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Évocation : Événements du 14 Juillet 1953, place de Paris : Histoire d’un assassinat abject

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Il y a soixante et un ans, Bacha Abdellah, âgé alors de 25 ans, originaire du village Ivehlal, dans la commune d’Aghbalou (Bouira), a été assassiné par la police coloniale avec six autres Algériens, lors d’une marche à Paris.

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Une date qui est restée ancrée dans la mémoire de nombreux villageois qui se souviennent toujours des obsèques grandioses et dignes. D’après des villageois, le village n’avait jamais connu un mouvement de foules aussi impressionnant comme fut cette journée du samedi 24 Juillet 1953. Une journée de deuil, de consternation, mais aussi de solidarité. Le village venait de perdre un de ses vaillants fils, Bacha Abdellah, assassiné par la police coloniale lors de la marche du 14 Juillet 1953. Feu Abdellah Bacha a été victime d’une répression sanglante de la police coloniale. Il a été touché par une balle assassine au niveau du coup. Pour rappel, le 14 Juillet 1953, des milliers de travailleurs nord-africains avaient répondu à l’appel du PCF, le CGT ainsi que le MTLD. Profitant l’occasion de cette journée symbole de liberté pour les Français, ils ont scandé des slogans hostiles au colonisateur. Malgré le caractère pacifique de la marche, la fin était plutôt sanglante. Arrivés au niveau de la place de la nation à Paris, des policiers commençaient à provoquer la foule en tentant de leurs arracher les banderoles à coups de matraques. Mais les marcheurs ont bien résisté. Alors la police a procédé à une violence aveugle et s’est acharné sur les manifestants en ouvrant le feu. Six jeunes algériens ont été tués: Abdellah Bacha 25 ans (Bouira), Dranis Abdelkader 31 ans (Tlemcen), Daoui Larbi (Oran), Illoul Mouhoub (Béjaïa), Tadjadit Tahar 25 ans (Tizi-Ouzou), Madjine Tahar 26 ans (Constantine) et Lurot Maurice 40 ans, (militant syndicaliste français). Et une centaine d’autres a été blessée. 

Des obsèques émouvantes !

Soixante et un ans après, les villageois d’Ivehlal se souviennent toujours de cette journée du mois de Juillet où la chaleur torride n’avait pas dissuadé les gens de se déplacer en masse des différentes localités de la région pour rendre hommage au jeune Abdellah Bacha. Le cortège funèbre avait du mal à se frayer le chemin pour traverser le village. La localité n’avait jamais connu des obsèques aussi émouvants, solennels et dignes. Arrivé au environ de 17h, le corps a été accueilli par des youyous de sa brave mère, se rappellent toujours les villageois, suivie par les autres femmes du village. «Abdellah n’est pas mort en vain, mais pour la liberté», dit-on. Malgré la pression de l’administration, les caïds et les gardes-champêtres pour convaincre sa famille, notamment son frère feu Bacha Mahmoud, à procéder à son enterrement le soir même, ce dernier, appuyé par le soutien indéfectible des villageois d’Ivehlal, a refusé de céder. Il a décidé à ce que l’enterrement aura lieu selon la tradition, soit le lendemain après la prière de Dohr. Le lendemain, le cercueil couvert de fleurs a été transporté par la foule vers l’esplanade de la mosquée «Bahloul Ou assem» du village pour un ultime hommage. Les villageois se déferlèrent les uns derrières les autres pour présenter leurs condoléances à la famille du défunt et rendre un ultime hommage au jeune martyr. A noter la présence de plusieurs responsables politiques et syndicalistes. Entre autres, Abedlhamid Mahri, responsable du MTLD, Sadek Hadjres du PCA, qui chacun à son tour a tenu à lire une déclaration en hommage à cette victime de la liberté. Abdellah Bacha est enterré dans le cimetière de la mosquée dans la dignité totale. À noter que seulement quatre corps (Bacha Abdellah, Amar Tadjadit, Tahar Madjine et Abdelkader Dranis) ont été rapatriés en Algérie et furent accueilli par une grande foule au port d’Alger. Les quatre cercueils ont été débarqués par des dockers et déposés dans une grande surface, afin de permettre aux milliers d’hommes et de femmes de les voir pour la dernière fois. Les cercueils ont été couverts par le drapeau algérien et des bouquets de fleurs.

Témoignage de Ladj Arezki, ami du défunt

«Bacha Abdellah, militant actif au MTLD, a sacrifié sa jeunesse pour la cause nationale. La veille on été ensemble chez lui en présence de B. Lahlou. Le lendemain on est sorti jusqu’au métro porte Pantin. C’est là qu’on s’est séparé. On devait se retrouver le soir au lieu du départ de la manifestation. Il a été parmi les actifs de service d’ordre désigné pour encadrer la marche. J’étais dans un autre carré. Durant la marche, il y avait des provocations de la part de quelques civiles. A la vue du drapeau Algérien, la police a tout fait pour l’arracher des mains des manifestants en utilisant la matraque et des bombes lacrymogènes. Puis, des coups de feu retentissaient de partout. Ce n’est que le lendemain, que j’ai appris sa mort et celle de six autres personnes dont les corps ont été déposés au niveau de la morgue de l’hôtel-Dieu». 

Rue Abdellah Bacha ou Abdelkader Bacha ?

La famille Bacha d’Ivehlal estime qu’il y a erreur que l’administration doit corriger. Une rue aurait été baptisée au nom du Abdellah Bacha, juste derrière le siège de l’APC de Bouira. Sur place, il y a une plaque portant le nom de Bacha, mais pas Abdellah, Abdelkader Bacha. D’après la famille Bacha, le prénom a été changé par inadvertance lors de la généralisation de l’utilisation de la langue arabe durant les années 80. Depuis, le neveu de Bacha Abdellah, Moussa, n’a pas cessé de frapper à toutes les portes pour que justice soit faite et corriger cette erreur. Mais rien n’a été fait à ce jour, malgré ses multiples interventions, notamment auprès de l’administration ou encore à l’ONM de Bouira qui estime que Bacha Abdellah ne se trouve même pas dans la nomenclature des Martyrs, puisque il est mort avant le déclenchement de la révolution en 1954. En 2008, l’APC de Bouira s’était engagée à effectuer une procédure de recherche dans les archives de la commune pour voir si erreur il y a. Jusqu’à présent, aucune réponse n’a été donnée à la famille Bacha.

A. M’hena 

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