«Il faut de la performance dans les polycliniques»

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Le directeur de la santé et de la population de la wilaya de Tizi-Ouzou, M. Bouda Abdenacer, parle dans cet entretien de plusieurs points concernant son secteur.

La Dépêche de Kabylie: Pouvez-vous nous faire un état des lieux de votre secteur ?

M. Bouda Abdenacer : La wilaya de Tizi-Ouzou est une wilaya un peu particulière, avec un relief montagneux et beaucoup de villages; Des villages qui se situent dans la plupart des cas dans des zones enclavées et qui sont assez dispersés. Mais ce qui est vrai aussi et encourageant, c’est qu’il y a un réseau routier qui permet de circuler. Et donc, partant de ce principe, les services de santé doivent s’adapter à la géographie de la wilaya pour être présents, un tant soit peu, le plus près possible des citoyens. Le dispositif est connu : Il y a plus de 250 salles de soins actuellement, plus de 56 polycliniques dont 26 qui assurent la garde en H24, 8 EPSP (Établissement public de santé de proximité), 7 EPH (Établissement public hospitalier) : Azazga, Larbâa Nath Irathen, Aïn El Hammam, Boghni, Draâ El-Mizan, Tigzirt et Azeffoun, trois EHS (Etablissement hospitalier spécialisé) de Draâ Ben Khedda spécialisés dans la pédiatrie, l’EHS à vocation régional de psychiatrie de Oued Aïssi et l’EHS de Sbihi à Tizi-Ouzou qui est spécialisé dans la mère et l’enfant. Il y a aussi, bien sûr, le CHU de Tizi-Ouzou qui est la base arrière en matière de soins spécialisés et de prises en charge spécialisées. Voilà le dispositif existant.

Cela vous parait suffisant ?

Je pense qu’en matière d’infrastructures, le dispositif est suffisant. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas de nouveaux hôpitaux, il faut de nouveaux hôpitaux. Nous avons l’hôpital des Ouadhias, en cours de réalisation, qui est très important. Il prendra en charge la population qui est en hameau. Il y a d’autres hôpitaux qui sont inscrits et qui sont en étude, à l’image de l’hôpital de Mekla, l’hôpital Maâtkas, l’hôpital d’Ouaguenoun et l’hôpital d’Ouacifs qui peuvent servir dans les quatre spécialités et qui peuvent représenter, pour nous, une structure hospitalière de soins de proximité spécialisés. On espère qu’à partir de l’année 2017, les choses vont s’améliorer et qu’on verra la réalisation d’un ou deux hôpitaux. Nous avons aussi trois polycliniques en cours de réalisation, à savoir celle de Redjaouna, la polyclinique de Tamda, avec le pôle universitaire qui est aussi très important, et celle de Mekla, alors que celle de Draâ El-Mizan sera réceptionnée en 2017. Non seulement ces réalisations vont désengorger les hôpitaux, mais elles reflètent aussi la nouvelle politique du ministère de la Santé qui est axée, actuellement, sur la proximité outre que les soins classiques qui doivent exister dans les polycliniques, à savoir la consultation de la médecine générale, la chirurgie dentaire, la vaccination, le laboratoire, la radio… Il y a deux points qui s’ajouteront dans la nouvelle stratégie du ministère de la Santé à savoir les consultations spécialisées et d’ériger certaines polycliniques en points de garde (Urgence médicale chirurgicale) pour pouvoir mettre de la performance sur le plan médical bien sûr et du coup désengorger, un tant soit peu, les pavillons des urgences des hôpitaux où la surcharge crée des énervements chez les citoyens qui se répercutent négativement sur les relations et parfois nous avions des incidents que nous déplorons qui allaient jusqu’aux agressions. En été nous avions un point de garde au niveau de la polyclinique de Tigzirt ce qui a soulagé un peu l’hôpital de Tigzrit. Nous avons mis en service aussi une garde de gynéco-obstétrique. De l’autre côté Il y a bien sûr l’hôpital d’Azeffoun avec ses plusieurs spécialités et la polyclinique qui fonctionne en H24. Mais l’axe le plus important pour nous est de rapprocher, le plus possible, les soins primaires aux citoyens, ainsi que les soins spécialisés par le biais d’externalisation des consultations spécialisées. Donc, nous allons vers les communes où il n’y a pas d’hôpital, sans oublier l’axe de prévention qui est aussi primordial dans le programme du ministère de la Santé publique, à commencer par le programme de santé scolaire qui est très important et qui représente à peu près 25% de la population. Il y a le programme de suivi de grossesses avec tout ce qui est inhérent, et ça touche à peu près 22% de la population. Le troisième volet, c’est de rapprocher le plus possible les consultations générales.

Le constat que vous faites vous satisfait-il sur la situation présente du secteur ?

Honnêtement non. Mais nous avançons progressivement. Nous avons, dans ce contexte, un souci majeur qui est celui de la ressource humaine dans certaines spécialités paramédicales. Je citerai par exemple les techniciens radios qui ne sont pas nombreux, les sages-femmes, aussi, leur nombre ne répond pas au besoin du dispositif, l’impact du cursus des paramédicaux qui est passé de trois à quatre années dans ce nouveau système LMD, des départs à la retraite. Ce manque sera corrigé en principe, puisque nous avons ouvert de nouvelles formations qui seront enclenchées très rapidement.

