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AMARA BENYOUNÈS, président du MPA : "Deux défis majeurs attendent notre pays"

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Dans cet entretien accordé à Algérie 1.com, Amara Benyounès fait le bilan de l’opération de confection des candidatures au niveau de son parti. Il met également en garde contre le phénomène de l’argent sale qui a émaillé cette opération. Pour la campagne électorale, son parti a choisi un mot d’ordre : «Pour une démocratie apaisée», se référant à l’expérience violente des années 90.

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Le ministère de l’Intérieur poursuit l’examen des dossiers des candidats. Est-ce que votre parti a enregistré des rejets de dossiers ? Avez-vous déjà introduit des recours ?

Pour l’instant, nous avons fait des recours qui ont été malheureusement rejetés par les tribunaux administratifs. Par conséquent, nous serons donc absents dans trois wilayas : El Oued, Laghouat et Souk-Ahras. Pour le reste des wilayas, nous n’avons, pour l’instant, enregistré aucun rejet du ministère de l’Intérieur. De toute façon, même s’il y a rejet, nous avons encore le temps jusqu’à dimanche 19 mars à minuit (aujourd’hui, ndlr) et à partir de là le ministère de l’Intérieur arrêtera les listes définitives.

Dans le processus électoral, la confection des listes aura été une séquence redoutable pour tous les partis politiques, qui continuent d’ailleurs à en subir les répliques.Comment les choses se sont déroulées au MPA ?

Sincèrement, je dirais que les choses se sont déroulées globalement dans la sérénité. Ceci dit, dans tous les partis politiques, il y a des ambitions qui sont légitimes. Moi, j’ai toujours dit que les listes électorales sont verticales et pas horizontales : il y a un seul numéro 1, un seul numéro 2, un seul numéro 3. Il se trouve que d’aucuns pensent qu’on peut mettre les listes à l’horizontale. Il y a des frustrations, c’est tout à fait normal. Mais au MPA, les statuts sont extrêmement clairs. D’abord, le président du parti ne joue aucun rôle dans la confection des listes. Il y a une commission nationale qui est installée, cette commission a installé à son tour ses démembrements au niveau des wilayas et ce sont, in fine, ces commissions qui ont rassemblé les candidatures avant de les transmettre à la commission nationale pour validation. Nous n’avons pratiquement enregistré aucun problème dans une aucune wilaya. Bien sûr, je le répète encore, il y a des frustrations chez des gens qui se sont sentis lésés, mais c’est un travail fait par les commissions des wilayas. En tous cas, toutes les candidatures ont été confirmées au niveau national.

Pourtant, il y a, s’agissant de votre parti, le cas du maire d’Alger qui a fait du bruit dans les médias…

Il s’est passé quelque chose d’incroyable par rapport à un certain nombre de nos médias. Certains ont fait état de la démission du coordinateur de la wilaya d’Alger. Le lendemain, ce même coordinateur de la wilaya d’Alger fait une conférence de presse dans laquelle il a démenti sa démission, mais ces mêmes médias n’ont même pas daigné rapporter ses propos. Et là vous me donnez l’occasion de dire à mes amis de la presse, il faut savoir raison garder. Il n’y a pas de démocratie sans presse libre, mais je répète toujours, notamment à nos jeunes journalistes, le principe fondamental dans l’exercice de la presse : Si les commentaires sont libres, les faits sont sacrés. Il ne faut pas qu’ils jouent avec les faits, ils doivent les rapporter avec objectivité, libre à eux ensuite d’apporter les commentaires qu’ils veulent. La différence entre un parti démocratique et un parti dictatorial, c’est que dans un parti démocratique on discute, on débat, car on n’est pas forcément d’accord sur tout. L’essentiel est qu’en dernier ressort la majorité tranche de manière démocratique. Dans toutes les wilayas, il y a eu des débats et c’est normal, parce qu’il y a des ambitions qui s’expriment, ces ambitions sont légitimes, chacun se voit tête de liste, c’est une évidence. Mais le parti doit trancher et il faut que les gens restent solidaires de la décision du parti, à la condition que cette décision soit démocratique. Et chez nous, je le répète, quand on voit ce qui s’est passé dans certains partis politiques, je peux dire que nous sommes l’un des partis où les choses se sont passées le plus sereinement du monde.

