Une tapissière aux mains de fée

Partager

Poterie, tapisserie, bijouterie, vannerie, couture, sont des métiers traditionnels qui attirent de plus en plus de femmes et de jeunes filles dans les villages de Kabylie. En effet, cela n’est pas seulement pour sauver de la déperdition ces trésors ancestraux, mais aussi pour survivre dans ces montagnes où l’investissement est quasi-nul. Elles sont, alors, des dizaines de femmes à innover et à prendre le taureau par les cornes. L’exemple nous vient du village Ibadissen, dans la commune des Ath Bouadou, niché au pied du majestueux Djurdjura où le climat est rude en hiver si bien que le tapis occupe une place importante au sein des familles. Elle s’appelle Arzika Mohand Arab à laquelle colle le surnom de mains de fée, que lui valent ses œuvres. Notre interlocutrice, accostée en marge de la 1ère foire agricole d’Ath Bouadou, abritée par l’école Arab Messaoudi du chef-lieu communal à la fin du mois de septembre dernier, où elle exposait ses beaux tapis dans une salle de classe, nous dit : «Je suis tapissière depuis déjà une quinzaine d’années. Tout d’abord, je confectionnais des napperons et des robes dès mon jeune âge. J’ai aussi commencé à carder la laine et l’enfiler très jeune aussi. Dans notre famille, il n’est pas normal qu’une fille ne sache pas tisser un burnous ou un tapis. Avec le temps j’ai gagné la confiance de mes parents et avec ma sœur, on fait toujours équipe. Après, celle-ci a ouvert un atelier de couture. Quant à moi, c’est toujours dans notre maison traditionnelle, que je fabrique ces tapis que j’expose aujourd’hui pour la première fois ici à Ath Bouadou. Mes clientes viennent chez moi, ce sont surtout des jeunes mariées. C’est devenu maintenant une mode. Les jeunes filles en âge de se marier ont repris la tradition. Il n’y a pas une mariée qui ne compte pas dans son trousseau un habit traditionnel ou un tapis», nous explique-t-elle. Sereine, Arzika Mohand Arab n’a pas peur de la concurrence déloyale des autres types de tapis importés d’ailleurs notamment de Turquie. «Notre tapis a ses particularités. Nous utilisons le métier à tisser traditionnel. Tout est artisanal fait à la main, à l’exception des laines de couleurs que nous achetons, chaque produit est original, typique, particulier», soulignera cette tapissière. Au sujet de la laine, elle dit que certaines couleurs, tels le rouge, le vert, le noir et le bleu, manquent quelques fois. «Cela nous cause énormément de retard. Nous profitons pour acheter une quantité importante lorsque ces couleurs sont disponibles sur le marché», avouera-t-elle. Interrogée sur le temps que lui prend un tapis moyen, elle dira que c’est environ un mois lorsqu’elle est aidée par sa sœur. Écouler sa marchandise ne constitue pas un souci pour elle. «Ce n’est pas un problème. En hiver et au printemps, nous faisons un stock de tapis, mais nous savons qu’en été toute notre marchandise sera vendue. Parfois, tout est vendu d’avance, c’est à peine si on arrive à honorer les commandes», dira-t-elle encore. Son stand fut, d’ailleurs, ce jour-là pris d’assaut. Même si les ventes n’étaient pas assez bonnes, Arzika Mohand Arab, était tout de même très satisfaite de l’engouement des visiteurs et visiteuses. «C’est vraiment réconfortant et encourageant d’entendre tous ces compliments pour les tapis que j’ai exposés. Cela est surtout bon signe, nos traditions résistent bien à la modernité», lancera, joyeusement, notre tapissière. Pour le moment, Arzika Mohand Arab, ne pense pas à passer par le crédit ANGEM, avec ses petites économies, elle arrive à travailler sans relâche, ce métier traditionnel, original n’a pas besoin de moyens technologiques modernes ou de machines coûteuses. Avant de la quitter, elle souhaite que de telles initiatives soient multipliées dans la région pour donner la chance à toutes les femmes de faire connaître leurs produits et leur savoir-faire au public. «J’espère que je serai appelée à exposer dans de grandes foires à l’échelle nationale. Ce sera une opportunité pour moi de faire connaître le tapis d’Ath Bouadou, tapis kabyle, au public algérien», conclura-t-elle. Quant aux prix, selon la forme et les motifs, le tapis est entre 5 000 et 40 000 dinars, voire plus pour certains.

Amar Ouramdane

Partager