Accueil Évènement «Poursuivre la lutte contre les défrichements illicites»

Omar Bensouih, conservateur des forêts de Bouira : «Poursuivre la lutte contre les défrichements illicites»

1511
- PUBLICITÉ -

Le conservateur des forêts de la wilaya de Bouira, Omar Bensouih, à travers cet entretien, fait le point sur son secteuret fait part de ses objectifs.

- PUBLICITÉ -

La Dépêche de Kabylie : Pourriez-vous livrer un aperçu général sur le secteur des forêts de la wilaya de Bouira et les principales missions de la conservation des forêts ?

Omar Bensouih : La wilaya de Bouira compte un important patrimoine forestier, avec une superficie dépassant les 112 250 hectares, répartis sur quatre grands massifs forestiers. En plus des missions traditionnelles de la protection, de la promotion et de l’extension du patrimoine forestier et de lutte contre le défrichement et le braconnage illicite, la conservation des forêts exécute également un important programme de développement économique, qui est axé sur quatre grands chapitres.

Il s’agit de l’extension du patrimoine forestier, de sa consolidation, de la lutte contre la désertification notamment dans le sud de la wilaya, le traitement des bassins versants au niveau des barrages de Koudiat Acerdoun, Tilesdit et Oued Lek’hal et enfin un chapitre pour la préservation des écosystèmes naturels, notamment au niveau du parc national du Djurdjura (PND). Nous nous sommes également lancés dans un nouveau concept pour la promotion du patrimoine et l’exploitation rationnelle de ses richesses, qui est l’économie forestière.

Ce nouveau programme consiste en la valorisation des richesses ainsi que l’autorisation de l’exploitation de certaines matières, comme le liège et le bois, en plus de la création de périmètres d’exploitation forestière. Nous avons aussi un programme pour l’amodiation de petits lots de forêts, qui sont exploités par des riverains de la forêt, notamment dans l’arboriculture et la céréaliculture. La grande nouveauté cette année, c’est le recensement des espèces des plantes aromatiques et médicinales.

Selon la demande, nous allons élaborer des cahiers de charges pour l’exploitation des nombreuses espèces existantes dans la wilaya de Bouira, notamment pour l’extraction des huiles essentielles des espèces comme le romarin, le genévrier, la corne de pin d’Alep, du cypris et de l’eucalyptus. Il ne faut surement pas omettre notre mission de sensibilisation, pour la lutte contre les incendies, les défrichements, les coupes illicites et pour la préservation du patrimoine forestier. Une mission qui se fait durant toute l’année, en collaboration avec différents services publics et le mouvement associatif local.

Qu’en est-il de la faune de la wilaya ?

La wilaya de Bouira regorge d’un patrimoine animalier important. En plus de la faune de la méditerranée, nous avons aussi recensé certaines espèces protégées ou menacées de disparition, comme la hyène rayée, le singe magot, le faucon pèlerin…etc. Nous effectuons des observations particulières pour la hyène rayée, et qui faut-il le préciser, a regagné son habitat naturel dans la wilaya de Bouira, ces dernières années, et ce, en raison de la régénération du tissu forestier et l’absence d’incendies de forêts.

Cette espèce est désormais présente au niveau de la forêt d’Errich à Bouira, à Chaâbat Braham, El-Hachimia, Ahl El-Ksar, Oued El Berdi, Bordj Okhriss, Tikjda et Ouled Rached. Son nombre ne cesse d’augmenter sur le territoire de la wilaya de Bouira, et régulièrement, des citoyens de certaines zones, nous signalent son passage ou sa présence à proximité des zones d’habitations. Comme ça a été le cas récemment près d’Oued El-Berdi, où un agriculteur nous a contactés, après avoir trouvé une hyène femelle blessée et qui ne pouvait pas bouger ou se déplacer. Nos équipes se sont alors déplacées sur les lieux et ont récupéré cette hyène.

