Prises d’otages et 40 millions de DA de créances impayées

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Le conflit entre la SDC (Société de distribution du centre) et les villageois de Takerboust, qui dure depuis plus d’une décennie, a engendré plus de 40 millions de DA de créances impayées.

La chargée de communication auprès de la SDC de Bouira, , Mlle Benyoucef, déclare que le village de Takerboust à lui seul détient plus de 40 millions de dinars de créances, alors que la commune enregistre des factures impayées de l’ordre de 46 millions de dinars. «Cette commune détient plus de 55% du solde de l’agence de M’Chedallah qui enregistre 111,29 millions de dinars de factures impayées. À Takerboust, la SDC a déposé plainte contre 27 personnes pour prises d’otages, car des villageois avaient intercepté nos véhicules et séquestré des agents qui sont aujourd’hui traumatisés. De même, des personnes qui ont fraudé en manipulant leurs compteurs sont poursuivies en justice. Nous avons plus de 120 abonnés qui sont également poursuivis en justice pour non paiement des redevances électriques et de gaz. Nous avons mis en demeure 1 106 abonnés, ce qui représente une somme de plus de 40 millions de dinars», indique Mlle Benyoucef qui souligne que sur les 2 530 abonnés électriques, 1 109 ont été raccordés au gaz naturel, soit un taux de pénétration jugé important malgré le fait que très peu d’abonnés sont à jour dans le paiement de leurs factures.

La version des villageois

Auprès des abonnés de Takerboust, la SDC est désignée comme responsable de cette situation qui s’envenime depuis plusieurs années. «Depuis plus de dix ans, pas de travaux de réhabilitation pour refaire les lignes à l’intérieur du village. Nous enregistrons fréquemment des chutes de tension et il nous est impossible de faire fonctionner correctement nos appareils électroménagers. Nous consommons des miettes et on nous présente des factures exorbitantes… Nous exigeons à ce que le village soit considéré à juste titre et non marginalisé», s’indignent les habitants de Takerboust qui se disent victimes d’un complot à leur encontre.

«Les agents de la Sonelgaz viennent en notre absence dans nos domiciles en entrant par effraction et en procédant au retrait des compteurs. Nous avons recensé plusieurs dizaines de cas, on part le matin au travail et le soir en revenant chez nous, on se retrouve sans compteur. Pour qui se prennent-ils d’agir ainsi ?», s’offusque-t-on.

Pour M. Medini, responsable auprès de la SDC de Bouira et bien au fait de la situation actuelle, le conflit ne date pas d’hier : «Il faut que les abonnés s’acquittent de leurs factures et de notre côté, nous ne ménageons aucun effort pour améliorer la distribution en électricité et en gaz pour nos abonnés. Toujours est-il que les investissements consentis par la SDC doivent être mûrement réfléchis. Nous avons demandé aux sages du village ainsi qu’aux responsables de l’APC d’Aghbalou de nous dégager des assiettes de terrains afin que nous puissions implanter des transformateurs, mais jusqu’à présent, cette doléance n’a pas trouvé d’écho auprès de la population locale», déplore M. Medini.

En lui faisant part des griefs retenus contre la SDC par les villageois, le responsable de la SDC de Bouira indiquera: «Nous avons procédé à des augmentations de puissance dans tous les postes qui existent à Takerboust. Nous avons augmenté le poste à proximité du CEM Tazaghart Achour qui est passé de 250 kva à 630 kva, c’est-à-dire que sa puissance a été multipliée par trois. Le poste sur poteau sis à Tinssaouine également a été renforcé de 116 kva à 160 kva. Nous avons pris nos dispositions pour l’augmenter à 250 kva sur poteau. Mais il y a eu cette opposition de la part d’un propriétaire terrien, qui nous bloque la construction d’un poste maçonné à côté du poste existant. Nous souhaitions uniquement une petite assiette de 4 mètres sur 5 mètres et le maire d’Aghbalou est au courant de la situation, de même que le chef de daïra de M’Chedallah. Le poste 301 sis à Tala Isselane a été augmenté de 160 à 250 kva. La SDC a suivi l’évolution et les besoins de la population. Ce sont là quelques points des projets du village».

Par ailleurs, notre interlocuteur affirme qu’en plus de la réhabilitation des câbles et du programme d’État QLS, le côté bas du village a été alimenté par deux postes sur poteaux appelé dans leur jargon ACC qui ont été augmenté en capacité. «C’est là un apport supplémentaire pour Takerboust. Nous avons organisé des sorties avec le P/APC d’Aghbalou, les citoyens et nos services pour délimiter des assiettes pour accueillir les transformateurs. On nous a désigné un endroit sur lequel se trouve un poulailler qu’il faut détruire sur un terrain sans voie d’accès. Le comble est qu’il nous a été demandé l’indemnisation du poulailler et du passage, alors qu’il s’agit d’un service public qui n’est pas soumis à une indemnisation», atteste M. Medini.

