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Conférence-débat à Chemini : Quand Younès Adli remonte la Berbérie…

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Continuant sur sa lancée pour la promotion de la culture et du patrimoine kabyle, l’association socioculturelle Agraw du village Takhlidjt, a invité vendredi dernier à la maison de jeunes de Chemini, Younès Adli, écrivain et doctorant en langue, littérature et société pour l’animation d’une conférence sous le thème «regard sur notre histoire». Durant presque trois heures, l’assistance composée d’enseignants, de cadres et d’amateurs de l’histoire, a écouté agréablement le récit du conférencier ayant brassé l’histoire de l’ancienne Berbérie et de la Kabylie. L’invité N At Waghlis a d’abord évoqué les grands érudits de la Kabylie, à l’image d’Al Wartilani, Al Waghlissi… Pour rappel, Al Wartilani, qui fut un illustre personnage connu, jadis, pour ses pérégrinations qui l’ont amené à visiter plusieurs régions de l’Algérie, telles que Bgayet, Tlemcen, Tizi-Wezzu, Alger, Dellys, Miliana, Blida… et Constantine, était affublé du sobriquet, le Voyageur. Du voyage, un élément central dans la formation pour recevoir et apprendre, Al-Wartilani en a saisi toute sa quintessence. «Comme tout bourlingueur, il a une idée très intéressante au niveau de la culture et de l’identité. Ce sont ses voyages qui lui ont fait prendre conscience de ce qu’il était», transcrivait-il en arabe dans sa «Rihla», titre de l’un de ses ouvrages. Le conférencier a insisté sur le combat qu’a mené bec et ongles cet érudit penseur en affirmant haut et fort sa kabylité son autochtonie et sa civilisation. Dans le même sillage, Younès Adli n’a pas omis de citer les grands penseurs ayant mis en exergue la Kabylie au travers de son organisation, sa structure et ses érudits penseurs. Il a parlé aussi du premier historien romain, Salluste, qui sillonnait la Kabylie de l’époque et Tamazɣa. En arrivant en Kabylie d’aujourd’hui, il a trouvé des tribus qui peuplaient la Kabylie et tout Tamazɣa. Au VIIe siècle, c’était la première invasion arabe, mais ils se sont vite heurtés à la résistance d’une reine Dihya, femme très courageuse et charismatique. Elle a freiné les Arabes lors de l’expansion ou «ouverture» islamique. Ils l’appelèrent alors La kahina car, pour eux, c’était une sorcière et une prêtresse. «Ibn Khaldoune avait longuement parlé sur la Kabylie dans son ouvrage, Histoire des Berbères. Une référence incontournable pour les chercheurs et les historiens», déclarait le conférencier qui a également parlé de «Tamurt Agawa» ou le pays des Zwawas pour les Arabes, qui ne prononcent pas le G et qui l’ont alors remplacé par le Z. A cet effet, un des intervenants, Mhenni Mouterfi, passionné d’histoire, a émis une autre version selon laquelle «igawawen» est la dérivée d’«igafawen», c’est-à-dire, les gens du Nord. Pour étayer ses dires, l’intervenant s’est appuyé sur les travaux de Boulifa. Par ailleurs, selon le conférencier, l’étape la plus terrible et qui fut un tournant dans l’histoire de la Berbérie, fut l’invasion des Arabes Hilaliens, Beni Sulaymiens. Toutes ces tribus sont cantonnées dans le Nil. «Elles se composaient de plusieurs familles. Des populations dont la présence sur ce territoire répandait la dévastation et nuisait non seulement à la province, mais aussi à l’empire. En 1049-50, les Arabes étaient autorisés à passer le Nil en faisant des dons peu considérables aux chefs, une fourrure et une pièce d’or pour chaque individu. Mais c’est en l’an 1052 que les Arabes entrèrent en Iffriqiya. Animés par l’espoir du butin, ils occupèrent toutes les provinces», rappelle Younès Adli. Ces envahisseurs se partagèrent alors le pays, de sorte que la partie orientale en échut aux Sulaym, et la partie occidentale aux hilaliens. Et toutes les familles hillaliennes se précipitèrent sur l’Iffriqiya, comme une nuée de sauterelles, abimant et détruisant tout ce qui se trouvait sur leur passage. La tribu des Hillal eut vaincu les Sanhadja, et les Zénetes tombèrent à leur tour face à une armée qui détruisait et annihilait tout sur son passage. Les mécanismes de l’arabisation s’étaient enclenchés. L’orateur a aussi rappelé à l’assistance, la profondeur et l’exhaustivité du savoir kabyle, en s’arcboutant sur ses formes, ses différentes expressions de la pensée, la culture ancestrale et son mode de fonctionnement, à savoir Tajmaɛt. Cette dernière est l’une des épines dorsales de l’organisation sociétale de la Kabylie qui est d’abord axée sur le principe de la séparation des pouvoirs, mais on ne l’appelait pas laïcité. Son application sur le terrain est digne d’une vraie culture démocratique, et sur le fond culturel, Tajmaɛt véhicule des valeurs humaines et humanistes. «jmaɛ liman» (au nom de toutes les croyances) est l’une des formes juratoires connotées par les villageois pour se prononcer devant l’assistance à l’agora. Cette réplique se voulait être une barrière conter tout acte discriminatoire à l’égard des minorités. «La religion qui existe depuis la nuit des temps au pays des Imaziɣen et aussi en Kabylie, c’est la tolérance», enchaine le doctorant. La crise berbériste, confrérie Rahmania, royaume de Koukou et celui d’At Abbas sont autant de sujets qu’a soulevé le conférencier, tout au long de son récit. Par ailleurs, l’historien n’a pas mâché ses mots en disant que tous les textes fondateurs de l’Algérie ne parlent pas de Tamazgha. «Il ont trahi la cause berbère», lâche-t-il. La soirée s’est clôturée par une vente-dédicaces de deux ouvrages de l’écrivain et historien Younès Adli.

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Bachir Djaider

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