi nos spectacles présentés en France et en Algérie, nous pouvons citer ceux de : – Saint Etienne, Rouen, Brest avec le musicologue Mhenna Mahfoufi – Festival de la chanson Kabyle à Béjaïa – Spectacle à l’Européen avec Azal Belkadi – Mairie de Paris, célébration de yennayer 2012 – Fête de la rose à Vitry – Hommage à Zerrouki Allaoua par l’association Numidia à Saint-Etienne – Hommage à Hnifa et Zohra par la même, avec Kamel Hammadi – Hommage à Idir du 8 au 18 avril 2017 organisé par le centre culturel berbère de Drancy…

Votre groupe est constitué de combien d’éléments actuellement ?

Actuellement, le groupe compte sept (7) membres : Atika, Myriam, Nadia, Rabiha, Saliha, Samia et Yamina.

Le mot de la fin…

Nous sommes conscientes de l’immense chantier que représente le recueil de ces chants traditionnels, un pan immense de notre culture qui très vaste. Une chose est sûre, le peu que nous avons recueilli jusque-là ne tombera pas dans l’oubli. A caractère oral, il a fallu tout transcrire. Notre projet a du sens du fait qu’il touche les individus. Le chant aurait des vertus de guérison, disait-on chez les Amrouche. Nous restons des passeurs d’émotions et nous n’avons comme mérite que de les faire revivre.

Interview réalisée par L Beddar.

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