À notre question de savoir si des réhabilitations de câbles électriques avaient été réalisées depuis 2008, notre interlocuteur fera savoir qu’il n’en n’est rien : «Non, le centre du village a été réhabilité et pris en charge à l’époque par le wali, en 2008, mais par la suite, nous avons pensé que le câble classique est plus porteur en matière de transit d’énergie par rapport aux câbles électriques torsadés. Si on met du torsadé, c’est pour des capacités de transit alors que c’est une région dense avec beaucoup d’abonnés et c’est pour cela que nous avons laissé le câble classique, mais je vous garantis que cela ne gêne pas car cela est utilisé partout dans le monde», déclare le responsable auprès de la SDC qui rajoute que la durée de vie d’un réseau électrique dépasse une cinquantaine d’années lorsqu’il est bien entretenu et lorsqu’il n’est pas agressé.

En abordant le problème récurrent des chutes de tension dues à la vétusté des câbles électriques, le responsable estime qu’hormis les services de la SDC, nul ne peut prétendre à la vétusté des installations : «La vétusté des câbles n’est constatée qu’après des mesures effectuées par la SDC. On effectue périodiquement les mesures et nous avons un programme d’entretien. Nos agents vérifient l’ensemble du réseau chaque année. Si une vétusté est remarquée, les agents l’inscrivent et demandent le changement des câbles. Nous avons des programmes annuels, c’est-à-dire, chaque année on propose ce que sera pris en charge l’année suivante. Personne ne peut se prononcer sur la vétusté des réseaux sauf après mesures et passage des agents de la Sonelgaz. Je vous confirme que les câbles de Takerboust peuvent encore servir des années et des années à condition que les gens les préservent en ne les agressant pas et qu’ils ne connaissent pas d’atteintes. Les anciens câbles classiques en cuivre sont plus conducteurs que les câbles en torsadé», détaille M. Medini.

La SDC réfute les accusations

Pour la SDC, il est question de prévoir des équipements supplémentaires à condition de disposer d’assiettes de terrain pour y recevoir des postes électriques et transformateurs. «Certains abonnés disent recevoir 180 à 190 volts au lieu des 220 volts, mais ce sont des relevés effectués auprès de demeures situées en bout de réseau, c’est-à-dire que ce sont les derniers abonnés à être alimentés à partir d’un poste et nous leurs avons demandé de mettre à notre disposition une assiette de terrain pour renforcer le réseau. Vous savez qu’il nous faut des sites adéquats pour implanter un poste électrique, en plus par la suite la densité des habitations ne permet pas le survol des câbles car nous devons respecter une servitude de 15 mètres de chaque côté et si nous réalisons en sous terrain, des oppositions viennent freiner ces réalisations. Ces gens qui subissent des chutes de tension ne sont pas nombreux mais on doit les reprendre», explique-t-il encore.

À propos de la surfacturation rapportée par les citoyens de Takerboust, notre interlocuteur estime qu’il s’agit d’une aberration : «Dans quel intérêt procéder à une surfacturation ? La SDC a investi par la mise en place d’un appareil TSP (Terminal Saisie Portable) pour la relève des compteurs de manière à éviter les erreurs pouvant être commises avec des relèves manuelles et visuelles où l’agent pouvait parfois se tromper», explique M. Medini.

Mlle Benyoucef abondera dans le même sens en soulignant que lorsqu’il n’y a pas d’accès au compteur de l’abonné, c’est la machine qui estime par rapport à l’historique de la consommation à la même période de l’année précédente : «Il s’agit d’un état comparatif mais nous luttons pour avoir l’index réel. Nous voulons avoir un historique fiable et pour cela, il faut relever d’une façon sincère. Il peut parfois y avoir un cumul de facturations et certains abonnés prennent cela comme étant une surfacturation à cause d’un compteur inaccessible aux agents. Ce qui fait que le montant s’avère plus important», notera la responsable de communication au niveau de la SDC de Bouira. Les cadres de cette société sont en tout cas catégoriques pour démentir l’allégation de surfacturation. «L’abonné doit vérifier l’index du compteur, le reste est calculé de façon automatique avec le coût de la première tranche, deuxième tranche, troisième tranche… avec les tarifs qui leurs sont appliqués», ajoutera-t-elle.

Quelle solution ?

Les responsables de la SDC de Bouira annonce que les portes du dialogue demeurent ouvertes : «La bonne volonté de tous participera certainement au dénouement de cette situation. Il faut surtout que les abonnés de Takerboust respectent leurs engagements pour s’acquitter fidèlement de leurs échéanciers. Lorsqu’on s’aperçoit que les gens tiennent leurs promesses, cela nous donne plus de volonté à investir plus. N’oublions pas que la Sonelgaz est une entreprise économique», précise notre interlocutrice.

«Toutefois la SDC a maintenu les 27 dépôts de plainte pour prise en otages et fraude depuis juin 2017, et les avocats ont demandé des peines de prison pour les agresseurs car des agents ont été pris en otages et ces derniers gardent des séquelles psychiquement. Ce n’est pas normal en 2018 de prendre des gens en otages, de simples agents venus effectuer une mission de routine pour laquelle il a été instruit. Nous n’avons jamais fermé les portes du dialogue. D’ailleurs, le directeur de l’agence de M’Chedallah reçoit personnellement les abonnés de Takerboust dans son bureau», indique Mlle Benyoucef.

Ainsi et afin de répondre favorablement aux problèmes liés à la qualité et la continuité de service, la SDC affirme avoir interpellé le P/APC d’Aghbalou pour l’inviter à effectuer des choix de terrain en concertation avec les concernés et voir si les assiettes dégagées se prêtent pour recevoir des postes électriques.

Hafidh Bessaoudi

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