Nos élus encouragent-ils la bureaucratie ?

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La bureaucratie est toujours de mise dans nos administrations. C'est un fléau, au même titre que le népotisme et la corruption.

Une administration bureaucratique donne irrémédiablement naissance à tous les maux possibles et imaginables. Certes, l’Etat tente de combattre ce phénomène destructeur, mais que faire quand il émane des responsables, qui sont censés l’endiguer? C’est le mythe de l’hydre à sept têtes. Coupez-en une, il en repoussera deux autres. Dimanche dernier, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, M. Tayeb Belaiz, a évoqué devant les membres du Sénat et sans ambages aucun, que la lutte contre la bureaucratie connaît des « résistances au plus haut sommet de l’Etat ». Cet aveu est lourd de sens, car il reflète une réalité bien palpable et consternante. Les administrés sont les otages, non plus des petits  » lampistes » de service, mais également des responsables. Certains sénateurs ont pointé du doigt les élus du peuple, en soulignant le fait que dès que ceux-ci accèdent à la tête de l’APC, grâce aux voix de leurs électeurs, ils tournent carrément le dos à ces derniers. « Certains élus tournent souvent le dos à leurs électeurs, alors que leur mission première consiste à rester à l’écoute de leurs administrés », ont-ils souligné. Un sénateur FLN, ira même jusqu’à déclarer : « certains élus encouragent la bureaucratie ». Cette affirmation a fait réagir bon nombre de sénateurs qui ont confirmé et regretté cet état de fait. Et de l’avis général, et sans évoquer les  » hautes sphères », c’est le simple citoyen qui en est pénalisé chaque jour que Dieu fait.

Entre laxismeet complaisance

A l’échelle de la wilaya de Bouira, à l’instar des autres régions du pays, l’administré qui n’a ni connaissances  » bien placées », ni  » ami » au sein d’une administration, est livré à lui même et à un véritable parcours du combattant pour le moindre document administratif. Certes, des efforts ont été consentis, mais les mentalités, car il s’agit bel est bien d’une affaire de mentalité restent figées. C’est là que devraient intervenir les responsables, dans le but d’éradiquer ce fléau, en recadrant les agents récalcitrants, et si besoin est, prendre des sanctions adéquates. Et c’est là que la défaillance, ou plutôt le laxisme des responsables se manifeste au grand jour. Des exemples ? Il y en a, pour ainsi dire à la pelle. Le P/APC de Bouira, n’est-il pas au courant de la pagaille au niveau du service de l’état civil ? Les passe-droits et autres « ben âamisme » sont quotidiens. La scène qui suit en est la preuve manifeste. Mercredi dernier, aux alentours de 11h45, un jeune homme muni de son ticket se présente au guichet du retrait des extraits de naissances. Quand vint son tour, il se voit « chiper »sa place, par autre qui selon toute vraisemblance connaît le guichetier, car devant tout le monde il l’appela en disant : « saha el familiya », avant de prendre son ticket numéroté 320, alors que celui du jeune homme  » lésé » était de 319. Et que trouve à dire le P/APC de Bouira quand on lui demande de réagir à cette situation ? Et bien, rien ou presque! Il s’est contenté de botter en touche, en disant : « la bureaucratie a la vie dure et nous nous efforçons d’y mettre fin », sans toutefois préconiser des mesures concrètes. Le cas du P/APC de Bouira n’est pas isolé loin de là ! À travers l’ensemble des communes de la wilaya, les citoyens se plaignent et dénoncent le « laxisme », voire la « complaisance » de ceux qui doivent, en principe, les écouter et œuvrer à éradiquer la bureaucratie dans les administrations communales. Le constat des sénateurs, est partagé par bon nombre de citoyens, du moins ceux que nous avons interrogés. « Si notre maire daignait nous écouter, nous n’en serions pas là aujourd’hui! C’est grâce à ma voix et à celles de tant d’autres qu’il est à la tête de l’exécutif communal. Mais il a la mémoire courte », se révolte Tahar, habitant de la localité Tala Bournane, relevant de la commune d’Ain Turk. Concernant la bureaucratie, notre interlocuteur lancera : « Ce sont nos responsables qui l’encouragent ! Ils ne veulent pas y mettre un terme, car eux aussi en profitent allègrement. C’est un rouage infernal ». Cet avis, est également partagé par certains élus de l’APW de Bouira, qui ont, lors de la dernière session de cette assemblée, mis l’accent sur une « recrudescence » de la bureaucratie dans certains communes. Ainsi, un élu de la commune de Bouderbala a violemment fustigé les « passe-droits » qui ont cours au sein de l’APC de cette municipalité. Dans la commune d’El Hachimia, le maire qui est accusé par ses électeurs de « détournement » des couffins du Ramadhan (voir notre édition du 22 juillet), est également mis à l’index, par ses concitoyens, sur son  » encouragement » de la bureaucratie. Les mairies ne sont pas les seules à souffrir de ce mal, certes, mais elles en sont les exemples types.

À quand des mesures coercitives?

Face à cette situation alarmante, et ce n’est rien de le dire, le ministre de l’Intérieur a instruit les walis de mettre en place « un plan anti-bureaucratie », dans le but de tenter de  » limiter les dégâts ». Et parmi les mesures prises : répertorier et établir les éventuelles insuffisances constatées, proposer des solutions adéquates, transmettre le tout au ministère par le biais d’un bilan périodique, la numérisation des formulaires EC 12, EC 13, EC 14 et EC 24, leur large diffusion au niveau des administrations et, depuis récemment, la possibilité de retrait des extraits de naissances S12 de n’importe quelle commune, sans que l’intéressé ne se déplace à la municipalité de sa naissance. Autre mesure prise et non des moindres, celle qui se réfère à la formation des agents de l’état civil et autres préposés aux guichets. En effet, des instructions ont été données aux différents chefs de daïras et présidents d’APC, pour qu’ils organisent des stages de formation à l’intention des différents agents administratifs, dans le but de leur inculquer la culture du service public et ses rudiments. Mais cette réforme n’a selon toute vraisemblance pas complètement atteint ses objectifs. Pourquoi? Et bien, et si on se réfère au constat établi par M. Belaiz et d’autres sénateurs, le mal est beaucoup plus profond qu’on le pensait. Le citoyen lambda le sait, ce n’est pas le « petit » guichetier qui est la source de cette bureaucratie galopante, mais certains édiles, qui ferment les yeux et qui parfois encouragent cette pratique honteuse. De l’avis de certains citoyens, l’Etat a certes facilité l’accès aux documents officiels, il a également mis en place un programme de formation pour les agents, mais on aurait omis d’accompagner toute cette batterie de réformes, par des mesures coercitives à l’encontre des contrevenants. A-t-on déjà « épinglé » un P/APC car son état civil souffrait de bureaucratie? A-t-on entendu parler d’un maire destitué car ses agents, dont il a la responsabilité faisaient montre d’un certains excès de zèle? La réponse est non.

Ramdane Bourahla

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