«Le tourisme ne doit pas être réduit à une économie alternative»

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Dans ce court entretien, l’économiste Kamal Zeggane parle du secteur du tourisme et de la stratégie adoptée.

La Dépêche de Kabylie : Pourquoi, selon vous, l’Algérie peine à se lancer dans le tourisme ?

Kamal Zeggane : D’abord, il faut situer la problématique dans la stratégie adoptée par l’Etat pour lancer et développer le secteur du tourisme. Je peux dire que globalement, il n’existe aucune stratégie précise pour ce secteur, car l’Algérie est et demeure une économie rentière. Le tourisme est donc inclus, comme certains autres secteurs générateurs de richesses, dans le cadre d’une stratégie alternative à d’éventuelles failles ou difficultés financières que la baisse des recettes d’hydrocarbures peut en générer. La tare du secteur est donc qu’il soit toujours considéré comme une économie altérative et non pas comme un secteur à part entière générateur de richesses. Sur le plan pratique, cette stratégie ne peut pas réussir, d’autant que l’État ne met pas de moyens suffisants pour développer le secteur. Mieux, dès que les recettes pétrolières reprennent la courbe ascendante, l’Etat néglige le tourisme. Voilà pourquoi nous avons l’impression que nous tourbillonnons sans cesse dans cette spirale à recommencement. Mais l’Etat n’est pas le seul responsable. Car sur l’aspect social, qui n’est pas des moindres dans le développement du tourisme, la société algérienne est peu ou pas du tout encline à vivre au milieu des touristes. Le rejet de l’étranger est toujours vivace dans le psychisme de l’Algérien, ce qui n’est pas sans incidences sur le secteur. C’est regrettable de constater que l’Algérien n’accepte jamais de servir les autres. La défaillance du secteur n’incombe donc pas à l’Etat à lui seul, mais elle est générale et se situe à toutes les échelles de la société. Dès lors, il est essentiel de définir une stratégie intersectorielle et conjuguer les efforts avec tous les pans de la société.

Quelle stratégie adopter donc pour pouvoir lancer le secteur ?

Il est vrai que des potentialités physiques et naturelles existent, mais la volonté politique n’y est pas pour définir une stratégie claire. D’ailleurs, faut-il développer le tourisme de masse en direction des nationaux ou il faut cibler les étrangers ? Avant de définir cela, il est primordial de définir la stratégie d’une façon scientifique, technique, sociale et culturelle. Sans cela, aucun plan ne réussira. Depuis l’adoption de la transition vers l’économie du marché, l’Etat donne de plus en plus de chance à l’entreprenariat privé, mais celui-ci est confronté à plusieurs intervenants qu’ils soient des administrations centrales et/ou locales, en plus d’autres considérations socioculturelles et environnementales. Ajouté à cela, le manque, ou parfois l’absence du savoir-faire, car il ne suffit pas d’injecter de l’argent pour construire un hôtel ou un complexe si on ne maîtrise pas les techniques d’accueil et les méandres de l’hôtellerie. Il y a aussi et surtout beaucoup à faire dans l’aménagement du territoire. Certes, il y a eu des ZET, mais cela se heurte à la question de l’environnement à prendre en compte. L’Etat qui a laissé faire le privé, sans dresser les contours d’une véritable stratégie, a contribué, d’une façon ou d’une autre, à l’instauration d’une anarchie.

Propos recueillis par M.A.T

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