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Bouira Un décor feerique exposé à la maison de la culture : Il était un petit navire…

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Il était une fois, un bateau qui tangue et qui roule bord sur bord. Il bat pavillon, mais quel est-il ? On n’en a jamais vu de pareil : un squelette de poisson sur fond noir et vogue la galère. Ou plutôt vogue le galion, devrait-on dire, car ce bateau là par le renflement de ses flancs,  que l’on croirait rempli de trésors fabuleux, y ressemble fort. Un capitaine, comme Haddock, l’ami de Tintin-tu connais ?- scrute avec sa longue vue l’immensité bleue sans résultats : mille sabords, ce voyage ne semble plus devoir finir !   On est sur la place publique, en face de la maison de la culture Ali Zamoum. Le bateau–jouet est là depuis trois jours. Il est auto gonflable. Un moteur à l’arrière lui communique un mouvement incessant, comme celui des flots. Les petits yeux le détaillent, ce soir, avec un mélange de crainte, de curiosité et d’admiration. Les plus hardis s’avancent et le touchent. Ah, quand donc cessera ce tangage et ce roulis ? Tu vois comme la quille penche en avant, en arrière, puis d’un côté et de l’autre. Ne va-t-elle pas s’arracher de la cale ou se briser net ? La mer parait pourtant calme. Calme ? Fi donc ! Ce marin, au bout d’un filin, là à l’arrière, qui fond l’air avec son  poignard, tu le vois, aussi ? Et le capitaine qui regarde par ce hublot, ça te dit quelle chose ? Mille sabords, c’est lui. C’est l’ami de Tintin. Tu connais Tintin ? C’est un personnage de la BD. On le passe à la télé avec d’autres dessins animés. Et ce dauphin, là qui semble sourire au marin qui, lui, ne sourit pas, tu le vois donc ? – Ah, si, tu le vois ? Mais, s’il y a des dauphins, c’est qu’il n’y a pas de danger ? Alors pourquoi ce marin part-il à l’abordage ? Mystère !… Ecoute, il était une fois, un petit bateau…

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-Ah, mon petit, tu as enfin compris ? Ce bateau n’est pas un conte de fée ! Il est existe et il est là pour toi. Ce capitaine, ce pirate, ce dauphin, ce sont des dessins, mais ils vont s’animer, une fois que tu seras sur le pont. Ainsi, tu vas faire connaissance avec eux et leur parler pendant tout le voyage. Voilà une pièce de cinquante dinars. A toi de jouer au marin hardi, ce soir. Ce soir où la nuit est douce et les étoiles brillent dans le ciel…

Le garçon saisit la pièce et la donne au monsieur si gentil qui la prend et invite le petit gars pour un voyage qui n’est ni pour le Pérou, où il y a tant de mines d’or, ni pour les Indes, où il y a de si beaux tissus imprimés… Lui-même ne porte pas de casquette à visière frappée de l’insigne en forme d’ancre, ni de costume marin. Un peu prosaïque, cette réalité tout de même. Si horriblement prosaïque que le bateau est désigné prosaïquement par le terme de toboggan. Mais alors pourquoi cette mise en scène et ce décor si on ne peut partir nulle part? Pourquoi ce pirate qui ne se battra pas au couteau et ce capitaine qui ne remarquera avec son instrument aucune terre à l’horizon ?

-C’est que c’est un jeu, mon petit. Il est seulement dommage que ses inventeurs ne l’aient pas poussé jusqu’au bout. Tiens par exemple, ce monsieur à qui tu donnes une pièce et qui t’invite à retirer tes souliers pour mieux glisser sur le toboggan, tu aimerais bien qu’il soit habillé en capitaine, comme  Haddock, n’est-ce pas ? Tu voudrais aussi qu’il parle un autre langage, celui des marins : Levez l’ancre.  Hissez les voiles ! Cap sur les Indes, mille sabords ! Ou encore : canonniers à vos pièce. Feu, feu, mille sabords ! 

Tu aimes les Indes, mon petit, hein, pas vrai ? A moins que tu préfères les Amériques ? En tout cas, je te félicite, car tu vas faire un long, un très long voyage. Mais gare au mal de mer. Et pendant la tempête, tu ne quitteras surtout pas ta cabine. Tu regarderas par le hublot les grosses vagues qui viennent se briser contre la coque. Mais tu ne monteras pas sur le pont, car l’eau embarque par paquets. Et tu risquerais d’être emporté. Si le temps est calme, et si le navire a le vent en poupe, c’est-à-dire si le vent souffle dans la bonne direction, alors tu voyageras vite. L’étrave fend tranquillement les flots bleus, là devant. Le soleil rit à travers les voiles et les haubans. Ce que tu vois tourner autour des mats, ce sont des mouettes. Elles accompagneront le navire durant tout le voyage. Si le vent vient en sens inverse, le bateau ne peut plus avancer et il faut sortir les rames. Mais s’il devient fort, il faut baisser les voiles pour éviter que le bateau ne chavire sous les fortes rafales. S’il chavire, c’est le naufrage. On met les chaloupes à la mer et on continue le voyage à la force des rames. Et maintenant bon voyage, moussaillon. 

-Moussaillon ? Qu’est-ce qu’un moussaillon? J’ai l’impression que c’est la première fois que j’entends ce mot. -Ce n’est pas étonnant, mon petit. C’est un mot qu’on n’utilise plus. Il servait autrefois à désigner un petit mousse. On commence sur un bateau par être moussaillon, puis mousse avec d’être un jour un vrai matelot. De même les mots bâbord et tribord sont désuets. Par exemple quand tu remarques un navire à ta gauche, tu diras : navire à Bâbord. A droite, c’est navire à tribord. Quand le capitaine ordonne à ses matelots de partir, il dit : lever l’ancre, larguez les amarres, cela veut dire qu’on quitte le port où le bateau mouille. S’il veut s’arrêter à un port, il dit : jetez l’ancre. On entend un plouf et le bateau s’arrête. Mais une fois que le bateau est en rade, on l’attache avec de grosses cordes pour l’empêcher de bouger. Ce sont les amarres.

-Papa, vous croyez que si j’avais vécu à l’époque des bateaux à voiles, j’aurais fait un bon matelot ? Cela doit être un rude métier. Mais très passionnant !

-Sans doute. La vie d’un matelot est-elle dure en ces temps-là. Mais il n’y a pas de métier qui ne s’apprenne, aussi difficile soit-il. Et puis, tu l’as dit, fiston, c’était passionnant. Et maintenant, va, mousse, que le vent te pousse.  Le bateau toboggan, qui attend toujours d’être baptisé (Le Corsaire, par exemple, lui irait très bien) revient à Bouira, après une absence de plus d’un an. Son propriétaire nous explique qu’il a fait plusieurs villes dans les wilayas d’Alger, de Boumerdès, de Tizi-Ouzou, de Béjaïa où il a suscité partout l’enthousiasme des enfants. Les enfants se glissent à l’intérieur par les hublots, grimpent les escaliers à bâbord (pardon, à gauche), puis, une fois, sur le pont, se laissent glisser sur une espèce de toboggan à tribord. Et ce glissement aboutit à la cale matelassée pour amortir le choc. L’amusement dure dix minutes. Sur la place publique, où le gros jouet est installé depuis trois jours, les adultes regardent leurs enfants jouer au moussaillon pour quelques minutes. Leur bonheur est complet. Il est seulement dommage que le propriétaire n’entre pas totalement dans le jeu en s’habillant en capitaine et en expliquant toutes les parties du bateau, afin que les enfants, tout en jouant, apprendront d’autres choses.                    

 Aziz B.

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