Bien que votre parti n’ait que cinq ans d’âge, vous êtes quasiment présent dans toutes les circonscriptions !

Le MPA est effectivement présent dans la quasi-totalité des circonscriptions électorales. Il y a une loi électorale nouvelle qui dit que pour être candidat dans une wilaya, soit il faut avoir 4% des suffrages lors des dernières législatives, soit avoir dix élus. Avec cette loi, le MPA était dès le départ présent dans 39 wilayas sur 48, où nous n’avions pas eu recours aux signatures. Sauf dans 9 wilayas. En fait, au MPA, nous avons gagné notre présence dans la quasi-totalité des circonscriptions, non pas en 2017, mais en 2012, parce que nous avons 1 600 élus répartis sur 42 wilayas. C’est ici que réside la force au MPA. Les gens oublient qu’il est arrivé troisième force politique lors des élections locales de 2012.

La phase de collecte des signatures à encore mis en lumière le phénomène de l’achat des voix, l’achat des positions sur les listes des partis. Est-ce que cela n’est pas de nature à conforter les soupçons de ceux qui parlent déjà de fraude annoncée ?

Vous le savez vous les journalistes, nous les hommes politiques : il y a eu de l’argent sale dans cette précampagne de confection des listes. Même le président de la HIISE a reconnu que quelques personnes ont été arrêtées la main dans le sac. Au niveau des médias et des réseaux sociaux, le phénomène a pris de l’ampleur. Mais le ministère de l’Intérieur n’a parlé que de trois personnes arrêtées, déférées devant la justice et je crois même incarcérées. Il faut néanmoins convenir qu’il y a moins d’argent sale qu’en 2012, parce qu’il y a moins de listes électorales, à cause de la nouvelle loi qui a réduit le nombre de partis politiques. Cela étant, l’argent sale est l’une des menaces qui pèsent sur le processus électoral en Algérie. Pas uniquement pour le scrutin du 4 mai, mais pour ceux à venir. Il faut absolument que les autorités fassent extrêmement attention à l’intrusion de cet argent dans la sphère politique, d’autant plus que cet argent vient généralement du secteur informel. Tout le monde connait la tendance politique qui est présente dans ce secteur. S’il n’y a pas d’intervention forte de la part des pouvoirs publics, avec des sanctions exemplaires, nous risquons peut être, dans les prochains scrutins, dans dix, quinze ou vingt ans, de voir les porteurs de l’argent sale imposer leurs candidatures, leurs députés et pourquoi pas un jour nous imposer un président de la République.

Ce qui vient de se passer n’est-il pas de nature à accentuer aussi la défiance du citoyen, à renforcer le parti des abstentionnistes, au moment où tout le monde appelle à un vote massif ?

Moi, je dis que le plus grand défi de ces élections c’est le taux de participation. Plus les Algériens participeront, plus nos députés seront crédibles. Et plus nos députés seront crédibles, plus le parlement et le gouvernement qui en sortira le seront aussi. Plus le gouvernement est crédible, moins il aura de difficultés à faire des réformes. Parce qu’il y a des réformes importantes qui nous attendent. Des réformes économiques qui seront difficiles, voire douloureuses. Par contre, si nous avons un taux d’abstention important, la légitimité et la représentativité seront moindres. Cela posera, à l’évidence, des problèmes. Pour revenir à votre question, je dirai qu’effectivement, l’intrusion de l’argent sale dans la politique crée un désarroi chez la population. Ce qui risque de pousser une partie de la population, notamment les jeunes, principaux présents sur les réseaux sociaux, à bouder les urnes. Mais au même temps, je dis à ces jeunes, celui qui veut le changement, il ne peut l’imposer que par l’urne. Celui qui veut que le pouvoir actuel reste, il ne peut l’imposer que par l’urne. L’ère de la violence et des coups d’État est complètement dépassée. Il faut que les Algériens comprennent que la démocratie passe par l’urne, il n’y a pas d’autres choix, d’autres voie que d’aller voter.

