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BOUDJIMA - Décembre 1958 : Le jour où Aguemoun brûla au napalm

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Le mont d’Aguemoun garde à ce jour les traces du bombardement au napalm de décembre 1958. Le mont, dont le couvert végétal n’a plus repoussé sur les espaces bombardés, regorge de chênes lièges et d’arbousiers. Le malheur qui a frappé le village demeure vivant dans la mémoire collective locale. Les seniors en gardent des souvenirs précis. Ils racontent, non sans émotion, les bruits stridents des avions au-dessus de leurs têtes et les bombardements au napalm qui s’en étaient suivis. En ce jour d’hiver 1958, les villageois étaient sortis dans les champs après avoir obtenu un laissez-passer des chefs des casernes de Tarihant, Takhamt ldjir, Tikaatine et Boudjima. Étant en pleine saison de la cueillette des olives, les villageois devaient profiter de cette journée pour récolter leurs fruits, car ce n’est pas tous les jours que l’officier les y autorise. Pratiquement toutes les familles, des moutons et des bêtes de somme étaient dans les champs. Il fallait ramasser toutes les olives mûres, faire paître les moutons et ramener du bois à chauffer. L’armée française ne tolérait pas beaucoup d’écarts dans cette zone, car les maquisards y étaient nombreux. Fortement boisé, le territoire servait souvent de zone de repli et de refuge aux combattants de l’ALN. Vers l’après-midi, alors que tout le monde s’affairait paisiblement à exécuter ses petites tâches agricoles, des avions militaires surgirent. Venant vraisemblablement des hauteurs d’Ighil, ceux-ci survolaient à basse altitude, telles des guêpes, les cimes du mont d’Aguemoun. Le lieu est très boisé. L’armée française, suspectant un mouvement des Moudjahidine dans la zone, y avait mené un ratissage avec l’aide des harkis connaissant très bien les moindres recoins de la forêt. Des mortiers détonnaient de partout, parallèlement au bruit des bombes lâchées depuis les avions. Ces dernières ont provoqué des départs de feu apocalyptiques. La population, contrainte à la guerre par des décennies d’ignobles traitements et d’injustice, était loin de se douter que les bombes étaient en réalité des armes interdites par toutes les conventions internationales. C’était du napalm qui était lâché sur la forêt pour brûler vifs les maquisards. Selon des témoignages écrits retrouvés au niveau du musée de Tizi-Ouzou, la bataille, qui a éclaté entre les Moudjahidine et l’armée française était, asymétrique : quelque 40 combattants de l’ALN, menés par le lieutenant Ali Ouahmed, contre un détachement de 700 soldats armés jusqu’aux dents ! Maîtrisant bien le terrain grâce aux harkis, l’armée française avait encerclé tout le périmètre, pendant qu’une bataille féroce se déroulait sous les bombardements. Les maquisards piégés refusaient de se rendre et continuaient à se battre jusqu’à minuit, raconte-t-on. Selon le même document retrouvé au niveau du musée du Moudjahid de Tizi-Ouzou, 42 soldats français avaient été tués ce jour-là alors que du côté de l’ALN, l’on a déploré la perte de sept: Kida Ahmed de Tablat, Amar Oumouh Ouali de Tarihant, Moh Bouklal d’Iflissen, le soldat Amar d’Ibazizen, Arezki Naït Aïssa de Yakouren et Mohand Ben Semghoun. Le reste des combattants algériens ont pu se dégager des griffes de l’armée coloniale. Aux premiers bombardements, les populations dispersées dans les champs pressaient le pas pour rentrer aux camps. Il fallait surtout protéger les enfants. Certains ont dû abandonner les charges d’olives et certaines bêtes dans les champs. Sept décennies plus tard, les populations locales gardent encore des souvenirs indélébiles de cette bataille ayant eu pour théâtre le mont d’Aguemoun, dont les espaces brûlés restent, à ce jour, nus. De l’avis des habitants de la région, Aguemoun mérite d’être élevé au rang de site historique et une stèle devrait être érigée sur les lieux pour commémorer les sept martyrs ayant sacrifié, ce jour-là leur vie, pour le recouvrement de la souveraineté nationale.

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Akli N.

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