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Évocation : Abdellah Hamane n’est plus

1957
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L’auteur, et à juste titre, de ce verdict, n’est plus. Après Dda l’Mouloud, l’Amazighité se sépare d’un autre pilier : Dda Abdellah Hamane, le berbère d’Oran, l’homme dont la grandeur n’a d’égal que sa modestie ! Dda Abdellah est natif d’Aït Daoud, ce village au pied du Djurdjura, d’où vient aussi le non moins célèbre Kamal Hamadi, de son vrai nom Larbi Ath Ali Ouzegane, village à un jet de pierre d’Ighil Bouamas de Lounis Aït Manguellat et Amar Ezzahi. Dda Abellah a connu l’existence de presque tous les algériens sous le joug colonial. Elève de l’école Al Fallah de Djamiat al Oulama et combattant de la première heure, il connut Abane Ramdane qu’il dit avoir abordé avec lui la question de Tamazight que ce dernier refusa catégoriquement priorisant la question de l’indépendance nationale. Il rencontra Larbi Ben M’hidi dont il reçut l’ordre d’organiser en 1956 une manifestation à Oran, suite à laquelle il fut repéré et recherché par l’armée française. Cela l’avait poussé à rejoindre le maquis à Sidi Belabbes où il fut arrêté suite à une opération Fidaï et condamné à 10 ans de prison où il connut les affres de l’incarcération et de la torture. A l’indépendance, il s’écarta de tout ce qui se rapporte à la politique, ignorant jusqu’à ses droits de maquisard pour se consacrer à «Sa cause», Tamazight. Son premier couac avec les premiers dirigeants de l’Algérie indépendante, farouchement opposés à la cause qu’il défend, fut l’inscription de son fils à l’état civil d’Oran où on lui refusa le prénom de Massinissa. C’était les années 70, pour bien mesurer la bravoure et l’engagement de l’homme. Il ira jusqu’à ester la mairie en justice. Dda Abdellah se consacra à Tamazight. Il fut poète, romancier, dramaturge, traducteur et chercheur. On se limitera ici à citer sa traduction des Quatrains d’Omar Khayyâm, et de Roméo et Juliette de William Shakespeare. Son dernier roman est Tawa&it di tayri édité par le HCA. Au-delà de son érudition et de sa culture, Dda Abdellah est comparable à Dda l’Mouloud en sagesse et en attachement aux origines tout en étant moderniste, au fait des défis de son temps. En 1963, on refusa d’éditer son ouvrage exigeant de lui de le traduire en langue arabe. Son refus ne fut en rien par opposition à cette dernière ou son rejet, il le justifia par le fait que l’arabe avait ses enfants pour la promouvoir, que lui n’en n’est pas un et qu’il avait sa propre langue à servir. C’est dans cet ordre d’idée qu’il n’approuva pas les travaux de tant d’écrivains, penseurs et philosophes berbères dont il reconnait la valeur de l’œuvre mais condamne leur écriture dans des langues qui n’étaient pas les leurs «St Augustin, Apulée, Ibn Khaldoun et tous les autres, ne sont pas des hommes pour moi, ils ont servi des langues et des cultures qui ne sont pas les leurs». Voilà le degré de conscience de Dda Abdellah qui n’a eu de cesse de répéter que la culture et la langue Amazighes ont besoin de leurs enfants. Dda Abdellah était un Kabyle avec une majuscule, père de sept filles et trois garçons et tuteur à charge de six autres filles de son frère assassiné, il subvint aux besoins de tout ce monde par la sueur de son front et parvint à assurer le mariage de treize filles en plus de leur instruction. Dda Abdellah est d’une vision à la fois traditionnelle et moderniste. Interrogé sur la signification de Taqvaylit pour lui, il répondit : «Taqvaylit c’est la vérité, la justice, la bravoure, la compassion, l’honneur, la femme, la langue et l’écriture». Au sujet de la femme, il dit qu’elle est libre, qu’elle est l’égale de l’homme, qu’elle peut s’habiller comme elle veut, même de manière à mettre en valeur son corps pour plaire à celui qu’elle aime, ce qui est son droit. Du RA&Iuml,; il dira que c’est une musique berbère depuis toujours, chanté par les amazighs à Cherchell, Tipaza, Aïn Defla, au Rif, à Welhassa, au Chleuh et qu’à la fin, les arabes l’ont souillé par la vulgarité. Il appelle les berbères à se le réapproprier, car c’est leur musique, leur bien, leur signalant que leur musique actuelle s’apparente beaucoup à la musique orientale. Cet homme, ce géant, ce monument de savoir, de culture, de sagesse, de courage, de bonté, de simplicité nous a quittés à jamais ce dimanche. L’Amazighité a perdu en lui un homme d’une valeur inestimable, un homme comme il le dit «n’a pas peur de la mort, mais de la perte de la main qui tiendrait son stylo.» L’association Numidia d’Oran est orpheline de l’un de ses pères fondateurs, et pas des moindres. Mais il y a des hommes qui disparaissent sans jamais mourir, car ils sont des immortels. Nous dirons à Dda Abdellah qui en est un, qu’il peut reposer en paix, car ce à quoi il a voué sa vie est sur rails, son combat n’a pas été vain et la graine qu’il a semée, tout autant que ses semblables, a germé, et que rien n’arrêtera désormais sa croissance.

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HM.

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