Plus rien de vert dans la ville verte

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Comment une société foncièrement agraire se détourne de l’arbre, des fleurs et de ses jardins ? C’est ce qui arrive à Tizi-Ouzou.

Par S. Ait Hamouda

Combien de sites, d’espaces verts, situés dans l’espace urbain, sont négligés, abandonnés et laissés pour compte à ce que compte la ville de voyous, de marginaux et de SDF ? Nous y avons cru à un certain moment que c’était du passé que s’en est fini du laisser aller et des négligences pour une prise en charge réelle des espaces verts à Tizi-Ouzou. Qu’on allait retrouver les beaux squares de la ville. Que les lieux de repos des séniors et de jeux des enfants allaient enfin retrouver leurs lustres d’antan. Le béton, rien que du béton et puis plus rien. Même les espaces verts sont en béton. Une place, dites de l’Olivier, où il n’y a qu’un seul olivier et où le sol est badigeonner en vert pour faire illusion d’un terrain gazonné. Et d’illusion en illusion, nous sommes pris de tournis jusqu’au vertige. Durant le mois de Ramadhan passé le square du 1er novembre était fermé au public la matinée et ouvert le soir pour des dégustations de glaces, de café ou de thé mais rares sont les dégustateurs que s’y aventuraient. Le mois sacré passé le square n’est pas rouvert aux promeneurs. Toujours les portes closes et le matériel, frigo et congélateurs, abandonné sur place. En face, la place du 17 octobre 1960, en dépit de son piteux état, elle sert de fast-food aux passants qui ne se bousculent pas au portillon. Plus au-dessus, la place Tahar Djaout et le jet d’eau qui l’agrémente sont délaissés, négligés, dans un état désespérant. Qu’à cela ne tienne, appeler ce gâchis «ville urbaine» est une véritable usurpation urbanistique et architecturale. L’ancienne ville n’est déjà qu’un souvenir lointain pour les personnes du troisième âge ! Elle a perdu tous ses repères d’hier et d’aujourd’hui, plus rien presque ne raconte son passé ni ne projette un hypothétique avenir. La population perd l’identité de son espace. La rue Abane Ramdane, communément désignée par «Grand-rue», ex-rue Beauprêtre à l’époque coloniale, en constitue l’exemple le plus frappant. Ce «passage obligé» de la population de Tizi-Ouzou a été massacré au début de l’été 2004 pour y construire deux trémies qui ont plus empoisonné la vie des automobilistes et des piétons que de la leur faciliter. Le tout complètement défiguré sans apporter la moindre amélioration au vécu des Tizi-Ouzéens. La vieille-ville (haute ville, pour les anciens), vestige de plusieurs siècles, est abandonnée et la nouvelle-ville n’est même pas une cité-dortoir. Le jardin du cœur de la ville et ses alentours, le square, est transformé en repaire de revendeurs au noir de portables, de tabacs et autres articles d’occasion.

Le jardin du cœur de la ville et ses alentours, le square, est transformé en repaire de revendeurs au noir de portables, de tabacs et autres articles d’occasion. À l’échelle de tous les chefs-lieux urbains, le mot «jardin» ne signifie pas grand-chose pour les habitants, notamment la jeunesse retranchée dans ces quartiers de la misère et de l’oisiveté.

À l’échelle de tous les chefs-lieux urbains, le mot «jardin» ne signifie pas grand-chose pour les habitants, notamment la jeunesse retranchée dans ces quartiers de la misère et de l’oisiveté. Les quelques rares jardins qui ont été sauvegardés sont abandonnés ou font l’objet d’une fermeture qui ne dit pas son nom. Et là où l’entretien et la sécurité font défaut, les gens, surtout les vieux, les enfants et les femmes, préfèrent ne pas s’y rendre, d’autant que ces endroits sont prisés par les dealers et autres amateurs de drogue et d’alcool. Rien ne nous oblige de considérer la ville en ville-jardins, des anglais, mais elle est loin de tout-ça, elle est un espace urbain non-identifié non-déterminé non-visible, la ville qui veut montrer, se mesurer à son passé est incapable d’en égaler le minimum. Les espaces verts de Tizi-Ouzou se réduisent en peau de chagrin, pour des raisons que tout le monde soupçonne mais que tout le monde tait. Nous ne cherchons pas à remonter. Les jardins, les arbres, la verdure d’une ville, qui fait la fierté de ses habitants, sont en train de faire parti de son passé que rien ne ramène à nos souvenirs et que devrions-nous dire de cette espace hybride, «ru-rurbain» comme l’appellent les architectes conscients de l’état de leur ville et qui sont tristes de la déliquescence de celle-ci. Il va de soit qu’une cité digne de ce nom doit être au diapason de ce qui se fait de beau, de meilleur, de parfait dans le monde. Et les exemples ne manquent pas.

S.A.H.

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