Nous l’avons soignée pendant plusieurs semaines au niveau du siège du parc national du Djurdjura. Après sa guérison, elle a été relâchée dans son milieu naturel. Concernant la hyène, je tiens à préciser qu’il s’agit d’une espèce protégée par la loi, et même si elle peut être dangereuse à l’égard de l’être humain, les citoyens de notre wilaya, plus particulièrement les riverains des forêts, doivent s’impliquer pour sa protection et empêcher son braconnage ou autres actes illégaux, notamment en nous informant de sa présence autour des zones d’habitations.

Je lance également un autre message à nos concitoyens, concernant le singe magot, l’autre espèce protégée dans notre wilaya. Bien qu’il est en surpopulation dans plusieurs régions de notre wilaya, le singe magot subit un autre risque, celui du changement des ses habitudes alimentaires et des agressions sur son milieu naturel. Il ne faut plus offrir à manger à ces singes, même s’ils arrivent aux portes des maisons, comme c’est le cas au niveau de certains villages du Djurdjura.

Avez-vous des statistiques concernant le nombre de chaque espèce animale ?

Non, car tout simplement ces animaux se déplacent d’une manière continue, entre différentes wilayas voisines, qui partagent avec nous les mêmes spécificités naturelles et climatiques, comme Tizi-Ouzou, Béjaïa, M’Sila, Bordj Bou-Arreridj, Médéa et Boumerdès. Dans ce cadre précis, la conservation ne peut qu’attester sur la présence de telle ou telle espèce sur son territoire.

Quel est le bilan de la campagne de lutte contre les incendies des forêts cette année ?

Durant la campagne estivale de 2018, nous avons enregistré une perte globale due à des incendies de forêts, avoisinant les 8 hectares, dont 5 hectares de maquis et 2,66 hectares de broussailles. Ces incendies ont touché durant la même période 10 communes de notre wilaya. Comparativement aux années précédentes, je dirais que notre plan d’action et d’intervention pour l’année 2018 a été d’une grande réussite, et ce, malgré un climat favorable avec des grandes canicules et des vents, nos agents et éléments, sont intervenus à chaque incendie, à temps et ont pu maitriser en l’espace de quelques minutes, l’ensemble des cas signalés.

Notre plan cette année, a été lancé avec une grande campagne de sensibilisation au début de la saison estivale, et s’est appuyé par la suite, sur une implication générale de l’ensemble des autorités, à commencer par les autorités locales, la protection civile, les services de sécurité, et même les citoyens et les différentes associations. Nous avons établi sur l’ensemble de nos sections, des postes de vigies et des bassins d’incendies, en plus du système de patrouille et de surveillance 24h/24h.

Par exemple et grâce à la vigilance de nos agents que je salue au passage, nous avons pu éviter les scénarios des grands incendies de ces dernières années, notamment dans les forêts de Taferka, Bordj Okhriss, Errich et Tikouka. En plus des effectifs de la protection civile mobilisés pour cette campagne, la conservation des forêts a bénéficié du soutien d’une deuxième colonne mobile, dotée de 8 véhicules tout-terrain et de 48 éléments spécialisés, en plus des dizaines de saisonniers recrutés spécialement pour cette campagne. Grâce à quoi nous avons pu maitriser à temps, chaque départ d’incendie. En gros, je dirais que la campagne 2018, de lutte contre les incendies a été réussie.

La wilaya est sérieusement touchée par le phénomène de défrichement et de déforestation. Quel est votre plan d’action pour limiter ce phénomène dangereux ?

Cette question est notre cheval de bataille, particulièrement à Bouira. Effectivement nous nous investissons via différentes manières et une multitude d’actions, pour combattre et limiter ce phénomène dévastateur et dangereux, notamment à travers la surveillance et la sécurisation de nos massifs forestiers, mais aussi à travers la création de zones économiques en pleine forêt. Un principe qui permet une exploitation de certaines richesses des forêts par des citoyens et aussi la protection de ce patrimoine par les exploitants eux-mêmes. Les projets de raccordement au gaz naturel surtout pour les zones reculées, ont favorisé une baisse de ce phénomène, mais malheureusement, il touche toujours la majorité des forêts de la wilaya et du pays.

