Au-delà de la campagne, une stratégie à asseoir

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Même si, sur le plan de la symbolique, on parle d’une « campagne » encourageant à consommer le produit national, les intentions du gouvernement vont, bien entendu, au-delà de ce geste pour décliner une volonté de consommer préférentiellement « national » sur toute l’année et bien au-delà. En d’autres termes, la vision de développer la consommation du produit national remonte au moins à 2009 lorsque le gouvernement Ouyahia, épaulé par l’UGTA, s’investit dans ce qui fut appelé le « patriotisme » économique. Il est vrai que le virage voulu par les autorités politiques à l’époque, n’avait pas tous les atouts de son côté même si les stigmates de la crise de 2008 (chute des prix du pétrole qui avait poussé le gouvernement vers cette option) étaient toujours là. La courbe du baril se redressa au bout de quelques mois, et le poids des importations et de l’économie informelle ont conduit à faire perdurer les réflexes rentiers. Au bout du compte, l’arrêt des privatisations des entreprises publiques, l’instauration de la règle des 51/49 % pour le partenariat avec l’étranger, le crédit documentaire, le projet de payement obligatoire par chèque à partir d’un certain montant (500 000 DA) et d’autres mesures encore, n’étaient que des ébauches qui allaient soutenir la nouvelle tendance qui se dessine aujourd’hui, à l’ombre du rétrécissement des recettes extérieures du pays. En voulant encourager le consommateur algérien à acheter le produit national, par lequel sont créés les emplois, la fiscalité et la valeur ajoutée, le gouvernement a tenu à encadrer ce geste par le crédit à la consommation destiné exclusivement au produit fabriqué en Algérie, indépendamment de son taux d’intégration. C’est là une mesure « popularisée » par les différentes tripartites tenues au cours de ces trois dernières années et dont la concrétisation a attendu le repli des recettes extérieures du pays qui, naturellement, vont conduire au rétrécissement de la gamme des importations. Ces dernières, en trouant le plafond avec leurs soixante milliards de dollars, ont mis à mal l’appareil national de production, en lui imposant une concurrence anarchique, et le consommateur, en le fourvoyant dans des marques et des contrefaçons qui ne lui garantissent nullement des qualités diététiques ou de sécurité établies. Les licences d’importation, en élaboration au ministère du Commerce, sont justement faites pour établir une certaine régulation dans le commerce extérieur en général, et dans le domaine d’importation en particulier. La politique de l’État ne s’arrête pas à ce traitement « unilatéral » de l’activité commerciale tendue vers l’importation débridée, mais elle va au-delà en soutenant les exportations. Voici un thème qui, en dehors de la sphère connue de l’exportation du gaz et du pétrole, est devenu presque un « tabou »! Cette sphère hors-hydrocarbures ne représente que 3 % de l’ensemble des recettes, et encore, elle comprend certains produits transformés issus du pétrole. Tout reste à faire dans ce domaine. Les potentialités existent. Une grande partie fut sériée lors des dernières assises nationales sur le commerce extérieur. Il s’agit de dynamiser l’action d’Algex (agence algérienne chargée du commerce extérieur), d’orienter les investissements vers des créneaux porteurs, de conférer aux produits algériens les attributs de l’ « exportabilité », aussi bien dans les normes de qualité que dans la présentation générale (conditionnement, emballage, design). Le dernier Salon international Djazagro a montré les immenses possibilités de l’agroalimentaire algérien à se mettre au diapason des productions mondiales, de créer des emplois et de travailler pour la sécurité alimentaire du pays. Faire que « consommer national »  dépasse l’expression d’un slogan ou le souci d’une campagne, c’est investir dans la valorisation du produit du terroir, lever les contraintes bancaires dont souffrent les jeunes entreprises, neutraliser la bureaucratie de l’administration publique et du fisc qui grèvent les efforts les plus engagés.

 Amar Naït Messaoud

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