Ça sent le Ramadhan avant l’heure !

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À une poignée de jours du mois de Ramadhan, le tohu-bohu s’empare des marchés hebdomadaires, notamment les étals des revendeurs d’épices, qui embaument l’aire de négoce du chef-lieu de wilaya.

Le marché de l’ex-gare routière de Bouira ne désemplit pas, ces derniers jours, et une multitude de nouveaux étals ont fait leurs apparitions devant ce marché. Des jeunes et moins jeunes proposent des bouquets garnis de persil, coriandre, céleri, menthe et autres sauges aromatiques qui s’invitent à nos souvenirs uniquement pendant le mois sacré. Un commerce plus que lucratif, à voir l’engouement des ménagères auprès de ces étals éphémères. Il faut débourser entre 25 à 50 dinars, selon la grosseur de la botte proposée et des aromates qu’elle contient. Avec un ou deux poireaux entourés de menthe, coriandre et céleri, les bottes coutent 60 dinars. Cependant, les prix paraissent plus qu’abordables pour les chalands qui font la queue pour être servis. Il faut dire qu’il est impensable de sortir du marché sans acheter ces herbes aromatiques. Toutefois, ces herbes ne suffisent pas à agrémenter la chorba de Ramadan car, pour la réussir, les épices sont de rigueur. Pas n’importe quelles épices. Là encore, la mère de famille n’achète pas n’importe quoi. «Le secret de la réussite d’une bonne chorba se trouve dans la quantité d’épices à doser judicieusement pour obtenir cette saveur particulière», affirme Fatima, une quinquagénaire qui détient, selon elle, le dosage particulier à effectuer pour que la chorba soit réussie. Elles sont nombreuses comme Fatima à sentir, humer et toucher les épices proposés sur les étals, et avec ce « flair » particulier, elles peuvent se prononcer sur leur qualité. «Ces graines de coriandre ne sont pas de cette saison», reproche-t-elle au jeune vendeur qui tente de la démentir. «Si, si Lhadja, je l’ai ramenée la semaine dernière de Tlemcen comme toutes les épices que je vends ici», ripostera le jeune marchand. La quinquagénaire n’en croyant pas un mot, laissera le jeune homme à ses gesticulations pour s’approcher d’un autre étal. Là elle trouvera des graines de coriandre de cette saison, par contre, la qualité n’est pas au rendez-vous pour la gentiane et la badiane. Ces aromates seraient, selon Fatima, extrêmement difficile à trouver sur les étals, elle entend par là qu’il est difficile de trouver des produits de qualité. «Généralement, je m’y prends d’avance pour trouver les épices parfaites. Je les fais venir d’El Bayadh, d’Oran ou de Tlemcen. Car, à l’Ouest du pays, les épices sont de qualités supérieures. Ici à Bouira, ces épices sont frelatés et mélangés avec d’autres substances inodores et insipides. La plupart du temps, d’ailleurs, ces épices que l’on trouve dans les environs ont perdu toutes leurs fraicheurs», indique Fatima.

Ruée sur les épices

Auprès des herboristeries, la qualité semble être au rendez-vous, d’après ce que l’on peut constater au niveau du Pont Sayeh, où Amar tient son échoppe. Il doit faire face à un flux incessant de ménagères venues acheter les aromates de Ramadhan. Il se fait même aider par son jeune fils qui semble s’y connaitre également dans le dosage de ces aromates. «Nos épices sont acheminées directement d’El Bayadh. Et toute l’année, nous proposons la même qualité. En plus du gout qu’elles donnent aux plats, nos épices sont naturelles, sans colorants ni conservateurs, contrairement à celles qui se vendent conditionnées dans les commerces», indique le jeune commerçant venu aider son père. Pour les mères de familles les plus puristes, pas question d’acheter des mélanges. «J’achète chaque épices individuellement, et c’est moi-même qui ferais le mélange avant de les incorporer à la chorba. Il ne faut jamais mélanger les épices avant, elles perdent de leurs saveurs et l’odeur des plats n’est plus le même», dira une cliente rencontrée sur place. Pour les prix, cette année, et pour des condiments de qualité, il a été observé une hausse sensible des tarifs, notamment pour le safran naturelle, le clou de girofle et certaines épices dont les 50 grammes se négocient autour de 1 500 dinars. Ce qui explique les tractations de quantités infimes, l’équivalent d’une cuillère à soupe, entre 200 et 500 DA. «Il faut en mettre très peu et ca suffit à assaisonner et parfumer les plats», explique une cliente, avant que Amar, le propriétaire de l’échoppe, ne l’interrompe pour préciser qu’en plus des saveurs qui se dégagent des ces épices, ces aromates procurent des bienfaits pour la santé : «Ce sont des plantes médicinales aux vertus thérapeutiques avérées. Chaque épice dispose de sa spécificité», dira-t-il en affirmant que la direction du commerce effectue régulièrement des opérations de contrôle pour vérifier la qualité des produits qu’il propose à la vente. Cette frénésie continuera tout au long du mois de Ramadhan avec un engouement sans précédant pour les épices, mais également pour les raisins secs, les pruneaux séchés, les dattes et toutes ces finesses gustatives qui constituent les mets raffinés du mois sacré.

Hafidh Bessaoudi

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