Le droit de festoyer et le devoir de… se cultiver

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La Kabylie s’est animée depuis la fin de Ramadhan de plusieurs rendez-vous culturels qui ont touché aussi bien les chefs-lieux de wilaya que des villes et villages, où se sont tenus le festival de la chanson amazighe, la fête du bijou, la fête du couscous, la fête de la robe kabyle,…etc. Cela ne pouvait que servir la culture et les citoyens en ces journées caniculaires de vacances. Les émigrés ont eu, eux aussi, à s’imprégner de ces rendez-vous festifs, en plus des fêtes familiales de mariages programmées presque toutes entre le début août et la fin septembre. Il est vrai que tous ces événements, concentrés pendant les journées de week-ends, ont généré des affluences considérables sur les routes et même à l’intérieur des modestes villages, sans parking ni autres commodités, appelés à abriter les festivités. À ce désagrément, se sont greffées les longues coupures d’eau qu’ont connues plusieurs régions, obligeant des familles à s’approvisionner par l’achat de citernes d’eau.  Qu’à cela ne tienne : de l’ambiance festive, qui a ses limites chronologiques qui se signalent cette semaine avec la fin du mois d’août, il fallait tirer le maximum de plaisir en rencontrant les acteurs de la culture, les objets ciselés par les mains expertes des bijoutiers, des couturières et d’autres praticiens des métiers de l’artisanat. L’inauguration de la bibliothèque communale à Akfadou a été rehaussée par la présence du grand chanteur Idir que ses fans d’ici rêvent de voir sur la scène locale. Mais la culture, en tant qu’activité de l’esprit et en tant que réceptacle d’immersion et d’expression de la citoyenneté doit-elle s’arrêter à la fin août ? Rien n’est moins recommandable, bien que, dans la réalité la culture peine à s’extraire de ce calendrier estival festif. S’il se prépare le Salon international du livre d’Alger et le festival « Lire en fête », c’est à peu près dans la même logique d’un agenda culturel qui, quoi que l’on dise, ne pourra jamais se substituer à une activité culturelle permanente faite de cinéma, de lecture de livres, de concerts de musique, de fréquentation de musées et de découvertes des vestiges et monuments culturels en dehors du strict circuit touristique que l’on trace habituellement pour ce genre de manifestation.  Les enfants rejoindront l’école la première semaine de septembre, avec une leçon inaugurale portant sur la sensibilisation à la prévention des risques naturels. C’est une bonne chose, réclamée par les psychopédagogues depuis des années. Cependant, après cette leçon inaugurale, qu’a-t-on préparé pour accompagner la scolarité des élèves sur le plan de l’activité culturelle ? Qu’est-ce qu’une scolarité enfermée dans des salles de classe pendant neuf mois, sans visite de musée et sans réalisation de circuits de randonnées dans des sites naturels ? Ce sont des sorties censées être sanctionnées par des comptes-rendus, rédactions devant être discutées et évaluées. Quelles missions assurent actuellement les bibliothèques des écoles et collèges ? Il est bien beau de connecter ces mêmes établissements à Internet; mais, encore faut-il mettre les moyens humains qu’il faut pour en tirer le meilleur parti dans l’exploitation. Que valent les « projets » confiés à des collégiens qui sollicitent des cybercafés pour leur en donner une copie froide, standardisée, non discutée, mais bien imprimée sur papier couleur et reliée? La conception de l’animation culturelle et des travaux complémentaires à l’école est basée sur du faux. Elle fait appel à la facilité qui assure l’indolence de l’esprit. Le niveau des élèves, aussi bien dans les matières enseignées que sur le plan de la culture générale, en est la preuve irréfragable. On a construit des centaines de bibliothèques communales, y compris dans les lieux les plus reculés de la steppe, qui sont demeurées inertes, non sollicitées, et qui finissent parfois par changer de vocation. Sur les 400 salles de cinéma que l’Algérie a héritées de la colonisation, on peine aujourd’hui à aligner une vingtaine qui activent dans ce domaine. Les jeunes sont, toute l’année, happés par les chaînes de télévision étrangères, les réseaux sociaux et autres divertissements qui sont rarement porteurs de fruits sur le plan de la formation de la personnalité et de la culture. Les réseaux sociaux, même s’ils sont porteurs de nouvelles manières de communiquer, sont rarement exploités à des fins de communication et d’échanges utiles. La rumeur, l’insulte et les vaines algarades tiennent le haut du podium.  On a longtemps parlé de réformes politiques et économiques et péroré sur leurs retards et leurs manques. Mais, réinventer de nouveaux canaux de communication pour asseoir des activités culturelles pérennes, formatrices de la personnalité et de la citoyenneté c’est faire l’effort de réformes salvatrices dans un domaine où ce mot, réforme, n’est presque jamais cité.

Amar Naït Messaoud

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