Peu d’engouement pour le sacrifice collectif

Partager

La fête de l'Aïd El Adha de cette année présente une particularité singulière par rapport aux précédentes.

La fièvre aphteuse, qui a atteint un nombre considérable de bovins dans diverses localités de la région sud de la wilaya, laisse ceux qui ont l’habitude de recourir au sacrifice collectif dans l’expectative. En effet, si pratiquement durant ces dix dernières années un groupe de cinq à sept personnes se permettaient d’immoler un veau, ce n’est plus le cas pour cette année. Ils craignent que celui qu’ils achèteront ne serait pas vacciné d’autant plus qu’au niveau des abattoirs, la bête ne serait égorgée que si l’on présentait son carnet de vaccination. « On ne peut pas quand même débourser environ quarante milles dinars chacun, pour enfin nous interdire l’accès à l’abattoir. Il vaudrait mieux se passer de ce rite », nous dira ce citoyen de Bounouh accosté dimanche dernier, au marché à bestiaux de Boghni à la recherche d’un mouton. Le manque du cheptel ovin sur le marché est à signaler dans cette région, car seuls les éleveurs présentant des bêtes vaccinées auront cette chance de rentrer au marché en raison des mesures draconiennes prises par les services concernés. En tout cas, les prix sont exorbitants. Si l’année dernière, il y avait l’embarras du choix même pour les bourses moyennes, du fait que leur prix oscillait entre vingt-cinq milles et quatre-vingts milles dinars; aujourd’hui, un mouton d’environ une quinzaine de kilos n’est cédé qu’à quarante milles dinars et cela après de fastidieuses négociations. Ce qui est également à constater est que contrairement aux années précédentes, les camionnettes, arrivant de M’Sila, de Djelfa et des zones steppiques proposant des animaux avec des prix à la portée de tous, ont marqué par leur absence. Seuls les animaux «locaux» sont présentés dans le marché à bestiaux et ceux-ci, bien sûr, reviennent chers aux clients. Chez quelques téméraires qui tiennent des moutons loin du marché c’est comme la vente à la sauvette. D’ailleurs, même les clients doutent de la provenance de ces bêtes. « Je ne peux pas acheter un mouton à cinquante milles dinars sans que le vendeur me donne la garantie qu’il est vacciné. Il vaut mieux ne pas en égorger que de mettre la vie de ma famille en péril. On est entre le marteau et l’enclume. Si on sacrifie cette bête, on a peur et si on s’abstient, la fête perd son goût », nous dira ce client à la recherche d’un mouton qui sera à sa portée. A quelques jours de l’Aïd, beaucoup de personnes, qui voudraient respecter le rite du sacrifice, ne se sont pas encore prononcées. Certaines d’entre elles attendent peut être la veille du jour J dans l’espoir de voir les mesures imposées par les services vétérinaires s’estomper. « Actuellement, les prix sont trop élevés. Tout comme chaque année, on espère que les maquignons, qui viennent d’ailleurs, lâchent du lest. S’ils n’arrivent pas à vendre tous les moutons transportés depuis des centaines de kilomètres jusqu’ici, ils baisseront les prix pour ne pas rentrer bredouille chez eux, avec, notamment, les dangers qu’ils encourent (eux et les bêtes) sur le chemin du retour », estimera de son côté ce citoyen, qui n’a pas encore pris sa décision finale. Notons dans le même sillage que l’immolation collective par les Djemaâs est en passe de mettre cette année en sourdine.  « On ne va pas s’aventurer à acheter des bœufs à coup de millions de centimes alors que tout le monde garde en mémoire le feuilleton de la fièvre aphteuse de l’été. Pour les familles démunies du village, il vaudrait mieux leur donner de l’argent pour aller chez le boucher de leur choix », nous confiera un tamen d’un village de la région ayant requis l’anonymat. En conclusion, il est à dire que nombreuses seront les familles qui seront privées de ce sacrifice pour toutes les raisons que les uns et les autres ont évoquées.

Amar Ouramdane

Partager