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Contribution - Production de nos artistes en Amérique du Nord : La chanson kabyle entre le marteau et l’enclume

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Sommes-nous en droit de nous poser des questions sur l'ensemble de l'industrie de la chanson kabyle en Amérique du Nord, plus précisément au Canada et aux USA ? Ces dernières années, on voit fourmiller sur les médias sociaux tant d’affiches publicisant nos artistes kabyles qu'on se croirait sur notre terre natale.

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Au Canada, de nombreuses boîtes de « production » tantôt enregistrées tantôt non enregistrées prolifèrent et activent sans répit pour faire venir des chanteurs kabyles reconnus depuis de longue date ou d’autres moins connus pour donner des coups de coude à leurs carrières. Est-ce un domaine lucratif ou la promotion de la culture kabyle passe inéluctablement par ce genre de productions? Force est pour nous de constater qu’à Montréal en passant par Ottawa puis Philadelphie pour ne citer que ces grandes villes en Amérique du Nord, beaucoup de chanteurs ont foulé le sol canadien ou américain : Idir, Ait Menguelet, Zedek,Allaoua, Takfarinas, Ali Ferhati, Nouara, Malika Domrane, Hamid Matoub, Lani Rabah, Madjid Soula, Farid Ferragui… Les activités culturelles comme la chanson, la danse, la poésie, le théâtre, le film doivent continuer d’exister, mais à l’abri des groupuscules ou des organisateurs qui en tirent profit et dividendes et s’érigent en fervents défenseurs de la culture berbère. Dans leurs armures d’aciers, ils se réfugient et lanceront des flèches empoisonnées à toute personne osant aborder ou se poser des questions sur ce sujet ô combien tabou : « Le beurre et l’argent du beurre ». Probablement, Paul Claudel a raison de dire « Une armure quand on en a pris l’habitude devient aussi confortable qu’une robe de chambre ». Sans aucun doute, seront nombreux ceux qui crieront au complot ourdi en y touchant à ce point en lien avec les avantages pécuniaires que peuvent générer ce genre d’événements « culturels » dont le revers de la médaille n’est pas toujours reluisant et peut ipso facto engendrer aussi mélancolie, banqueroute, illusions perdues…etc. Il faut dire qu’on a assisté à plusieurs galas artistiques où des chanteurs kabyles se produisent simultanément dans la même journée dans la même ville en l’occurrence Montréal, à la même heure, mais dans des salles différentes. Manifestement la levée de boucliers est perceptible entre les organisateurs pour ne pas dire les protagonistes. Serait-ce de bonnes guerres inavouées voire des luttes fratricides enrobées magistralement dans le festif ? Sommes-nous en droit de se questionner sur les avantages que la culture berbère en général et la Kabylité en particulier en tirent justement ? Y a t-il d’autres façons de faire dans la collégialité en plaçant nos racines au dessus de la mêlée ? Peut-on sortir des sentiers battus et y réfléchir profondément quant aux plans et moyens rationnels qui permettraient à notre culture de rayonner en Amérique du Nord en la montrant aux autres ou plierons-nous sous le poids du rocher de Sisyphe en étouffant dans l’œuf tout ce qui a trait à notre identité? Et pourtant les festivals n’en manquent pas notamment à Montréal. Les Francofolies, le festival de jazz, les Nuits d’Afrique, Montréal en lumière… Excepté quelques apparitions timides ça et là notre culture a réellement besoin de jeter son ancre dans le port de la diversité et aspirer davantage à l’universalité. Quoique nous soyons une immigration récente en Amérique du Nord, nous possédons des chanteurs et musiciens talentueux qui peuvent nous représenter au vu et au su de tout le monde, rivaliser sans ciller ou sourciller au lieu de cloîtrer notre produit dans une culture maison ou dans une maison de culture. Tout compte fait, pour l’instant et en attendant de jours meilleurs, les salles tantôt se remplissent tantôt désemplissent. On chante. Quelques fois, les égos désenchantent. On danse. On se défoule. On est fier. C’est toujours la fête. On filme les moments de liesse. On rentre chez soi. On les partage avec joie sur les réseaux sociaux. On écrit sur les murs. On commente. Puis on recommence. Parfois, lorsque les retombées financières sont réduites comme une peau de chagrin à cause des billets invendus, les organisateurs de galas se grattent la tête après que les musiciens aient gratté joyeusement leurs guitares toute la soirée. À juste titre, sommes nous en droit de savoir si les chanteurs kabyles seraient au courant de ces guerres de tranchées ? Le moins qu’on puisse dire laisse à penser que la chanson kabyle en Amérique du Nord est entre le marteau et l’enclume. Une association sans but lucratif dédiée exclusivement à notre chanson à l’image de l’ADISQ ; l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, serait une panacée pour cette industrie. «Aujourd’hui, le mandat de l’ADISQ va au-delà de la seule promotion collective sur les marchés domestique et international. L’association effectue des représentations auprès des pouvoirs publics sur les questions concernant les politiques générales de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, le financement de cette industrie, la défense des droits des producteurs et la réglementation de la radiodiffusion. Elle procède également à des négociations et à la gestion d’ententes collectives avec les associations d’artistes reconnues et offre un programme de formation continue à l’intention des professionnels. Finalement, elle organise de nombreuses activités de promotion collective du disque, du spectacle et de la vidéo», lit-on dans le site de cette association. Pourquoi ne pas s’en inspirer et offrir un meilleur avenir à la chanson kabyle ? Elle le vaut bien. Définitivement, le vent souffle sur notre moulin à chansons. Il tourne vicieusement sur lui même, loin de l’aire pour battre le blé. N’est-ce pas qu’il est temps de changer loyalement les mœurs ? Les enjeux sont trop importants .Puis, l’impôt sur le revenu de tous ces galas est-il perçu ? C’est une autre paire de manche.

Ali Atman, membre fondateur de l’association AFUD Djurdjura.

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