Les artisans retournent à leurs soucis

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La 10e édition du Salon national de l’artisanat qu’organise annuellement l’APW de Tizi-Ouzou, en collaboration avec la chambre de l’artisanat et des métiers, a été clôturée hier.

Les artisans ont été remerciés par l’ensemble des intervenants et des attestations de participation leur ont été remises. À rappeler que cette édition a été ouverte le 8 octobre dernier. Pendant six jours donc, une centaine d’exposants ont eu l’opportunité de proposer à la vente leurs multiples produits et d’échanger entre eux, sachant que plus de 24 wilayas ont été représentées à cet événement, qui a mis en avant 27 filières artisanales. Il s’agissait, notamment, de produits locaux, comme le bijou et la robe kabyles, le tapis, etc. et des activités artisanales, telles que la poterie, la vannerie, la sculpture sur bois et sur roche… Il a été aussi question de produits du terroir, comme l’huile d’olive, le miel et les gâteaux traditionnels, en sus d’autres produits et objets d’art d’autres wilayas. En somme, l’artisanat algérien était au rendez-vous au jardin colonel Mohand Oulhadj. À rappeler que des campagnes de sensibilisation par des organismes d’appui et d’accompagnement, tels que la CASNOS, les impôts, l’ANGEM et la DAS, ont été organisées sur le site, contrairement aux saisons précédentes lors desquelles l’on se contentait de programmer des conférences qui, faut-il le reconnaître, n’attiraient pas grand monde. Le 10e Salon a également introduit une autre nouveauté : la distribution de fiches d’évaluation aux artisans, invités à faire part de leurs remarques, leurs difficultés et leurs propositions concernant l’organisation de cet événement. A ce sujet, Mme Samia Madi, présidente de la commission agriculture et artisanat de l’APW de Tizi-Ouzou, a indiqué : «Pour avancer, il faut faire une évaluation de ce qui a été fait durant cette édition. Les avis et les idées des artisans sont les bienvenus et seront étudiés minutieusement pour prendre les mesures qui s’imposent afin d’aller de l’avant. De toutes les manières, cette édition a été une réussite, notamment du côté organisationnel, des variétés artisanales proposées et aussi de l’affluence, qui a été assez importante même si la période coïncide avec la rentrée sociale et scolaire, mais aussi avec la tenue d’une foire privée au chef-lieu de Tizi-Ouzou. Nous allons nous réunir avec les responsables concernés pour évaluer cette édition. L’année prochaine, le salon se tiendra en mai, sa période habituelle. Toutes les mesures seront prises pour faire de ce salon un événement incontournable à l’échelle nationale».

La période et les frais de location décriés

Sur place, les artisans ont différemment apprécié le salon. Certains ont évoqué les frais de location «exagérés», d’autres ont parlé de la période choisie pour la tenue de cet événement «laquelle n’est pas propice à ce genre de manifestation», tandis qu’une catégorie a profité de l’occasion pour remettre sur le tapis les problèmes dans lesquels elle patauge à longueur d’année, notamment pour trouver la matière première et produire et commercialiser le produit fini. D’après les propos recueillis sur place, il convient de reconnaître que l’artisan et l’artisanat ne sont pas au mieux de leur forme. C’est ce que relève Addad Houria, une potière de Zerouda : «Nous n’avons presque rien vendu. La période n’est pas convenable à ce genre de salon. Après le mois de Ramadhan, l’Aïd et la rentrée, les gens n’ont plus de sous à dépenser, c’est la période de disette ! Il faut aussi signaler que la foire privée, qui se tient au chef-lieu, a diminué l’affluence au salon. Les frais de location sont exagérés, et pour être franche, je ne suis pas arrivée à les récupérer. Les organisateurs doivent revoir ces frais à la baisse et nous consulter avant de lancer un tel événement». Et d’ajouter : «Personnellement, je travaille chez moi à la traditionnelle. Je n’ai ni four, ni tour et aucun espace n’est disponible à Mâatkas pour commercialiser notre production. La balle est dans le camp des autorités». Pour Aït Hedda Saliha, couturière de Maâtkas, le constat est presque identique : «Nous n’avons pas bien travaillé durant ce salon. La période est mal choisie, en plus, la tenue de la foire commerciale au centre-ville a ‘’partagé’’ le public. Ce n’est pas facile de recouvrer les 10 000 DA de location. La robe kabyle fait face à plusieurs problèmes, spécialement le manque et la cherté de la matière première. En été, nous travaillons bien, mais de septembre à février, c’est la dèche. J’aimerais pouvoir bénéficier d’un prêt pour acheter un véhicule qui me faciliterait bien la tâche. Aux organisateurs de ce salon, je demanderai de diminuer les frais de location pour nous encourager à revenir».

L’artisanat menacé de l’intérieur comme de l’extérieur

Pour Haouchine Amar, bijoutier d’Ath Yenni, la situation du bijou est dramatique : «Ce salon est mort. La période n’est pas propice et, en plus, on nous a fait payer 12 000 DA de location, c’est trop cher! Concernant les difficultés des artisans-bijoutiers, nous les avons chantées sur tous les toits, en vain. Le manque et la cherté de la matière première, le produit contrefait, l’importation des produits chinois et la concurrence déloyale sont autant de paramètres qui menacent notre patrimoine artisanal. C’est aux plus hautes autorités de l’État de décider de garder et préserver notre patrimoine. Qu’on prenne les décisions qui s’imposent, sinon Barakat la diversion ! Quand on propose le corail local à 24 millions de centimes le kilo et en plus il faut le trouver, c’est qu’il y a anguille sous roche. A présent, on nous fait du chantage en nous imposant un stagiaire pour bénéficier de l’exonération d’impôts, c’est une blague ! On déjà a du mal à travailler à plein temps à cause du manque et de la cherté de la matière, alors, pourquoi, prendre un stagiaire pour lui demander de se rouler les pouces ? C’est du jamais vu ! On assiste à la disparition programmée de notre artisanat. Malheureusement, le bijou et l’artisanat sont menacés de l’intérieur comme de l’extérieur», a-t-il regretté. En revanche, selon M. Maâmar, apiculteur de Tadmaït, le constat est tout autre : «Ce salon s’est assez bien déroulé, quoique la période soit mal choisie car les visiteurs n’ont d’autres choix que de se serrer la ceinture. Ils regardent mais n’achètent que rarement. Pour notre entreprise, je dirais que c’est acceptable, puisque notre produit a une réputation et nous avons une clientèle fidèle. Nous avons payé 20 000 DA de location, c’est un peu exagéré ! L’apiculteur fait face à un nouveau phénomène, à savoir le vol des ruchers. Il y a aussi la spéculation qui fait beaucoup de mal aux producteurs. Les frais de location des parcelles de terrain pour placer les ruchers sont parfois démesurés. Sinon, le matériel est disponible. Les organisateurs de ce salon doivent d’abord lui changer de date et surtout mener une bonne campagne médiatique et publicitaire pour attirer plus de monde».

Hocine T.

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