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Exclusif Andrew Noble, ambassadeur de Grande-Bretagne : «Voilà pourquoi j’ai mis du temps pour venir en Kabylie»

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Son excellence Andrew Noble, ambassadeur de Grande-Bretagne, nous a rendu visite, avant-hier, à notre bureau de Tizi-Ouzou, en marge de sa visite en Kabylie. L’occasion de nous accorder cet entretien exclusif où il fait le point sur son déplacement dans la région.

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La Dépêche de Kabylie : Vous êtes en visite en Kabylie, comment l’idée vous est venue de faire ce déplacement ? Andrew Noble : Dans ma vie quotidienne, je suis accompagné de gens de Kabylie (Il fait référence aux employés kabyles à l’ambassade de Grande-Bretagne ndlr), mais jusqu’au mois d’avril passé, le gouvernement britannique nous conseillait d’éviter les voyages en grande Kabylie. Ça ne me paraissait pas raisonnable, d’après ce que je connais, moi, de la situation et ce depuis mon arrivée en juin 2014. Après un processus d’un an, on a réussi à revoir cette restriction. Donc, depuis le mois d’avril, je voulais venir à Tizi-Ouzou pour démontrer moi-même que cette restriction ne devait plus exister, afin de relancer une possibilité de relations plus étroites entre mon ambassade et cette wilaya très importante. J’ai d’ailleurs vite fait une visite privée à Béjaïa pour l’occasion de la fête de Pâque. Mais, malheureusement, pour Tizi-Ouzou, ça m’a pris plus de temps, mais je suis là aujourd’hui. Et j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs personnalités de la région dont le recteur de l’université, le wali et le président de la chambre de commerce. Et avec cette visite à votre journal, sincèrement, je suis impatient de revenir. Avec le contact, on a la possibilité de mieux se comprendre et nouer des liens. Je vais parler à mes collègues et à la communauté diplomatique à l’ambassade pour concrétiser ce souhait. Je crois que c’est la première fois qu’un ambassadeur britannique visite de nouveau Tizi-Ouzou, depuis 2005.

Vous avez rencontré le wali en premier. Peut-on avoir un aperçu sur les contours de la discussion que vous avez partagée ?

C’était plutôt sur les grandes lignes de la politique algérienne. J’ai eu l’occasion de parler à un homme très aimable. On a aussi parlé de la mission du wali. On ne s’est pas référés spécialement à Tizi-Ouzou, mais à sa vaste expérience à travers le pays. Donc, c’était sur les mécanismes de gouvernement qu’autre chose. On a parlé de la région aussi, de la population de Tizi-Ouzou, des défis qu’il compte atteindre. Il y a eu aussi la situation économique dans le débat, des éléments du plan d’action du gouvernement qui me paraissaient aussi intéressants…

Et le développement économique local et peut-être d’éventuels investissements britanniques dans la région ?

Ce sujet a été plutôt abordé avec les responsables de la chambre de commerce. On a eu des échanges très intéressants avec quelques chefs d’entreprises également. Je vais nouer des contacts pour quelques-uns d’entre eux. J’ai même invité des membres de la chambre de commerce, qui sont impliqués dans le secteur des hydrocarbures, à m’écrire pour assister à une réception que je tiens dimanche prochain avec un groupe d’Ecossais, pour discuter des possibilités de coopération. On a parlé de la différence entre nos deux économies. Les gens qui ne connaissent pas mon pays doivent savoir que le secteur étatique n’existe presque pas chez nous dans le domaine économique. Coopérer ou coopération, ce sont des termes qui n’existent pas dans le lexique des entreprises britanniques. Les entreprises n’existent pas pour coopérer, elles ont la responsabilité de réaliser le meilleur bénéfice avec l’investissement qu’elles consentent. Je dis ça parce que je considère que c’est important d’expliquer les difficultés pour mieux se préparer et éviter les déceptions. On a parlé aussi de la langue anglaise. Mais là j’avoue que je n’ai pas tous les éléments de réponse pour expliquer pourquoi le chantier, me dit-on, n’avance pas. On a plaidé pour moi de l’importance de cette langue en Algérie. Me concernant, j’ai répondu qu’en tant qu’ambassadeur, mon rôle n’est pas de faire la promotion de l’anglais chez vous. Mais j’ai compris que c’est quelque chose d’important pour le gouvernement algérien. Le Président Bouteflika et notre Premier ministre, en 2013, étaient d’accords pour soutenir les efforts du ministère de l’Education nationale dans ce sens. Le plus important c’est que les Algériens prennent cette initiative, parce qu’il y a beaucoup de jeunes algériens qui progressent rapidement en anglais. Ils le font en dépit du nombre réduit d’heures dispensées en cette langue dans les écoles d’après ce qu’on m’a dit. En tout cas, ce ne sont pas les ressources qui manquent pour apprendre cette langue, même sur des initiatives individuelles, sur internet, tout le monde peut accéder à son enseignement et gratuitement. Ce sont des avantages qu’a cette génération que nous, nous n’avions pas quand nous avons commencé l’apprentissage de nos premières langues étrangères.

