Ath Amrous et la tradition agricole

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Le douar d’Ath Amrous a été créé le 27 novembre 1868 plus exactement, selon les documents d’archives. Ce douar est l’actuelle commune de Tichy que toute l’Algérie connaît pour sa belle plage. Il comprend 6 fractions, à savoir : El Mâdène, Tizi Ahmed, Leftel, Tikhribth, Boukherouben et Tahelkets. Les Ath Amrous, qui paraissent avoir une origine fort ancienne, ne peuvent que vaguement déterminer et préciser l’époque de leur apparition dans cette contrée. D’après une version très accréditée, plusieurs familles originaires de Sakiet El Hamra vinrent s’établir aux environs de Bgayet. Là, elles se partagèrent en trois fractions, et l’une d’elles, sous la conduite d’un certain Amrous, vint asseoir son camp près d’un col, nommé Tizi-San, à la naissance d’un ruisseau qui se jette dans la méditerranée, sous le nom de l’Oued El Djennad. Amrous et les quelques familles qui l’avaient suivi s’allièrent aux premiers occupants du sol et finirent par ne former qu’une seule et même tribu, sous le nom d’Ath Amrous. Les Ath Amrous ont des coutumes qui sont presques les mêmes que celles des autres contrées de la Kabylie et elles ont beaucoup de lien dans les domaines agricoles et autres. La coutume chez ces derniers n’autorise les labours que le 17 octobre de l’année julienne (l’Année julienne introduite par les Romains en l’Afrique du nord est restée en usage chez les Kabyles) correspondant au 30 octobre de l’année grégorienne. Avant de les commencer, ils doivent célébrer tatsiafth (une zerda), sinon la récolte de l’année ne serait pas abondante. Tout un rituel est fait le premier jour. Cette série de cérémonies consiste en l’huilage du soc et de la courroie (tarithma) de la charrue, puis la mise d’un peu d’atmin (temina ou ouhbik) sur la tête des boeufs, sur le soc et sur les pioches. Une partie de cet “atmin” est mangée dehors par les enfants. Ceci fait, ils emportent aux champs une outre ou un sac renfermant du grain (blé, orge, fèves), de même qu’un tamis contenant des grenades, des figues sèches, des noix, de l’atmin, du blé et des fèves. Il répandent une partie de ce mélange sur le sol en guise de semence et les enfants s’empressent de les ramasser tout en se disputant amicalement et en riant.Après avoir labouré deux ou trois sillons pour la tradition et la bénédiction, ce qui reste dans le tamis en pâte et fruits est semé aussi. Cette petite démonstration de labour terminée, les Ath Amrous rentrent à la maison en y rapportant les fèves et le blé restant dans le tamis que les femmes mettront à tremper pendant trois jours dans de l’eau apportée de la source, spécialement pour cet usage, le matin de très bonne heure, dans des cruches neuves bouchées avec des rameaux d’olivier. (La pratique qui consiste, en la circonstance, à boucher les cruches d’eau avec des rameaux d’olivier a pour but de rendre la récolte en céréales aussi abondante que les fleurs des oliviers). Pour clôturer cette première journée de labour, un grand couscous à gros grains (berkoukes) est préparé pour la soirée, tous les villageois, grands et petits, viendront manger. Ce couscous est présenté dans un grand plat en bois (tazioua ou tabaqith) avec au milieu un grand trou dans lequel on verse de l’huile d’olives. Par humilité, les villageois mangent avec les mains. Le repas terminé, ils ne se lavent pas les mains, ils les essuient à l’alemsir (peau de mouton ou de veau non tannée sur laquelle on pose le moulin à bras pour moudre le grain à la maison) car, en la circonstance, laver ses mains avec de l’eau serait une façon de montrer qu’on n’est pas satisfait des bien reçus. Ils se frottent les mains à l’alemsir car cette peau est considérée comme étant le “bab n erzeq” (la porte de l’abondance). A la fin de la soirée, des prières sont adressées à Dieu. Le troisième jour des labours, le blé et les fèves rapportés des champs, trempés au préalable dans de l’eau, sont cuits et sont appelés ainsi “oufthayen” (Oufthayen substantif pluriel d’oufthay : blé, fèves et pois chiches cuits dans de l’eau. Avant de les manger, on les sale un peu, d’autres y ajoutent de l’huile. On les prépare à l’occasion de certains évènements heureux, tels que le jour des fiançailles, le troisième jour du mariage et des labours, lorsqu’on installe le métier à tisser pour confectionner soit un burnous, soit une couverture, etc…) mais sans sel (le sel ne portant pas bonheur) que la maîtresse de maison distribuera aux gens du village.Durant les trois premiers jours des labours, les Ath Amrous se conforment à certains usages établis depuis très longtemps, à savoir ne pas se raser avant que les tiges ne sortent de terre, autrement le grain ne pousserait pas bien ; la maîtresse de maison ne doit pas transporter le feu de son habitation à une autre, afin qu’il n’y ait pas de sirocco dans l’année ; elle n’enlève pas les balayures ainsi le silo ne se videra pas, il restera toujours plein de grains comme la cour est remplie d’ordures; elle ne portera pas de coiffure pour que les épis d’orge deviennent longs et lourds et qu’ils s’inclinent vers le sol comme ses cheveux ; elle ne se peignera pas, sinon il y aurait beaucoup de carottes sauvages dans les champs ; elle ne doit pas se mettre du k’hol (antimoine) aux yeux pour éviter que les épis ne deviennent charbonneux; elle évitera de s’appliquer du henné, autrement les céréales se couvriraient de pucerons (bouzegagh) et enfin si elle se frottait les dents et les lèvres avec de la racine de noyer, les coquelicots pousseraient en abondance dans les champs.

A. Gana.

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