«S’unir autour des valeurs et des idées»

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En finir avec la légitimité historique, appel à un plus large rassemblement démocratique, meilleure concertation avec les partenaires sociaux, trancher avec la politique socialiste, élever le débat politique et bannir l’insulte… Telles sont, entre autres, les grandes options prônées par Amara Benyounès, président du MPA.

Le premier responsable du Mouvement Populaire Algérien a réitéré les positions de sa formation politique, avant-hier, sur Berbère TV. Mettant plus l’accent sur l’urgence économique, Amara Benyounès a insisté sur la nécessité de rompre avec le discours démagogique et d’affronter la réalité : «L’épanouissement ou le développement de l’économie nationale ne peut être dans le socialisme. Ce modèle a échoué en Chine, a échoué en Europe, a échoué aux États-Unis, comment voulez-vous persister à y voir une alternative chez nous en voyant où nous en sommes après tant d’années de cette gestion justement ?», s’est-il interrogé. Et d’appuyer encore ses propos en soutenant que «la Chine est devenue ces dernières années la première ou deuxième puissance mondiale (ça se discute entre elle et les États-Unis) après avoir rompu définitivement avec le socialisme. Au jour d’aujourd’hui, toutes les entreprises chinoises fonctionnent sur le modèle de l’économie de marché et cela j’ai eu à le vérifier personnellement lors de mes différentes visites dans ce pays où j’ai même eu à effectuer une visite d’Etat en compagnie du Premier ministre de l’époque. Prenez l’exemple du Vietnam, ce pays est en train d’émerger également depuis qu’il a abandonné le socialisme. L’Union Soviétique a disparu, le mur de Berlin est tombé, tous les pays socialistes d’Europe ont abandonné l’idée de l’économie socialiste et se sont mis à l’économie de marché. Entre le socialisme libéral et le libéralisme social, il n’y a plus de différence. Ceci dit, quand j’insiste sur la nécessité d’aller vers l’économie de marché en Algérie, c’est bien sûr avec toujours le principe d’une justice sociale en parallèle. Le principe du MPA pour résumer bien les choses, c’est efficacité économique et justice sociale. Et l’efficacité économique est une rentabilité qu’on peut atteindre avec l’économie de marché et non socialiste», soulignera Amara Benyounès.

Il enchainera : «Parler aujourd’hui de suppression de la grève dans certains secteurs, comme l’éducation, franchement, je suis désolé de le dire ainsi, mais c’est là un reflexe du temps du parti unique. La tutelle doit discuter avec le partenaire social, la base de la démocratie c’est le dialogue et le dialogue social est fondamental. Il faut instaurer cette culture de discussion entre les autorités et les syndicats et c’est tout à fait normal qu’il y ait des différends parfois. J’entends par-ci et par-là que certaines grèves sont illégitimes, on peut même dire illégales, mais quand un syndicat parvient à bloquer tout un secteur pendant des mois, c’est qu’il y a urgence. C’est pour ça que je dis que les syndicats se doivent d’avoir un minimum de responsabilité et la tutelle se doit d’être à l’écoute et ouverte au dialogue. Car qu’on le veuille ou non, la grève est un droit constitutionnel».

«Efficacité économique et justice sociale»

Interpellé sur la légitimité historique dont se prévalent encore certains sur la scène politique nationale, sans citer de nom, la réplique d’Amara Benyounès sera sèche : «Nous sommes en 2018, soit 64 ans après le déclenchement de la guerre de libération nationale et 56 ans après l’indépendance, et il est temps qu’on sorte de la légitimité révolutionnaire et qu’on rentre dans la légitimité démocratique et populaire. De même qu’il est interdit d’utiliser les constantes nationales à des fins politiques, personne n’a le droit de s’accaparer l’histoire de la révolution algérienne. Aucun parti politique, aucune institution n’a un tel droit, nous sommes tous des enfants de Novembre, nous sommes tous des patriotes de ce pays. Il est temps donc, à mon sens, que les élections se jouent sur la base des programmes, laissons le soin au peuple de décider sur qui le gouvernera».

«Élever le débat politique et bannir l’insulte !»

D’un sujet à un autre, Amara Benyounès a aussi été appelé à évoquer l’environnement infecte qui sévit sur le web : «Ceux qui insultent, ce sont ceux qui sont à cours d’arguments. Il est vrai qu’on peut être différents et on doit s’en réjouir parfois, mais si on se mettait autour d’une table, on se rendrait vite compte que ce qui nous unit est de loin plus consistant et plus important que les détails qui nous séparent. Mais faudrait-il d’abord se réunir pour se mettre autour d’une table… Et puis, l’explosion des réseaux sociaux a franchement infesté les échanges. C’est quasiment tout le monde qui est insulté et, bizarrement, c’est comme si c’était jouissif pour certains d’insulter ou attaquer comme ça gratuitement. Le pire c’est que ça ne se limite pas aux politiques, ils ne sont pas les seuls à subir. Même le monde culturel est affecté, on a insulté Aït Menguellet, Idir, Takfarinas, Aït Ahmed, Hannachi, Saïd Sadi, moi y compris… Un vrai défouloir qui ne nous fait pas honneur. Je ne suis pas en train de dire que tous comme nous sommes on a été infaillibles, il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne commet pas d’erreurs, mais on doit s’épargner ce lynchage et voir du côté des choses qui nous unissent, c’est le plus important pour penser à un legs plus propre et plus prospère à nos enfants et à l’Algérie de demain, car il ne faut pas se dire que le courant conservateur est définitivement vaincu. Seule l’union la plus large possible des démocrates peut assurer des lendemains meilleurs et apaisés à l’Algérie». Interpellé sur l’intrusion médiatique de Naïma Salhi, Amar Benyounès soulignera le fait que, du reste, il y a eu un consensus de tous pour lui répliquer, «chose qui me réjouit d’ailleurs, en premier lieu. Mais sinon, pour ma part et franchement, si je dois placer un commentaire, je pense que l’histoire de l’individu qui est allé salir la fontaine du village pour qu’on parle de lui, lui sied». Et d’enchainer dans ce même sillage par un nouvel appel à «élever le niveau du débat politique. Je pense que nous sommes à la fin d’un cycle politique. Et il urge de mettre en place un pôle démocratique qui ne doit se faire ni autour d’un homme ni contre un homme, mais autour de valeurs et d’idées», tranchera le président du MPA.

Kaméla Haddoum.

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