Tamazight officiellement officielle

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De la constitution de 1963 jusqu'au texte adopté hier par le congrès parlementaire, le parcours a été long et laborieux.

C’est celui d’un peuple sorti de la nuit coloniale, cherchant sa voie dans le monde de la modernité politique. Cette ambition, permise par la grandeur de la révolution algérienne, a subi de grands revers depuis la première constitution du pays, lue et approuvée dans une salle de cinéma de la capitale. Ce texte avait instauré le parti unique, le socialisme autoritaire et la langue arabe comme langue officielle unique du pays. La constitution de 1976, accompagnée de la « Charte nationale », n’a pas beaucoup dérogé à la règle de l’unicité de pensée. Elle en a maintenu toutes les camisoles. Le préambule de la Charte nationale avait, cependant, ébauché un nouveau regard sur l’histoire de l’Algérie, mais sans conséquences majeures sur le plan pratique. Après les événements d’octobre 1988, le président Chadli initia une constitution, qualifiée de « libérale ». Elle a été adoptée le 23 février 1989. Elle a eu pour grands avantages d’ouvrir le champ politique au pluralisme- avec, il est vrai, un tabou maintenu sur le terme de « parti »; on parlait alors d’ « associations à caractère politique »-, et d’initier la liberté d’expression. La parenthèse de la période du terrorisme islamiste a remis en cause, de facto, un grand nombre de principes de liberté et de démocratie énoncée dans la constitution de 1989. Le contraire aurait été surprenant dans une période appelée aujourd’hui « guerre civile ». Le président Liamine Zeroual soumet la constitution à la révision par référendum populaire en 1996. C’était dans un contexte extrêmement difficile, fait de feu et de sang. Il naîtra de cette révision, principalement la limitation des mandats à deux quinquennats et la création d’une deuxième chambre parlementaire, le Conseil de la nation. En 2002, à la suite de la tragédie du Printemps noir de Kabylie, Tamazight fera son entrée dans la Constitution comme langue nationale. Tous les acteurs de la revendication identitaire s’accordaient à dire que c’était là un pas important dans la reconnaissance de l’identité amazighe dans sa globalité même si, disent les linguistes, une langue est nationale de fait, dès qu’une partie de la population la parle et la pratique. Cependant, politiquement, ce fut une victoire sur le déni et sur l’absurde qui ont frappé la première langue du pays, chronologiquement parlant. En 2008, la constitution a été révisée pour allonger le nombre de mandats présidentiels et introduire une meilleure parité hommes-femmes dans la représentation politique dans les assemblées élues. La révision du 7 février 2016 consacre Tamazight comme langue officielle. Beaucoup de débats, d’observations et même de polémiques ont accompagné cette proposition inscrite dans l’avant-projet au début du mois de janvier dernier. La presse, les partis, les réseaux sociaux, tous moyens ont été mobilisés pour applaudir, douter, faire des lectures politiques, voire politiciennes, etc. Une pétition circule depuis deux ans pour faire accepter aux autorités politiques du pays l’idée de l’officialisation de Tamazight. Voir, aujourd’hui, dans l’article 3 bis de la nouvelle constitution de la simple « poudre aux yeux », serait sans doute une forme d’inconséquence. Peut-être même une façon de fuir ses responsabilités. Car, tout l’enjeu est là. L’Etat, ses institutions ainsi que les acteurs culturels et politiques qui ont « investi » depuis longtemps dans la revendication amazighe, sont aujourd’hui interpellés, sans doute plus que par le passé afin de réunir leurs efforts pour donner à l’officialité portée par la nouvelle constitution, un prolongement concret sur le terrain.

Amar Nait Messaoud

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