Le conflit sur l’eau rebondit

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Des dizaines de villageois des localités d’Azrou et d’Iguefilen, relevant de la commune d’Illilten, ont observé, hier, un sit-in devant le siège de la wilaya.

Ils réclament la mise en oeuvre des promesses et des engagements pris par la wilaya concernant le règlement du conflit sur l’eau qui gangrène la région depuis les premières années de l’indépendance. Sur les lieux de la protestation, des banderoles à travers lesquelles l’administration est interpellée ont été largement déployées. Dans une déclaration distribuée à la presse, les membres des comités de villages d’Azrou et d’Iguefilen dénoncent : “Nous dénonçons et exprimons notre mécontentement à l’égard de cette administration centrale qui tarde à concrétiser ses engagements pris lors de la réunion du 19 juin dernier. Le wali en présence des représentants des quatre villages concernés en l’occurrence Taghzout, Azrou, Iguefilen et Tifilkout, du chef de daïra d’Iferhounène, du P/APC d’Illilten, des directeurs concernés et d’un bureau d’étude, s’est engagé à régler définitivement ce problème”. «L’eau est la propriété de l’état et personne ne peut se prévaloir être propriétaire ni de l’eau ni de la montagne», avait-il soutenu. Dans ce sillage, des résolutions ont été prises, à savoir le retour dans l’immédiat à la situation d’avant le 4 juin dernier et simultanément mobiliser les sources déjà captées vers le répartiteur et aussi la réparation des captages endommagés. Il a été également décidé d’engager un bureau d’étude pour une esquisse d’une répartition équitable entre les quatre villages. L’eau a été rétablie et une entreprise a été engagée pour mobiliser les sources et procéder à la réparation des captages sabordés. Après l’entame des travaux, des citoyens de Tifilkout, se déclarant représentants de leur village suite à la démission de leur comité ont empêché l’entreprise de poursuivre les travaux. Pire encore, les rédacteurs de la déclaration signalent: «Le directeur de l’hydraulique et le P/APC d’Illilten agissent sous un PV falsifié portant la signature de Monsieur le wali de Tizi-Ouzou». Les rédacteurs ajoutent: «Devant ce blocage, nous avons frappé à toutes les portes pour la reprise des travaux et trouver une solution urgente et définitive à ce problème avant que l’irréparable ne se produise». Et enfin de conclure par un ultimatum : «Ce sit-in est un signal de détresse. Nous exhortons le wali à débloquer la situation pour la reprise des travaux. La pression que nous subissons est réelle et par voix de conséquence, nous nous désengageons de notre rôle de représentants des villageois si les travaux ne sont pas relancés dans 10 jours. L’administration portera toute seule l’entière responsabilité de tout ce qui pourrait en découler».

Retour sur la genèse du conflit

Ce conflit qui revient à chaque saison estivale entre les villages de Tifilkout, Azrou, Iguefilen et Taghzout a défié la chronique et a fait couler beaucoup d’encre durant le mois de juin dernier. Il est à rappeler que les villageois de Tifilkout se disent privés d’eau par les villageois d’Iguefilen, qui auraient saboté leur conduite au niveau de la montagne, depuis le premier jour du mois de Ramadhan. Les mêmes villageois réclament aussi la propriété exclusive des 13 sources d’eau dont le captage a été réalisé par leurs propres moyens depuis les premières années de l’indépendance. Pour éviter que le conflit ne dégénère, l’assemblée populaire de la wilaya de Tizi-Ouzou avait diligenté une délégation pour s’enquérir de la situation et de participer à éteindre le feu qui menaçait sérieusement de prendre. Sur place, il a été constaté que beaucoup d’eau se perd dans la nature, plusieurs conduites et le répartiteur saboté. «Nous ne voulons qu’un partage équitable entre nos villages. Les villageois de Tifilkout ont eux aussi le droit de boire. Nous n’avons saboté aucune de leurs sources et nous n’avons pas l’intention de les empêcher de les réparer. Nous exigeons juste un partage équitable entre nous. Nous n’occupons pas les lieux et nous ne sommes pas armés comme certains le prétendent. D’ailleurs, nous sommes prêts à accepter toutes les solutions que nous proposeront les secteurs concernés et l’administration. Quant à la hogra, la politique de deux poids deux mesures et la part du lion pour un seul village c’est fini», clament les villagois d’Iguefilen.

les premières résolutions prises par la wilaya

Le jour même, alors que les élus de l’APW étaient sur le terrain, le secrétaire général de la wilaya, M. Tibourtine Abdenacer, a tenu une réunion avec les représentants des villageois concernés (Azrou, Iguefilen, Taghzout), le P/APC d’Illilten, le directeur de l’hydraulique, M. Hameg, et le directeur de l’Algérienne des eaux, M. Berzoug. A signaler que le comité de village de Tifilkout était absent. Ledit comité a d’ailleurs été dissous la veille lors d’une assemblée générale des villageois (une copie du PV nous a été remise). Après débat, il a été convenu de rétablir l’ancienne répartition comme solution urgente et immédiate. Ensuite, un bureau d’étude sera désigné pour établir toute les variantes et solutions possibles pour garantir une distribution équitable à l’ensemble des villageois. Le service de l’hydraulique et celui de l’Algérienne des eaux se chargeront de l’application des nouvelles mesures et s’occuperont de la gestion de l’eau au niveau de la commune d’Illilten. Il est à rappeler que le secrétaire général de la wilaya s’est rendu par deux fois à Illilten pour tenter de désamorcer la crise.

APC et daïra fermées par les villageois de Tifilkout

Pour protester contre la pénurie de l’eau qui sévit dans leur village, les villageois de Tifilkout ont procédé alors à la fermeture des sièges d’APC et de daïra pendant trois jours. Le premier magistrat de la wilaya a alors dépêché les forces de l’ordre pour rouvrir les deux sièges fermés. Ce fut chose faite sans trop de dégâts. Un représentant des villageois de Tifilkout que nous avons joint au téléphone avait indiqué : «Nous avons, en effet, fermé les sièges de daïra et de la mairie pour réclamer l’application de la décision du wali. La décision d’envoyer les forces de l’ordre a été prise et des escarmouches ont eu lieu. C’est de cette manière que les sièges de l’APC et de daïra ont été rouverts. Nous avons préféré observer une halte pour, d’une part, donner l’occasion aux esprits de se refroidir et, d’une autre part, donner l’occasion au dialogue». Une délégation des villageois a été désignée pour reprendre le contact avec les autorités compétentes en vue d’une solution globale et pacifique. A présent, c’est le retour à la case départ, puisque trois mois après, aucune solution définitive n’est encore trouvée. Le sit-in d’hier, organisé par les villageois d’Azrou et d’Iguefilen pour réclamer la relance des travaux entamés et par là la concrétisation des engagements pris, devrait inciter les autorités à prendre le taureau par les cornes en vue d’une solution globale et équitable à l’ensemble des villages en conflit. Sur les lieux de la protestation, un des villageois rappelle: «Ce problème remonte à des décennies et revient à chaque saison estivale. Nous demandons à l’état d’intervenir pour en finir définitivement avec ce problème». Signalons qu’une délégation des représentants des villageois devait rencontrer le wali et lui remettre un courrier à travers lequel les villages plaident leur cause.

Hocine T.

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