«Le processus d’officialisation de la langue amazighe est amorcé»

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La Dépêche de Kabylie : Un mot sur le 20 avril…

Si El-Hachemi Assad : Le 20 avril de cette année est, pour nous, un peu spécial, car il est lié à la nature de notre institution. Cet événement est également une occasion pour le HCA de donner le coup d’envoi d’un programme annuel dédié à l’Amazighité à Taghit, jusqu’au mois de décembre prochain. Le 20 avril doit être célébré à sa juste valeur, car il constitue un repère et un tournant majeur de la cause amazighe. Le HCA, pour sa part, le célèbre de manière inédite et solennelle, cette année. Car nous transportons un message fort. Demain, (Aujourd’hui, NDLR) nous allons le célébrer au cœur d’Alger, au niveau de la fac centrale. Notre message est que la promotion de Tamazight passe par l’université et par la création scientifique et culturelle. Ainsi, le HCA, avec ses nouvelles visions et configuration, ainsi que son nouveau souffle, a une nouvelle stratégie. Il prévoit de s’impliquer d’avantage, notamment en ce qui concerne les projets d’études et les travaux de recherche relatifs à Tamazight et à son développement. Depuis le mois de janvier dernier, nous avons mis en place trois dispositifs pour la promotion de la langue amazighe. C’est une stratégie qui repose essentiellement sur la communication.

Que peut-on déceler dans cette nouvelle vision du HCA ?

En premier lieu, c’est la primauté de l’universitaire. Ensuite, vient le travail de terrain, et enfin, la traduction de la dimension et du caractère national de Tamazight. Cette année, le 20 avril est aussi national. Le plan de charge du HCA touchera beaucoup de wilayas. Cette nouvelle vision se distingue, donc, par une obligation de résultats. Car, c’est ce dont nous avons besoin. De plus, nous avons signé des conventions de partenariats, cette année, avec notamment la faculté Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, le Centre d’aménagement de Tamazight d’Alger et l’école supérieure de journalisme. Il faut dire aussi que beaucoup d’autres conventions suivront.

Quelles sont les festivités prévues par le HCA  pour célébrer le 20 avril?

Pour la symbolique, nous ferons une invocation du célèbre Mouloud Mammeri, qui est le pionnier de l’amazighité. Nous ferons également une certaine fusion générationnelle. C’est-à-dire, il y aura d’anciens élèves de Mouloud Mammeri, qui fréquentaient l’amphithéâtre de la fac d’Alger, avec de jeunes scolarisés qui viendront de la région de Ouacifs. En soirée, il y aura une cérémonie hommage à quatre femmes universitaires, dont nous saurons les noms demain soir (Aujourd’hui soir NDLR…), organisée par le HCA. Ce sont des femmes qui ont beaucoup donné pour Tamazight.

Quelle a été l’évolution de l’enseignement de la langue amazighe ?

La langue amazighe est une réalité dans les écoles depuis le milieu des années 90. Son introduction dans les écoles était un défi et un grand acquis. Cela n’aurait pas été possible sans le travail du HCA, ainsi que de l’Education nationale et des militants, notamment les enseignants de langue amazighe. Actuellement, nous regrettons la régression de son enseignement, puisque de 16 wilayas, nous en sommes à seulement 11 où l’enseignement de Tamazight se fait. C’est ce que nous regrettons le plus. Maintenant, il faut prendre en charge les problèmes et avoir une autre vision. Mais du point de vue des statistiques, il y a une évolution. La preuve, durant les années 90, nous avions environ 233 enseignants de Tamazight, pour un total de 37 690 élèves. Maintenant, soit pour l’année scolaire 2012/2013, nous avons recensé 1 654 enseignants pour 234 690 élèves. Aujourd’hui, il faut élargir l’enseignement de la langue amazighe à travers le territoire national et le généraliser au niveau de tous les paliers. Ça ne peut se faire qu’avec l’implication de tous les partenaires, notamment le ministère de l’Education. De plus, il est important de revoir la démarche, faire des sorties mixtes avec l’Education nationale, des formation au profit des enseignants de la langue, ainsi que le recrutement d’enseignants licenciés. Le verrou qu’il faut sauter, maintenant, c’est le caractère optionnel. Il y a des régions qui demandent l’enseignement de la langue amazighe. Il faut, donc, revoir la stratégie et impliquer l’Education nationale.

Ceci dit, malgré les évolutions enregistrées, beaucoup reste à faire, n’est-ce pas ?

Tout a fait ! Il faut davantage impliquer les universitaires. L’avenir de Tamazight est avec les universités. La promotion de Tamazight doit se faire en concertation et non pas en solo. Ce n’est pas uniquement l’affaire du HCA. C’est pourquoi, d’ailleurs, nous nous sommes engagés dans des partenariats. Moi, je pense que nous pouvons faire un saut qualitatif. Les vrais problèmes, nous pouvons les indexer et les prendre en charge. Il faut juste avoir une feuille de route pour affronter la situation.

Pensez-vous que Tamazight a les moyens d’être officialisée maintenant ?

Je crois que le fait qu’elle soit consacrée langue nationale est un événement. La directive constitutionnelle n’est pas assez prise en charge, en matière de sa traduction sur le terrain, qui concerne l’ensemble des partenaires. Cette question d’officialisation nous interpelle tous.  C’est l’un des rôles du HCA. Nous devons nous occuper de cette mission, qui est notre travail quotidien. Le HCA applique la politique de l’Etat, en termes de réhabilitation de la promotion de Tamazight. A mon avis, le processus de son officialisation est amorcé dès l’instant de son introduction dans la constitution. Je pense qu’il faut être prudent. L’adage dit « qui veut aller loin, ménage sa monture ». Alors, il faut progresser étape par étape et adopter la politique du pas à pas.

Qu’en est-il de sa transcription ?

Il faut éviter le débat idéologique, par rapport à la transcription. Se prononcer sur le choix de la graphie est du ressort d’une académie ou d’un centre d’aménagement que nous devons, d’ailleurs, créer et travailler dans ce sens. L’option choisie, pour le moment, est le latin. C’est les recommandations de nos colloques pour toutes nos publications essentielles. L’option choisie par nos partenaires, notamment l’Education nationale, est la polygraphie. Mais nous devons aller vers une décision consensuelle, en écoutant les scientifiques. La polygraphie date d’une quinzaine d’années. Il faut arriver à faire une pose. Le HCA a sa vision et son mot à dire par rapport à cela et doit débattre, sans complaisance, de toutes ces questions. Mais je reviens sur l’urgence de la création d’une entité scientifique, capable de prendre en charge toutes ces questions, notamment l’officialisation et le caractère de la graphie.

Propos recueillis

par Samira Bouabdellah

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