Entre calculs et canicule

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La saison estivale 2014 aura été l’une des plus chaudes de ces quelques dernières années. Depuis le mois de juin, le mercure n’a cessé d’afficher des températures frôlant les 40°Cà l’ombre. Un temps lourd et étouffant a régné lesté par un important taux d’humidité. Rares sont ceux qui ont bravé l’agressivité du soleil en circulant en ville durant les longues journées de cet été. Et ce ne fut que par nécessité ou obligation. Une petite virée au fin fond des bourgades, agrippées au flanc de la montagne de l’Akfadou, fut des plus éloquentes. Une torpeur sans égal y a sévi. La canicule étourdissante et accablante a accentué le sentiment d’inconfort d’une population en quête du moindre passe-temps, en cette période de grandes chaleurs. Le manque criant en lieux de loisir s’est combiné au vide abyssal qui meuble le quotidien des villageois. Les journées se suivent et se ressemblent. Les ruelles sont quasi fantomatiques. Tous les commerçants baissent rideau dès la fin de la matinée. Le silence qui règne sur ces contrées n’est troublé que par le gazouillement des oiseaux et la stridulation des cigales.  Dans le dessein de fuir, un tant soit peu, cette monotonie généralisée, chacun tente, à sa manière et selon ses moyens, de s’occuper et se distraire. Mais comment concilier calcul budgétaire et évasion loin de la canicule ? En effet, la distance qui sépare la localité de Chemini de la ville des Hammadites, plus de 65 km, refroidit souvent les ardeurs. Budget oblige ! Pour les adolescents, piquer une tête dans l’eau est synonyme d’une évasion inespérée, mais ils ne sont pas légion ceux qui se le permettent. Pour les enfants issus des bourgades cachées au fin fond des pitons rocheux, une virée en plage n’est pas chose aisée. Bon nombre d’entre eux n’ont jamais mis les pieds dans l’eau et n’ont guère profité du plaisir de la mer. Il faut compter pas moins de 500 dinars pour rallier les plages les plus proches comme la côte Est béjaouie. Sinon il faut doubler la somme pour rejoindre la côte Ouest (Boulimat, Tighremt, Seket…). Ces dernières années, la location de minibus par de jeunes villageois est une solution pour minimiser les frais de déplacement, et ce, en payant chacun la somme de 300 à 400 DA. Ajouter à cela l’argent des repas et des boissons, un budget qui peut atteindre les 1000 dinars, au moins. Une somme exorbitante pour des jeunes sans ressources et qui ne peuvent compter sur l’aide de leurs parents. « On ne peut s’offrir le luxe d’aller souvent à la plage, quand on sait qu’il faut débourser un bon billet de 1000 dinars pour un minimum de nourriture et de boisson », nous dira, Massi, un jeune lycéen de Chemini. Et à son ami d’abonder dans le même sens : « Aller à la plage une fois par mois est déjà un exploit pour les petites bourses de nos parents. On se sent lésés à plus d’un titre par rapport aux jeunes des villes. Y’a rien à se mettre sous la dent dans une région enclavée et déshéritée ». Entre calcul et canicule, les jeunes n’ont qu’à rêver en regardant la télévision, devenue le seul loisir, gratuit et accessible. Jadis, les villageois goûtaient un tant soit peu à la fraîcheur des étangs se trouvant à proximité qui leur servaient de coins improvisés de détente. Une eau claire et limpide faisait oublier aux bambins ce qu’est une plage bordée de sable fin et ornée de rochers, sculptés par Dame nature. Mais ces dernières années, la donne est toute autre. Ces étangs sont réduits à des réceptacles de toutes sortes de déchets et eaux usées, privant ainsi des milliers d’enfants d’un certain plaisir. Et c’est encore une fois la tranche juvénile que cette situation de mise à l’écart pénalise le plus. Les pouvoirs publics n’ont pensé à aucune prise en charge. Sinon comment expliquer qu’aucune piscine n’a été réalisée à travers tout le territoire de la wilaya de Béjaïa, hormis celle se trouvant dans l’enceinte de l’Unité maghrébine dans la ville même de Béjaïa. 

 Bachir Djaider

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