L’urbanisation algéroise à l’épreuve de l’islamisme radical

Partager

«Ville, religion, politique. Une approche croisée de la violence. Alger : 1990-2008» est l’intitulé de l’ouvrage édité en février dernier par l’architecte et urbaniste Farida Seddik aux Editions L’Harmattan de Paris. Préfacé par le professeur émérite à l’institut d’urbanisme de Paris et philosophe français, Thierry Paquot, le livre renferme une réflexion très fouillée et développée initialement dans un travail de recherche universitaire effectuée par l’auteure en vue de l’obtention en 2009 du grade de docteur en France. Au carrefour de l’urbanisme, de l’histoire, de l’anthropologie, de la sociologie urbaine, mais aussi de la psychanalyse et de la philosophie des religions, l’auteure analyse dans son étude les mécanismes de fonctionnement de l’ordre social en lien avec la violence politique et le mode d’urbanisation. Aussi, elle y met en perspective l’apport de «l’urbanisme illicite» étant au profit du Front islamique pour le salut au cours du processus électoral du début des années 1990. En effet, l’une des thèses défendues par l’auteure, c’est que «l’articulation de la dissidence islamiste, [est] née […] essentiellement en milieu urbain, au processus de l’urbanisation contrariée». Elle soutient, en outre, que «l’espace urbain [est] soumis aux aspirations de groupes divers, théâtre d’une contestation politique». Selon le philosophe, sociologue et géographe français Henri Lefebvre, «l’espace est un produit social est politique». Farida Seddik se sert de ce postulat paradigmatique comme appui pour s’attacher à l’étude des violences entretenues en premier lieu par les différents occupants et envahisseurs de l’Algérie, à commencer par la Régence turque. Tout en soulignant que «la centralité territoriale d’Alger commence à cette époque-là», alors que le pouvoir politique central était auparavant à Tlemcen, l’auteure de «Ville, religion, politique. Une approche croisée de la violence. Alger : 1990-2008» précise que la violence constitue un instrument régulateur de l’ordre social dans l’espace urbain algérois d’où elle puise son corpus d’étude. Elle écrit à ce propos : «La violence participe au fondement de tout ordre social. Alger, avec son histoire complexe, illustre cette loi. Objet de multiples invasions, de multiples violences, Alger a été construite et reconstruite pour asseoir des ordres sociaux divers, reflétant chacun la domination du conquérant». «La violence est une donnée anthropologique commune aux groupe sociaux ; elle n’est pas ‘’spatialisable’’ car n’étant pas le propre d’un groupe donné. Quand elle se manifeste, son caractère mimétique […] fait qu’elle se propage à tout le corps social», prévient encore l’auteure avant de mentionner, pour lever tout amalgame, la dissimilitude sémantique existant naturellement entre les deux mots territoire et terrorisme. Abordant dans la deuxième partie du livre la politique de nationalisation des terres juste après le recouvrement de l’indépendance de l’Algérie, Farida Seddik note : «Il est difficile de nier que la politique étatique des sols ait constitué pour les exclus des programmes une violence symbolique, une exclusion de leur droit à la ville», tout en soulignant que «la distribution (des terres, ndlr) se fit au profit des classes bureaucratiques».

Djemaa Timzouert

Partager