La campagne électorale débutera le 9 avril. Quel sera le principal message du MPA ? Quels seront les éléments de langage de vos candidats ?

Notre slogan c’est «Pour une démocratie apaisée». Pourquoi ? De notre point de vue, pas de solution sans démocratie. La démocratie c’est la solution pour le pays, mais au même temps, il faut une démocratie apaisée et non celle de la violence. Nous avons vu ce que la rue algérienne avait donné dans les années 90. Il faut donc aller vers une démocratie apaisée et que chacun de nous se sente responsable de ses actes. De mon point de vue, il y a deux défis majeurs qui attendent notre pays. Un défi sécuritaire d’abord. Quand on observe tout ce qui se passe autour de l’Algérie, il faut bien admettre que les solutions ne dépendent pas exclusivement de l’Algérie. Elles dépendent aussi d’un certain nombre de pays, notamment la Libye, le Mali et la Tunisie. La solution ne nous appartient pas uniquement, elle est aussi à nos frontières. C’est le premier défi, car si l’Algérie s’écroule sur le plan sécuritaire, il n’y a plus de politique, plus de démocratie et plus d’économie. Justement, le deuxième défi est économique. Je m’explique : Il faut que l’Algérie entame des réformes urgentes, des réformes structurelles pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures.

En parlant de ces réformes, pensez-vous que le gouvernement est sur la bonne voie, dans le bon tempo ?

Il faut rappeler deux choses fondamentales : le danger qui menace notre pays, c’est la jonction entre la crise sécuritaire et la crise économique. Sur le plan sécuritaire, notre armée est en train de payer un prix extrêmement lourd pour protéger le pays et sauvegarder la sécurité des Algériens. Sur le plan économique, je le dis et je le répète, nous sommes solidaires du Gouvernement. Le MPA soutient le gouvernement. La majorité des ministres sont de très bons amis avec qui j’ai travaillé pendant trois ans. Le gouvernement a fait beaucoup de choses ces quatre dernières années. Mais il y a encore d’autres choses à faire. Moi, je dis toujours que les choses qui vont bien sont évidentes, on n’en parle pas. Il faut parler des choses qui vont moins bien pour pouvoir les corriger. D’ailleurs, même le président de la République n’est pas satisfait. Le Premier ministre aussi. Tout le monde est aujourd’hui conscient de la nécessité d’aller aux réformes, mais il faut commencer. Si on prend par exemple le secteur du foncier, le CAPIREF a été supprimé, des facilitations accordées, mais des blocages persistent. Le secteur bancaire a besoin aussi de réformes structurelles urgentes. L’informel est toujours là il est devenu le cancer de notre économie. Ceci dit, dans toutes les économies du monde, il existe l’informel, mais en Algérie il atteint un seuil où il est devenu extrêmement dangereux, même sur le plan politique. Donc, il faut des mesures économiques pour attirer l’informel vers le formel. Moi, je le dis toujours, il ne doit pas y avoir de réponses administratives à des problèmes économiques. Si les Algériens sont passés dans l’informel, c’est qu’il y a des raisons économiques qui les y ont poussés. Avec des avantages économiques, nous pouvons les attirer vers le secteur formel. Mais que les choses soient claires : si on accorde ces avantages et qu’une partie ne marche pas, il faut que la loi s’applique.

Le défi du prochain gouvernement c’est de mener les réformes en question. Le MPA fera-t-il partie d’un gouvernement d’union nationale?

Moi je n’aime pas le terme d’union nationale, car on parle d’union nationale quand il y a une crise politique majeure dans un pays dont il faut rassembler les différentes sensibilités pour sortir de la crise. Tout le monde le dit aujourd’hui, aucun parti ne sortira seul majoritaire des élections du 4 mai. La nouvelle Constitution est claire : le Premier ministre issu de la majorité sera chargé de consulter les partis politiques qui défendent le programme du Président pour pouvoir constituer sa majorité parlementaire. Juste après les résultats, il y aura des discussions entre les partis surtout si c’est la majorité présidentielle qui gagne pour constituer un gouvernement d’alliance.

Entretien réalisé par Nabil Semyane.

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