Il y a des situations qui urgent quand-même…

Nous sommes en train d’affecter plus de 200 agents qui vont couvrir, ne serait-ce que les petites unités de soins dans les villages. Nous sommes aussi sur le point d’affecter 120 paramédicaux, tous grades confondus, au niveau de nos structures pour pouvoir faire face à la demande qui s’accroit du jour en jour. Donc, le dispositif est mis en place et les besoins sont cernés d’une manière très précise. Il y a lieu de signaler, également, au niveau du secteur, ces nombreuses structures délabrées et quelques polycliniques qui ne répondent pas aux normes, il faut le dire et que les gens le sache. Et pour cela, nous avions initié une démarche avec Monsieur le ministre et Monsieur le wali pour qu’on ait, exceptionnellement pour 2017, au moins deux opérations : une opération de réhabilitation des structures de soins. Donc, nous avons ciblé un certain nombre de structures qu’on essaye de moderniser, faire un lifting et donner un nouveau look. Il y a aussi l’hôpital d’Azazga qui est hautement stratégique pour nous dans le dispositif, après le CHU de Tizi-Ouzou.

Qu’en est-il du problème d’Ouacif ?

C’est une situation déplorable qu’avait connue la wilaya, parce que c’est un établissement qui prend en charge une population de 150 000 habitants et qui s’est trouvé pratiquement, bloqué. Heureusement, nous avions pu débloquer cette situation du fameux directeur, fin juin 2016, dans la mesure où, personnellement, j’assure la direction de cet établissement. Nous avons, quand même, rappeler tout le monde et trouver les solutions nécessaires pour que l’ensemble des travailleurs de l’EPSP, tous syndicats et tendances confondus, puissent travailler dans un climat de sérénité. Nous sommes arrivés à régler les problèmes financiers, des problèmes liés au budget et d’ici la fin de l’année, tout son retard sera absorbé.

Il y a également d’autres conflits…

Nous avons connu trois types de conflits. Le premier c’est un conflit syndico-syndical qui était circonscrit au niveau de l’EPSP d’Ouacif, où une partie demandait le départ du directeur et une autre partie demandait son maintien. C’est un conflit très dur qui s’est soldé par la fermeture de l’établissement. Le conflit a duré pratiquement 6 mois. Le deuxième conflit que nous avions connu c’était avec l’union de wilaya de l’UGTA, concernant les fameuses primes de contagion, les allocations familiales ainsi que les primes de scolarité. Pour cela, nous avions fait une série de réunions avec notre partenaire UGTA. Le problème de ces primes réside dans la lecture de la réglementation qui est différente entre les gestionnaires et les contrôleurs financiers. Il bute souvent à ces différentes lectures. Pour cela, l’actuel wali, M. Bouderbali, a appelé les concernés avec le SG pour faire le point de la situation. La décision finale qui a été prise c’est que le wali a adressé une lettre au directeur général du budget du ministère des Finances pour qu’il envoie une inspection, afin de trancher définitivement sur ce problème de lecture. Nos partenaires de l’UGTA ont été destinataires d’une copie de ce rapport et momentanément, je pense qu’ils ont gelé le préavis de grève en attendant l’arrivée des représentants du ministère des Finances pour trouver un consensus et clore définitivement ce dossier. Le troisième conflit, celui qui a trait à la retraite déclenchée par l’intersyndicale à vocation nationale et qui touche plusieurs secteurs.

Et le problème de la clinique Sbihi de la ville de Tizi-Ouzou…

Le problème de la clinique Sbihi est un problème d’infrastructure. Elle ne peut plus répondre aux besoins de la population. C’est un établissement de référence en matière de gynéco-obstétrique. À ce propos, nous avons décidé depuis maintenant juillet 2015, d’ouvrir de nouveaux pôles de gynéco-obstétrique. Nous avons ouvert le pôle d’Azazga avec 4 gynécologues, celui de Boghni qui travaille en jumelage avec celui de Draâ El-Mizan et il y a également le fameux pôle entre Azeffoun et Tigzirt qui prend en charge une partie de la population. J’ajouterai que la problématique se pose en matière de coordination entre ces différents pôles. À ce propos, nous avons organisé la semaine passée, une grande réunion de coordination et nous avions mis un dispositif dans ce sens.

Et qu’en est-il de ces structures, de la périphérie notamment, qui ferment à la mi-journée ?

Il y a des problèmes de discipline, je ne le cache pas, c’est déplorable. Ce sont ces actes qui font que les citoyens sont mécontents. Nous faisons des inspections avec des directeurs concernés dans nos structures pour donner des instructions. Maintenant, s’il s’agit de problème d’effectif, il sera régler incessamment. Mais s’il s’avère que le problème relève de la discipline, là il y a toute une panoplie de sanctions.

On vous laisse conclure…

Tizi-Ouzou c’est ma cinquième wilaya. Je suis très content d’être ici. Franchement, c’est une chance parce que c’est des nouvelles approches, donc c’est des nouvelles réflexions, des nouvelles stratégies, du nouveau dispositif. La wilaya a ses particularités historiques, culturelles et géographiques. Ce sont ces données fondamentales que nous devions affronter. Moi, je me félicite parce que j’ai beaucoup de contacts avec les comités de villages qui me rapportent leurs préoccupations et qu’on essaie de régler conjointement dans un climat serein et franc, bien sûr. J’espère qu’on sera à la hauteur du défi.

Entretien réalisé par Hocine Moula.

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