Vous avez aussi eu une discussion avec le recteur de l’université…

Avec le recteur, on a surtout parlé de la langue anglaise justement. J’ai fait la connaissance de trois jeunes étudiants qui parlent un anglais magnifique, une étudiante va d’ailleurs faire un stage d’un an en Angleterre pour son doctorat. Voilà un exemple de l’initiative du gouvernement algérien qui a offert, si mes chiffres sont bons, l’occasion à 500 jeunes de faire leut doctorat en Angleterre. C’est le genre de chose qu’on doit faire. Moi personnellement je plaide pour des embauches au sein des entreprises, des écoles et des universités. Je pense que s’il y avait, à titre d’exemple, une politique d’embauche de professeurs d’anglais, cela pourrait relancer et concrétiser le progrès.

La communauté estudiantine algérienne en Angleterre est estimée à combien ?

Je pense qu’il n’y en a pas beaucoup. Le concours d’accès est très difficile et trop relevé pour avoir les places. Mais franchement, je n’ai pas le nombre exact en tête.

Qu’en est-il de la communauté algérienne installée là-bas ?

Je ne connais pas exactement les statistiques actualisées, mais ça tourne autour d’une moyenne de 40 000 à 50 000 sujets. Il y a cependant des Algériens célèbres chez nous, comme Riad Mahrez et son camarade Slimani à Leicester.

Concrètement, quel sens peut-on attribuer à votre visite en Kabylie ?

Il est vrai qu’à l’origine c’était plus une visite d’inspection, de visite et de curiosité pour voir les choses sur le terrain et rompre un peu avec les clichés qui nous parviennent dans nos bureaux à la capitale, mais je tiens à préciser qu’avec la chambre de commerce, on a tout de même commencé à donner un contexte à notre discussion. On a relevé surtout la méconnaissance de l’Algérie et l’absence de tourisme dans ce pays. Le tourisme fait la réputation des pays. Pour l’anecdote, quand je me présente, je dis ambassadeur d’Algeria, on me dit tout de suite : Nigeria ? Car ils ne connaissent pas votre pays. L’Algérie est un des pays les plus méconnus. Seulement, il faut dire que cette méconnaissance n’a pas de raison d’être, elle n’est pas fiable ou justifiable. On aurait même pu dire et vulgariser un slogan du genre «l’Algérie est la capitale non européenne la plus proche de l’Angleterre». Il y a des préjugés qui ne sont pas du tout en conformité avec les faits. Il y a juste à savoir, par exemple, que l’Algérie est le pays africain avec la plus haute position sur le registre du développement humain du PNEUD. Même si on veut jouer avec l’idée qu’on entend dans les médias étrangers disant que l’Algérie c’est le pays de la bureaucratie, rien ne marche… Mais comment est-ce que l’Algérie a pu réussir à être à la tête de cette liste en Afrique si ce qui se dit était vrai ? Je crois que la population algérienne n’est pas tout à fait consciente du progrès qui a été fait en comparaison avec d’autres pays. J’attire l’attention des hommes d’affaires, pour leur dire que leurs préjugés et leur méconnaissance de ce pays en disent plus à leur sujet que sur l’Algérie. Ils devraient venir discuter des possibilités d’investissement dans ce pays.

Mis à part dans les hydrocarbures, y a-t-il d’autres investissements anglais en Algérie ?

Il est vrai que mis à part le pétrole, ça ne va pas fort dans l’économie algérienne. Jusque-là c’est le secteur dominant dans l’économie algérienne. Je travaille avec cinq entreprises britanniques, en ce moment, avec le gouvernement algérien, sur des plans d’investissements importants en Algérie pour la création de l’emploi dans la distribution, dans l’agriculture, la technologie, la production pharmaceutique et cosmétique.

Des projets peut-être pour la Kabylie ?

Il y avait ce problème de nos conseillers de sécurité jusqu’ici, mais c’est justement la raison de ma venue, pour dire que c’est terminé avec l’insécurité en Kabylie. Je ne suis que le représentant de mon gouvernement, mais je tenais à venir pour être assuré de ce que je vais plaider.

C’est votre conclusion sur cette visite ?

Ah oui. Et il était temps. Vous savez, tout à l’heure, j’ai vu dans le livre d’or de la chambre de commerce que la dernière visite d’un ambassadeur britannique à Tizi-Ouzou remonte à 2005. J’aimerais que le prochain qui signera sur ce même livre soit mon successeur qui arrive en novembre. Il me semble qu’il y a des possibilités ici. Je ne pouvais sans doute pas tout comprendre en une journée, mais c’est un début. J’aurais aimé assurer la continuité personnellement, mais ça ne pourra pas être le cas. Mais, quel que soit le prochain à ma place, sachez que c’est important pour mon ambassade d’intégrer la Kabyle dans le travail que nous faisons avec toute l’Algérie. D’ailleurs, c’est ici que j’ai déjà acheté mon cadeau de Noël pour ma femme.

Ah bon ? Et c’est quoi ? Promis, on ne dira rien ! (Rire !)

C’est la main de Fatima faite avec du corail et des dessins berbères. Une pièce moderne. J’aime beaucoup et j’espère que ma femme aimera aussi. Enfin, on verra à Noël.

Vous saisissez la signification de cette main ?

Les cinq préceptes de l’Islam et ça chasse le mauvais œil aussi paraît-il. Vous savez, il y a beaucoup de ces dessins et motifs berbères en Angleterre. Je crois que cette main de Fatima est le meilleur cadeau de Noël que j’ai acheté depuis des années à ma femme. Mais attendons le verdict de madame en décembre.

Entretien réalisé par Djaffar Chilab.

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