«L’incivisme galopant complique notre mission»

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Les dernières pluies ont causé des dégâts matériels considérables à Tizi-Ouzou. Cet expérience a-t-elle permis aux services de la DTP d’être mieux préparés pour affronter d’éventuelles situations similaires ? Le DTP, Smaïl Rabhi, répond à la question et évoque le cas des zones inondables de la wilaya.

La Dépêche de Kabylie : On entend souvent parler de zones inondables à travers la wilaya. Combien en avez-vous recensées exactement et qu’est-ce qui fait qu’elles soient à risque?

Smail Rabhi : En ce qui concerne le secteur des travaux publics, la zone qui pose le plus de problèmes, c’est Tadmaït, au niveau de la RN12 notamment. Pourquoi cette zone est inondable ? Parce qu’elle est un point bas par apport au massif environnant. Vous avez aussi le relief après le massif de Sidi Ali Bounab qui est plat et l’oued Sebaou n’est pas assez bas au niveau de la route, donc l’écoulement des eaux se fait avec une vitesse réduite.

On a déjà eu des pluies jusqu’à 40 et 50 mm, sans jamais avoir de problèmes. Mais il faut savoir que, samedi dernier, on a atteint les 76,2 mm d’eau en moins de 24 heures et nous avons enregistré 32 mm rien qu’entre 13h et 17h. La force de ces eaux a charrié beaucoup de matériaux le long des oueds. Des branches d’arbres, détritus, déchets, sachets, bidons… Nous avons même récupéré des pneumatiques de camions qui ont obstrué les ouvrages de drainage. Et dès qu’un ouvrage est obstrué, il devient un barrage et l’eau déborde sur la route. Comme la vitesse d’écoulement n’est pas importante, ça stagne. Sinon, comme j’ai expliqué, on a déjà eu des BMS de 40 et 50 mm et on a toujours pu gérer la situation, il n’y a eu aucun mal.

Au niveau de Tadmaït par exemple, on a quatre ouvrages de section importante de 2 à 3 m&sup2,; ça draine facilement, mais cette fois-ci c’était exceptionnel. On a vu des situations similaires et encore plus grave à travers d’autres wilayas et même en Europe, bien qu’ils aient des reliefs abruptes. Le problème c’est qu’on ne peut pas construire des ouvrages pour contenir toute ces quantités d’eau, ça coûte cher. Les objets charriés sont un facteur très aggravant. Il faut savoir que nous avons curé ces ouvrages avant la saison automnale. On a fait le nettoyage des faussés à la machine. On a mobilisé une équipe pendant plus de 20 jours pour cette tâche.

Vous avez évoqué le cas de Tadmaït. Qu’en est-il des autres régions, comme Tigzirt par exemple ?

Pour la daïra de Tigzirt, dans la localité de Makouda par exemple, c’est une piste qui n’est pas vêtue, donc il y a eu un charriage d’objets qui a bouché l’ouvrage de drainage des eaux, c’est quasiment le même problème partout. Makouda pourtant c’est un relief accidenté, mais vu que l’ouvrage était obstrué, ça a débordé.

Donc, le fait que ce soit un bassin versant de l’oued Sébaou n’a rien à voir avec la situation ?

C’est en effet un bassin versant qui ramène beaucoup d’eau, mais il faut savoir que l’urbanisation y est pour beaucoup. Quand on n’a pas des constructions, la terre absorbe, mais quand l’espace est construit, l’eau ne filtre pas tout ce qui tombe du ciel et l’eau va où ? Vers les points bas. C’est ce qui s’est passé au niveau de cette localité.

Il faut rétablir les cours d’eau. On ne peut pas bloquer l’écoulement d’eau. Le permis de construire sert justement à vérifier tout ça. Pourquoi croyez-vous que ce dernier est soumis à l’avis de plusieurs directions techniques ? C’est pour que chacun examine ce permis dans la partie qui lui est réservé. Ceci est un autre facteur qui va nous mener à parler aussi de civisme. Chacun doit apporter sa contribution et prendre ses responsabilités.

Vous avez parlé lors de la dernière session de l’APW d’un plan hivernal. Aujourd’hui, avec l’expérience que la région a subie, est-ce que vous maintenez le même plan ou l’avez-vous réadapté ?

Effectivement, nous avons un plan. Pour parler de ce qui s’est passé samedi dernier, on s’est mobilisés et fait le nécessaire sur le terrain. Mais le BMS que nous avions reçu nous a un peu trompés. Il annonçait 20 puis 40 mm d’eau. Ce qui ne représentait pas pour nous un problème vu qu’on a l’habitude de gérer des situations pareilles.

Pour nous, c’était gérable. Et dès qu’on constaté que les eaux étaient plus abondantes, on a de suite réagi. En l’espace d’une heure, nous nous sommes mobilisés sur l’ensemble des points. Il n’y avait pas que Tadmaït, Oued Falli aussi avait débordé, la circulation fut coupée sur la rocade Sud durant trois heures. Notre vitesse de réaction n’était pas assez rapide, puisqu’on ne pouvait pas accéder à ces points. Il a fallu du temps pour le faire.

Aujourd’hui, avec cette expérience, pourrez-vous éviter les catastrophes à l’avenir ?

Cela nous a rappelé qu’il faut toujours rester vigilant, dans toutes les situations. A présent, quelle que soit la situation, nous avons la capacité de nous mobiliser rapidement. C’est vrai aussi qu’en week-end, c’est plus difficile qu’en semaine. Mais nous y arrivons, bien que nos moyens ne suffisent pas. Nous avons nos partenaires dans le plan ORSEC. On peut les mobiliser à n’importe quel moment. On a aussi l’habitude de gérer la neige.

Concrètement, quelles sont les mesures prises ?

Déjà il y a une cellule de veille qui travaille. Quand il y a des BMS, elle travaille en permanence, H24. Elle alerte en cas de besoin les services qui doivent intervenir. Cette situation nous a aussi sensibilisés à faire plus attention et à nous préparer plus pour gérer toutes situations à l’avenir. Tizi-Ouzou s’en est très bien sortie. Le calme des citoyens, la solidarité nous en beaucoup aidés. Nos services ont bien travaillé et la Protection civile a été très efficace.

C’est important le calme des citoyens, nous l’avons constaté, ça minimise les accidents. La panique crée d’autres problèmes. J’aurais aimé en revanche que dans ce genre de situation la bande d’arrêt d’urgence soit libre, ça nous aurait facilité l’accessibilité aux points sinistrés. Je tiens à revenir encore à la problématique des déchets, car c’est important. Nous n’arrêtons pas de les ramasser, mais ça revient. Si seulement il y avait du civisme, nos services s’occuperaient d’autres tâches plus importantes. Au lieu de ramasser des déchets, nous nous occuperions de notre mission de base. Cet état de fait épuise les ouvriers, l’incivisme galopant complique notre mission.

Entretien réalisé par Kamela Haddoum.

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