Quels moyens et méthodes pour enseigner tamazight ?

Partager

« Les outils d’apprentissage et l’habitude de lire et d’écrire l’amazigh moderne », tel est le thème de la journée d’étude qu’a organisé le Haut commissariat à l’amazighité hier, au chef-lieu de wilaya de Aïn Témouchent. Après l’ouverture officielle donnée par M. Boujdmaâ Azir, El Hacehmi Assad en présence du SG de la wilaya, les travaux ont débuté avec une pléiade dintervenants.

De notre envoyé spécial à Aïn Témouchent : M. Mouloudj

Plusieurs spécialistes ont pris part à cette journée pour étudier les voies et moyens qui rendent l’apprentissage de la langue amazighe attrayant et surtout bénéfique pour l’épanouissement et la vulgarisation de la langue.

La mission semble ardue dans un climat caractérisé par le rejet et le sabordage de cette langue et culture qu’ont pratiqué des décennies durant les différents pouvoirs politiques qui ont succédé à la tête des Etats amazighs Nord-africains.

Kania Rabdi, enseignante à l’institut de langue et cultures amazighes à l’université de Bgayet, actuellement enseignante à Bouira, a traité de « l’écrire et le lire en tamazight, comment atteindre cet objectif didactique et par quelle démarche pédagogique peut-on réussir l’enseignement-apprentissage de cette langue ? ». Ces questionnements renvoient, indubitablement, vers la mise en place de moyens pédagogiques et didactiques qui seront à même de pouvoir enseigner cette langue pour des apprenants qui vivent dans un environnement peu enclin à accepter cette réalité historique et linguistique de l’Algérie.

Pour l’intervenante, « didactiser la langue amazighe est une démarche qui nécessite une vraie réflexion », laquelle « mettra en avant le contenu qu’il faut enseigner », ainsi que « les méthodes la plus adéquate », à suivre pour assurer la transposition didactique. « Il faut sortir des schémas classiques et autres stéréotypes entourant la langue amazighe », a-t-elle insisté. La capacité des apprenants d’une langue n’était pas en reste. Ainsi, Mme. Rabdi a indiqué que leur capacité à assimiler une langue définira les moyens appropriés pour se faire.

Par ailleurs, elle a souligné que l’usage de la langue dans l’environnement immédiat des apprenants « favorise l’apprentissage de la langue ». A titre d’exemple, elle a cité « les panneaux de signalisation, les pancartes et autres supports de langues comme les chansons, les films… ».

Brahim Ben Taleb, psychopédagogue, auteur d’un dictionnaire qui vient d’éditer les éditions Ait Mouloud, a traité de la mission « de récolte » de mots en tamazight pour confectionner un lexique. Ainsi, l’auteur du dictionnaire à 40000 mots recueillis en plusieurs variantes amazighes, allant du Kabyle au Tamacheqt, en passant par le parler de Ghadamès en Libye, estime que les caractères arabes « sont très loin de pouvoir transcrire la langue amazighe ». Pour lui, les différents sons et syllabes que contient tamazight ne peuvent être traduit fidèlement par les caractères arabes avec ses 28 lettres.

« Dans ma carrière professionnelle, j’ai découvert que les locuteurs de la langue amazigh s’adaptent et apprennent facilement des langues étrangères, telle la langue nipponne, le chinois &hellip,; mieux que les autres ». La richesse de cette langue en sons et syllabes rend l’apprentissage facile. Connaître toutes les couleurs en amazigh serait d’un grand apport pour apprendre plusieurs autres langues, a indiqué M. Ben Taleb qui fait, toujours référence à la richesse phonétique et lexicale de la langue amazighe.

Pour Yacine Zidane et Siham Souici, qui ont traité « de la planification réelle de tamazight, méthode d’apprentissage du Touareg en kabyle », estiment que l’apprentissage d’une langue dépend aussi de la méthodologie suivie dans l’enseignement.

Yacine Zidane, qui éditera incessamment chez les éditions Enag en partenriat avec le HCA, un livre sur l’apprentissage de Tamaheght en kabyle, « Awfus i ulmad n tmaheght », (Manuel d’apprentissage du Touareg), est revenu sur ses différentes recherches pour aboutir à une méthode pour apprendre le touareg en kabyle. Durant la période de recherche, Yacine Zidane s’est rendu chez les autochtones targuis pour mieux cerner son sujet. Il a traité de la situation sociopolitique, socioculturelle et socioéconomique de la société targuie. Les rapports entre les hommes et les femmes, l’apprentissage de la langue chez les targuis étaient aussi un axe de recherche de M. Zidane qui a souligné que « les femmes targuies étaient détentrices du pouvoir de transfert de la langue aux enfants jusqu’à la venue de l’école moderne ». Il a ajouté que les 4/5 des femmes maîtrisent parfaitement le tifinagh contrairement aux hommes. La langue de cette société matriarcale constitue à elle seule une langue à part entière dans l’environnement amazigh global.

Hakim Kassa, enseignant à Bgayet a traité quant à lui, de la nature de la langue amazighe, est-elle une langue d’enseignement ou tout simplement une langue à enseigner?. M. Kassa se questionne sur la possibilité d’enseigner la sociologie en tamazight.

Pour ce faire, il a traité des limites qui peuvent avoir les domaines scientifiques, qui, selon lui ne se posent pas au niveau intrinsèque de la langue elle-même, mais de la volonté d’abord de ses spécialistes et l’adaptation de ses locuteurs. Il a proposé un lexique de sciences humaines pour enseigner en tamazight ces sciences.

Mokrane Chikhi, journaliste a traité de l’usage imposé à tamazight dans les médias. A titre d’exemple, il a étudié le cahier en tamazight de la Dépêche de Kabylie, qui paraît chaque lundi. Ce cahier qui impose d’une manière explicite des sujets d’actualités en tamazight, lesquels imposent un certain lexique dans le domaine de l’information et dont les lexicologues et berbérisants n’ont pas encore conquis cet espace.

Mohand Oubelkacem Kheddam, a traité de l’écologie de la lecture.

M. M.

Partager