Cette pierre qui embellit les façades et tue son homme

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Il y a de ces métiers pénibles qui mettent en danger la santé, voire la vie, de ceux qui les exercent.

Les tailleurs de pierre font partie de cette catégorie de gens qui sont exposés quotidiennement aux risques. Mais cela ne les dissuade pas. Déterminés et motivés, malgré eux souvent, chaque matin, de bonne heure, ils prennent place dans des coins de rues, près de leurs ateliers, répandus un peu partout dans la wilaya de Tizi-Ouzou, notamment à Thala Bezrou du côté de Boudjima, à Rabta (Aït Bouada) sur la RN71 vers Azazga, ou encore à Bouzeguène, Aïn El Hammam… On les voit à peine au milieu de nuages de poussières. Ces tailleurs de pierre sont visiblement conscients des risques qu’ils courent en exerçant ce métier. Preuve en est les masques respiratoires que certains d’entre eux portent sur le visage, même si d’autres, moins conscients ou négligents, omettent de se protéger. Considéré jadis comme un métier manuel et artisanal, il nécessitait juste une massette et un burin comme outils de travail et une touche artistique. Actuellement, il a tendance à s’industrialiser, vu le creuset qui sépare l’offre et la demande. Dans une optique de rendement et d’esthétique, ces tailleurs de pierres ont été contraints à s’adapter et à intégrer certains outils électriques qui ne sont pas du tout destinés à ce métier, faute d’avoir un matériel adéquat qui réponde aux normes, encore moins qui réduise les risques de maladies, notamment la silicose. Par ailleurs, l’embellissement d’une façade, d’un balcon ou autres coins d’une bâtisse, en vogue ces dernières années et qui a suscité l’engouement d’une frange importante de la société a fait que la demande dépasse largement l’offre. Cet état des lieux a engendré un autre regard sur ce métier et une autre approche dans le travail lui-même : du métier manuel et traditionnel, on a basculé vers une véritable industrialisation de l’activité afin de répondre à la demande et aux exigences de l’heure. C’est à telle enseigne que de simples tailleurs de pierre sont devenus des entrepreneurs dans le domaine, en très peu de temps. Le marché est si prospère et le prix d’un mètre carré de cette pierre avoisine ou dépasse les 5 000 DA, qu’on imagine aisément l’émergence de ce ‘’secteur économique’’. Par ailleurs, la difficulté du métier et les risques encourus peuvent largement justifier ce prix. En effet, l’effort n’est pas des moindres, de l’extraction de la matière brute des gros rochers de montagnes, en passant par son transport, et jusqu’à sa transformation en œuvres artistiques dans les ateliers, sous forme de pierres sculptés destinées à la commercialisation dans les deux marchés, local et international. Et les conditions dans lesquelles travaillent ces tailleurs de pierre ne sont pas non plus évidentes. Prenant conscience des risques du métier, certains de ces tailleurs de pierres disent ne faire ce travail que temporairement, le temps de trouver mieux, ou au moins le temps d’améliorer leur situation. Malheureusement, obnubilés par le rendement conséquent de ce métier, ces derniers passent une bonne partie de leur vie à l’exercer jusqu’à ce que la silicose les contraigne à abandonner et à lâcher prise. Et parfois, si ce n’est souvent, c’est déjà trop tard pour eux, le mal aura bien pris !

Kamela Haddoum

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