Certaines personnes, se permettent également d’exploiter illicitement les terrains forestiers dans différentes activités, notamment agricole. Des cas de constructions illicites sont aussi signalés ici à Bouira. De notre côté, nous poursuivons notre lutte quotidienne pour protéger notre patrimoine forestier, notamment à travers des actions judiciaires contres les personnes impliquées, mais aussi à travers la sensibilisation.

Chaque année, nous avons une moyenne de 100 individus poursuivis en justice pour des cas de défrichement. Notre engagement pour la protection de la forêt demeure entier, et nous allons poursuivre nos activités, en collaboration avec les services de sécurité pour réduire ce phénomène et dissuader ces personnes malintentionnées. Il faut juste préciser que dans le cadre de notre programme pour le développement de l’économie forestière, la conservation des forêts de la wilaya, a établi neuf (9) dossiers pour la création de périmètres d’autorisation d’usages d’une superficie, variant entre 15 et 100 hectares pour chaque zone. Ces dossiers sont actuellement en phase d’étude auprès de la direction générale des forêts.

Nous avons aussi, loué une superficie de 1800 hectares au profit de 852 bénéficiaires, avec le programme d’amodiation. Nous allons aussi lancer prochainement des contrats d’amodiation pour l’apiculture. Enfin et concernant les programmes de reboisement et de repeuplement, la wilaya de Bouira a lancé des projets pour le reboisement d’une superficie de près 500 hectares, et aussi pour le repeuplement d’une autre superficie de 330 hectares. Ces projets sont actuellement en cours et le taux d’avancement est appréciable. Par ailleurs, un autre programme pour la valorisation et l’entretien de notre réseau routier forestier, long de plus de 175 kms, sera lancé prochainement. Ces pistes forestières nous facilitent les travaux d’entretien des forêts, d’intervention mais aussi de surveillance et de contrôle.

Vous avez aussi un programme pour la création de plusieurs forêts récréatives…

C’est un point très important, car c’est le pilier du programme de l’économie forestière. Dans les faits, à Bouira quatre forêts récréatives ont été officiellement créées par décret ministériel. Il s’agit des forêts d’Erriche dans la commune de Bouira, de Tikboucht à Haizer, de Tilesdit à Bechloul et enfin de Draâ Msafer à Bordj-Okhriss. D’ailleurs, la forêt récréative de Tilesdit à Bechloul a été déjà attribuée à un investisseur privé qui a installé un projet d’investissement, en attendant les trois restantes. Nous étudions aussi la création de trois nouvelles forêts récréatives, au niveau de Tafarka à Haïzer, de Hamam K’sana à El-Hachimia et enfin à Bouderbalah.

Cette formule, nous permettra d’un côté, d’ouvrir un investissement, qui va créer des lieux de détente et de loisir, de l’emploi, de la fiscalité et de la richesse, mais aussi d’installer des équipes sur place, qui seront aussi chargées de protéger le patrimoine forestier. Toujours dans l’optique de l’économie forestière, nous allons prochainement autoriser des investissements pour la carbonisation naturelle et l’exploitation des plantes médicinales et aromatiques.

Aussi, nous avons réalisé avec nos propres moyens, une retenue collinaire de plus de 210 m3, dans la commune de Dirah, à l’extrême sud de la wilaya. Cette retenue d’eau qui s’inscrit dans le cadre de notre programme pour la lutte contre la désertification, permettra la création d’un microclimat aride, et aussi l’irrigation agricole. Cette retenue a déjà reçu la visite des certains oiseux migrateurs. En gros, nous essayons de diversifier nos interventions et activités, surtout via la notion de l’économie forestière, qui vise à apporter de la richesse, du développement rural, de l’emploi à travers l’exploitation rationnelle des richesses forestières.

Aujourd’hui par exemple, nous avons crée tout un village, Biyara en l’occurrence dans la commune de Dirah, grâce aux différents programmes d’économie forestière. Bouira a été classée en deuxième position de production de miel, grâce notamment à notre programme de distribution de ruche, qui a bénéficié à 830 personnes, avec plus de 20.000 ruches distribuées.

Entretien réalisé par Oussama Khitouche.

- PUBLICITÉ -